En référence au livre d’Esdras 1, 1-8 ; 2, 68 à 3, 8

SAINT JEAN CHRYSOSTOME « RETOUR À CONSTANTINOPLE »

Où trouver des expressions qui traduisent ce qui se passe en mon âme ? Je m’en rapporte au témoignage de votre conscience, à ce bonheur que mon retour à fait éclater : c’est là ma couronne, c’est là ma gloire. Si la présence d’un seul homme a pu réjouir à ce point un peuple entier, pouvez-vous comprendre de quelle joie la vue de ce même peuple doit inonder mon cœur ? Le vieux Jacob, en revoyant Joseph, un seul de ses enfants, renaissait à la vie en même temps qu’au bonheur : et moi, je retrouve, non un seul Joseph, mais une innombrable famille, dont chaque membre me rappelle sa vertu. J’ai retrouvé mon paradis, bien supérieur au premier : là, le serpent avec ses embûches : ici le Christ célébrant ses mystères ; là, Ève avec toutes ses séductions : ici, l’Église décernant des couronnes ; là, le malheureux Adam succombant à la tentation : ici, tout un peuple qui demeure fidèle à son Dieu ; là, des arbres aux fruits variés : ici, les divers dons de la grâce. Dans le Paradis, des arbres sujets à se flétrir ; dans l’Église, des arbres d’une inépuisable fécondité. Dans le Paradis, chaque semence donne un fruit toujours le même ; mais, dans le nouveau paradis, si je trouve une vigne sauvage, j’en fais un plant fécond et suave ; la culture change également la nature et les fruits de l’olivier : telle est la terre que je travaille. C’est pour cela que mon cœur déborde et que je suis néanmoins impuissant à vous en traduire la félicité. Recevez-en le témoignage, mes bien-aimés, soyez bénis de la manière dont vous avez supporté ma longue absence.

Je vous entends me dire : Nous eussions aimé célébrer la Pâque avec vous. Mais rien n’empêche que nous ne fassions la Pâque aujourd’hui. Sans doute m’objecterez-vous : Pouvons-nous donc célébrer deux Pâques ? ‑ Non certes, nous n’en célébrons qu’une, mais celle-là, nous pouvons la célébrer souvent. Le soleil se lève tous les jours, sans que nous puissions dire qu’il y a plusieurs soleils, puisqu’il n’y en a qu’un qui chaque matin se lève. De même la Pâque est toujours consommée et demeure la même en se renouvelant sans cesse. « Toutes les fois, dit le Maître, que vous mangerez ce pain et que vous boirez cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur ». Cette mort du Seigneur nous l’annonçons encore aujourd’hui. Mais, me direz-vous, la fête est passée. Non, elle dure encore ! Il y a fête partout où triomphe la charité. Et, pour ma part, quand je retrouve mes enfants dans la joie, je célèbre la plus belle des fêtes : l’âme de cette fête c’est la charité.

Œuvres complètes Bareille. Tome 6 pp 57 & ss.