En référence à la lettre de st Paul apôtre aux Phillipiens 1, 27 à 2, 11

HILAIRE DE POITIERS « DANS LA FORME DE DIEU »

Lorsque Paul nous annonce l’Évangile, il le fait sous le souffle de l’Esprit du Christ qui parle en lui. Aussi nous permet-il de reconnaître ce que le Fils a en propre, par ces mots : « Lui qui était dans la forme divine, il n’a pas considéré comme un vol d’être l’égal de Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave ». Car celui que Dieu avait marqué de son sceau ne pouvait avoir une autre forme que celle de Dieu. Et celui qui porte la marque de la forme de Dieu doit nécessairement porter en lui l’image entière de la Divinité. C’est la raison pour laquelle l’Apôtre nous présente celui que Dieu a marqué de son sceau, comme demeurant dans la forme de Dieu. Et comme son propos est de nous parler de la réalité mystérieuse du corps que le Fils a pris sur lui, de ce corps dans lequel il est né, Paul ajoute : « Il n’a pas considéré comme un vol d’être l’égal de Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave ».

Lui qui était dans la forme de Dieu, il demeurait Dieu, étant donné que Dieu l’avait marqué de son sceau. Mais puisqu’il devait prendre la forme d’esclave et obéir jusqu’à la mort, il ne retint pas jalousement à son avantage le fait d’être l’égal de Dieu, mais il s’en dépouilla par obéissance, jusqu’à prendre la forme d’esclave. Il se dépouilla de sa forme de Dieu, c’est-à-dire de ce qui le rendait égal à Dieu. Aussi ne considéra-t-il pas le fait d’être égal à Dieu comme un vol, lui qui existait dans la forme de Dieu et égal à Dieu, Dieu marqué d’un sceau par Dieu.

Et maintenant, je te pose cette question : Celui qui demeure comme Dieu, dans la forme de Dieu, est-il un Dieu d’une autre espèce ? Ainsi le sont apparemment, dans le cas des sceaux, la figure qui est imprimée et celle qui imprime : par exemple, le fer appliqué sur le plomb, et la bague sur la cire, reproduisent la figure qu’ils portent gravée en eux, ou bien impriment celle qui ressort en relief sur eux. Mais nous n’allons pas supposer que Dieu puisse former en Dieu une autre figure que celle de Dieu ; ne pensons pas que celui qui est dans la forme de Dieu soit un être complètement différent de Dieu, une fois entré dans le mystère de son incarnation, et par suite de son obéissance qui alla jusqu’à la mort sur une croix infâme ; si quelqu’un était assez sot ou assez fou pour le croire, qu’il entende alors dans le ciel, sur terre et dans les enfers, toute langue proclamer : Jésus est « dans la gloire de Dieu le Père ». Si donc le Christ demeure dans cette gloire, alors qu’il a ici-bas la forme d’esclave, où demeurera-t-il lorsqu’il sera là-haut dans la forme de Dieu ? Le Christ Esprit ne sera-t-il pas dans la nature de Dieu, qui est désignée par ce mot de « gloire », lorsque le Christ Jésus, né comme homme, apparaîtra dans la gloire de Dieu le Père ?

Lorsque Paul nous dit : « Dans la forme de Dieu » et : « Dans la gloire de Dieu », il ne met aucune différence entre ces expressions, et ne nous permet pas de croire que le Fils n’est pas Dieu. Car Celui qui est « Dans la forme de Dieu », ne devient pas un autre Dieu, et même, il ne saurait ne pas être Dieu. Car il ne peut être séparé de la forme de Dieu, puisqu’il est en elle ; et Celui qui est dans la forme de Dieu est Dieu. De même, Celui qui est dans la gloire de Dieu, ne peut être autre que Dieu ; et puisqu’il est dans la gloire de Dieu, il n’est pas un autre Dieu, ni séparé de Dieu ; on n’a pas à le présenter différent. Dans la gloire de Dieu, il tient de Celui dans la gloire de qui il réside, d’avoir en lui, de par sa nature, ce que Dieu est.

De la Trinité, 2, 9