Actes 10,25-48                    1 Jean 4,7-10                 Jean 15, 9-17

 

Dans le langage de notre époque, le verbe aimer est ambigu. On aime une chose tant qu’elle nous donne du plaisir, ou de l’agrément. Quand elle nous intéresse moins, quand on est saturé, on la néglige, on la rejette.

On aime une personne parce qu’elle est agréable, élégante, cultivée, courtoise, serviable etc. Et il arrive qu’elle soit réduite à n’être finalement qu’une chose jetable.

 

Aimer une personne selon la Bible, c’est lui vouloir du bien, c’est s’oublier pour qu’elle réussisse sa vie. C’est l’aider, l’accompagner dans les moments difficiles. C’est l’aider à se construire ou à se reconstruire. Il arrive que  celui qui est aimé fasse souffrir celui qui aime. Parce qu’il aime en vérité, il continue de servir. Malgré nos réticences et nos refus, Jésus nous a aimé jusqu’à en mourir.

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Jésus a dit à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Jésus nous aime comme le Père l’a aimé. L’amour du Père envers chaque personne est donc le miroir de l’amour du Père pour son Fils. Dans le concret de la vie de Jésus, cet amour a donné quoi ?

– Dieu le Père n’est pas du genre bricoleur. Quand il a envoyé son Fils sur terre, il a pris ses précautions. Minutieusement il a préparé le cœur de Marie, la jeune fille qui allait être la mère de son Fils. Comme elle avait déjà un projet de mariage, il a fallu quelques réajustements douloureux pour le concrétiser.

– Jésus a vécu des moments heureux dans un couple uni. Il a appris un métier et il est devenu capable de gagner sa vie. Devenu un homme, vraiment comme les autres, son Père l’engage sur un autre chemin. Il part sur les routes pour annoncer un monde nouveau. Et là, il a connu encore des moments heureux. Jusque là, Dieu le Père a aimé son Fils d’une manière qui nous convient.

–  Mais il y a quelques ombres: une naissance incroyablement improvisée, à une centaine de km du domicile, une mangeoire comme berceau dans une grotte repérée par des bergers qui, dans la société du temps, étaient des marginaux.

– La visite des mages a provoqué la colère d’Hérode. Pour protéger son pouvoir, il fait disparaître tous les bébés de la région. Avertis à temps, Joseph et Marie prennent la fuite en urgence et se réfugient en Egypte avec tout ce que cela comporte de précipitation, d’improvisation, d’insécurité.

– Enfin, lancé dans sa mission, Jésus s’est heurté aux autorités religieuses qui au-raient dû le soutenir. Ils ont manœuvré avec efficacité pour le faire condamner par l’autorité romaine et l’exécuter d’une manière particulièrement humiliante.

Et voilà donc que Jésus nous dit que son amour envers chacun de nous est à l’image de l’amour de son Père pour lui. Faut-il se réjouir ou s’inquiéter ?

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 – Toutes les routes mènent quelque part. Il arrive que nos épreuves, nos déchéances  soient l’aboutissement de la route que nous avons choisie de prendre. Dieu respecte notre liberté. On lui en voudrait s’il ne le faisait pas. Mais dans la pire des situations, Dieu continue de nous ouvrir un chemin.

– Il arrive aussi que l’épreuve nous atteigne sans que nous soyons responsables de quoi que ce soit. On peut alors choisir de se révolter contre cette injustice et donc Dieu, devenu décevant, est évacué de notre vie.

On peut aussi chercher à discerner ce qu’il veut nous apprendre par cette épreuve.   Que va-t-elle construire en nous ? En vue de quel projet ?

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La suite du texte dit ceci : « Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour.

Demeurer dans l’amour de Dieu n’est pas évident. Parce que nous avons du prix à ses yeux, Jésus insiste. Le verbe revient trois fois. Lui-même a demeuré dans l’amour de son Père quand il était acclamé, par la foule et aussi quand la même foule, manipulée par les autorités, le clouait sur la croix. Il faut s’entêter à demeurer quoi qu’il nous arrive ! C’est pour nous, une question de vie ou de mort. Il nous accompagne sur le chemin qui est le nôtre. Dans sa première lettre, Jean écrit : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que nous vivions par lui. »

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Et voilà que de manière inattendue, Jésus nous parle de la joie au cœur de nos situations difficiles : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » A part l’expression « C’est pas la joie », on ne trouve et on n’entend guère ce mot dans nos médias, pas plus que dans nos conversations. Quand les animateurs de variétés veulent offrir au public un moment de bonheur, ils chauffent la salle. C’est à croire que le bruit est la mesure du bonheur. A tel ou tel, on pourrait avoir envie de demander : Derrière cette explosion de décibels, quelle est votre tristesse ?

Et pourtant, parce que notre monde ne va pas bien, il y a place pour la joie dans la fête : une joie discrète, humble et fidèle.

 

Une partie intégrante de la fête est en effet la joie. La fête peut s’organiser, la joie non ! La fête se prépare, la joie se reçoit comme un cadeau indu, une grâce venant de l’Esprit Saint. La fête n’a qu’un temps, tandis que la joie demeure et que nul ne peut nous la ravir.( Guillaume de Menthière.  Magnificat Déc 2014. N° 265 p. 349)

Hymne à la joie .
texte de Joseph Folliet 1903-1972,
écrivain, journaliste, prêtre du Prado

3. Joie limpide, joie austère   4.Joie immense, joie profonde  6.Toi qui montes et débordes

Pâle, fille du devoir                  Ombre vivante de Dieu                    Tu veux nos cœurs ? Les voilà

Dont l’immaculé mystère         Abats-toi sur notre monde                Et nos âmes sont les cordes

Se revêt de voiles noirs.            Comme un aigle vient des cieux.     où ton archet passera.

Ah ! Surgis ardente et pure       Enserre dans ton étreinte                  Que ton rythme nous emporte

de l’œuvre de tous les jours      la tremblante humanité.                    Aux splendeurs de l’Éternel

pour lui donner la parure          Que s’évapore la crainte                   comme un vol de feuilles mortes

lumineuse de l’amour.              Que naisse la liberté                          que l’orage entraîne au ciel.