1 Co. 1, 10-13. 17

Christ ne peut être divisé

Ce que Paul nous écrit en faveur de l’unité nous est particulièrement utile en cette semaine de prière pour l’unité visible du Corps du Christ.

Le mouvement œcuménique présente toutes les apparences de la stagnation depuis un certain temps. Aux questions doctrinales s’ajoutent aujourd’hui toutes les grandes questions que se pose l’humanité, communes aux chrétiens et à tous les autres. Le concile l’a rappelé : l’unité interne de l’Église ne peut se dissocier de l’unité du genre humain. Alors face à cette vision globale, mondiale, universelle que sont ces querelles de clocher des Corinthiens, les nôtres à l’intérieur même de notre Église ?

A Corinthe, il y a des factions, des clans et Paul voit dans cette division un grand danger pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Alors qu’ils sont des gens sérieux les chrétiens de Corinthe confondent celui qui est venu semer, planter, c.à.d. l’apôtre, et celui qui seul peut faire germer et pousser, Dieu. Leur vision est trop humaine ! Certains se réclamaient de celui qui les avaient baptisés : de Paul parce qu’il était le fondateur, d’autres d’Apollos car il parlait mieux et qu’il se sentait plus proche des Grecs, d’autres encore de Pierre, sans doute étaient-ils judéo-chrétiens, finalement certains semblaient se réclamer directement du Christ. Une sorte de querelle de clocher.

S’attacher avec sectarisme à un chef de file, jeter l’exclusive contre d’autres formes d’expression de la foi, c’est monopoliser à son profit le nom du Christ, c’est défigurer l’Évangile et c’est insulter le Christ mort pour rassembler les enfants de Dieu dispersés.

Paul, après s’être situé dans son état d’appelé ayant répondu à la volonté de Dieu d’apporter le message de Dieu à la communauté de Corinthe, situe la communauté face à elle-même, à sa vocation de fils d’un seul Père et à l’appartenance de tous à la même Église de Dieu.

Il a annoncé la Parole, la Bonne Nouvelle du salut et a catéchisé ; ensuite, il a laissé à ses collaborateurs le soin de baptiser. La péricope retenue ce dimanche ne retient pas les versets 14-16 qui font allusion aux baptêmes, (que Paul n’a pas fait), pour insister sur l’unité de la communauté qui est primordiale et sans laquelle le baptême est vidé de son sens. La véritable origine des divisions des croyants de Corinthe, c’est la façon uniquement humaine de voir la religion : en se réclamant de celui qui les a baptisés, on en reste au plan purement humain et on aborde les questions de la foi et de la communauté avec le même esprit. Alors que la différence est radicale, car l’apôtre n’est qu’un serviteur du Christ et non la tête de l’Église. Paul ne méprise pas pour autant le baptême qui est pour lui le véritable passage à la vie par le rattachement à Jésus-Christ mort-ressuscité. Il est le signe qui montre et réalise l’entrée du croyant dans la communauté des croyants.

Chercher l’unité : Comment ? Pourquoi ?

Paul a répondu au pourquoi affirmant son argument théologique fondamental qui est le suivant : par le baptême an nom du Seigneur Jésus, les Corinthiens sont greffés au corps du Seigneur, ils deviennent sa propriété et non celle de l’apôtre. C’est grâce à l’Esprit que leur être a été totalement sanctifié et les a rendus irrépréhensibles « au jour de Notre Seigneur Jésus Christ …il les a appelés à la communion dans son Fils Jésus Christ notre Seigneur » v.9

Face à toutes ces rivalités, qui ont entraîné la formation de clans qui se détruisent mutuellement, Paul en appelle à leur appartenance commune au Christ : qu’il n’y ait pas de contradiction avec le Christ et leur être nouveau

Le deuxième argument met en valeur les dangers de la sagesse humaine qui risque d’évacuer le cœur du message chrétien,  » la folie de la croix. »

Croire en Jésus-Christ est au contraire bien plus grand que tout cela : c’est travailler à l’unité en soi et autour de soi, car le Christ n’est pas et ne peut être divisé. Comment faire la part entre la manière humaine de voir et l’esprit de foi avec lequel nous devons regarder la vie, les événements et les vivre ?

C’est bien là que résident tous les problèmes : c’est un problème de Foi. Nous voyons toujours à la manière du monde. On ne change pas de registre : Changer de registre cela voudrait dire qu’à un moment on va mettre Dieu au cœur de nos vies avant nos propres idées ; en fait il ne faut pas le mettre, il y est depuis notre baptême et peut. Le baptême nous a rendus conscients de cette présence, il l’a manifestée et ne cesse de la réaliser dans la Parole, les sacrements ; la communauté dont nous faisons partie :  il nous donne un regard de foi sur les événements de la vie. Le baptisé a une vie toute autre… parce qu’il est habité par l’Esprit du Père et du Fils, parce qu’il a reconnu que Dieu est au cœur de sa vie, que celle-ci en est transformée du fait que Dieu marche avec lui. Il ne faut pas chercher de dépendance entre le baptisé et celui qui l’a baptisé : la relation nouvelle existe entre le baptisé et Christ.

Pas de division

C’est un souhait qui est comme un ordre : le ton solennel décrit l’importance que Paul donne à son intervention.

Pas de division  » shisma ». Un mot peu utilisé dans le NT : une seule fois dans les synoptiques ; Jean l’utilise davantage pour exprimer que les juifs et le peuple se divisent et ne sont pas d’accord en face de Jésus. En 1 Co. 12, Paul reviendra sur le sujet en prenant la comparaison du « corps humain : « Dieu a fait en sorte que qu’il n’y ait point de division dans le corps, mais que tous les membres aient un commun souci les uns des autres »

Les mêmes sentiments.

La foi dans le même Seigneur, qui ne peut être divisé et qui seul a été crucifié, doit se traduire dans l’unité réelle de tous ceux qui ont reçu le même baptême. Paul l’exprime en utilisant le mot « même », le même esprit, la même pensée, les mêmes sentiments, soyez unis dans le même Esprit. Cette unanimité à réaliser à cause de la foi et du même baptême se retrouve dans les Actes où l’adverbe  » ensemble » apparaît comme une caractéristique des premières communautés chrétiennes.  E N S E M B L E.

Une unanimité à réaliser.

Lorsque les Actes parlent de la « koinonia » la communion, la fraternité extraordinaire des premiers chrétiens, le mot « ensemble » revient deux fois comme commentaire de ce mot.

Dans l’AT, il s’agissait de l’unité du peuple s’engageant dans l’alliance du Sinaï, de l’unité dans la ville sainte, ‘’Jérusalem où tous ensemble fait corps », enfin de l’unité des frères heureux de partager la même foi…

A l’époque du NT certains avaient tenté de retrouver cette fraternité qui semblait impossible en se retirant au désert : c’est la naissance du monachisme à la suite du Christ. Pour les disciples de Jésus, cette unité devient comme un refrain : l’évangile le réclame, et lorsqu’on parle de la prière on parle de pardon et de réconciliation entre frères, avant la prière. Elle s’impose à ceux qui ont vu vivre Jésus et qui ont compris qu’il a donné sa vie jusqu’à la croix pour tuer la haine. La fraternité est une exigence absolue : le sang de Jésus nous a réunis en Dieu, lui-même.

Un seul corps.

L’image du corps va permettre à Paul d’exprimer totalement sa pensée à ce sujet. Paul reconnaît que les chrétiens peuvent être comparés à la diversité des membres d’un même corps humain, mais il souligne que l’unité doit régner : « l’œil ne peut dire à la mains ; je n’ai pas besoin de toi, ni la tête à son tour dire aux pieds je n’ai pas besoin de vous. » 1.Co. 12,21

Chacun a son rôle à jouer, mais en vue du bien commun.  L’esprit et l’amour travaillent à cette unité. Comme dans un corps humain c’est la Tête -le Christ- qui réalise l’unité entre les différents membres. Le Christ organise les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du corps.

C’est de lui, le Christ, que le « Corps tout entier reçoit concorde et cohésion par toutes sortes de jointures qui le nourrissent et l’actionnent. » Ep. 4,16

Toute sa vie Paul a été comme Christ un passionné de l’unité. Il n’est cependant pas niais, il sait que l’unité est inscrite au cœur de l’homme, mais que c’est un combat en l’homme lui-même mais aussi dans ses relations avec les autres.

Le corps étant un organisme vivant, c’est chaque jour que l’unité est à faire, à créer, à faire grandir. L’unité est un combat de chaque jour : combat contre nous-mêmes et contre les forces du mal qui nous habitent.