I Samuel 1, 20-22.24-28
Anne devint enceinte et, le temps venu, elle enfanta un fils ; elle lui donna le nom de Samuel (c’est-à-dire : Dieu exauce) car, disait-elle, « Je l’ai demandé au Seigneur. »
Elcana, son mari, monta au sanctuaire avec toute sa famille pour offrir au Seigneur le sacrifice annuel et s’acquitter du vœu pour la naissance de l’enfant.
Mais Anne n’y monta pas. Elle dit à son mari :
« Quand l’enfant sera sevré, je l’emmènerai : il sera présenté au Seigneur, et il restera là pour toujours. »
Son mari Elcana lui répondit :
» Fais ce qui est bon à tes yeux ; reste ici jusqu’à ce que tu l’aies sevré. Toutefois, que le Seigneur réalise sa parole ! »
La femme resta donc et allaita son fils jusqu’à ce qu’elle l’eût sevré.
Lorsque Samuel fut sevré, Anne, sa mère, le conduisit à la maison du Seigneur, à Silo ; l’enfant était encore tout jeune. Anne avait pris avec elle un taureau de trois ans, un sac de farine et une outre de vin. 25 On offrit le taureau en sacrifice, et on amena l’enfant au prêtre Éli.
Anne lui dit alors :
« Écoute-moi, mon seigneur, je t’en prie ! Aussi vrai que tu es vivant, je suis cette femme qui se tenait ici près de toi pour prier le Seigneur.
C’est pour obtenir cet enfant que je priais, et le Seigneur me l’a donné en réponse à ma demande. 28 À mon tour je le donne au Seigneur pour qu’il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie. »
Alors ils se prosternèrent devant le Seigneur.
A propos de cette lecture :
Pour bien comprendre cette histoire :
Nous sommes à la fin de la période des Juges et il n’y a pas encore de roi. Après l’entrée en Terre Promise vers 1200 la conquête progressive a duré cent cinquante ans environ. Pendant ce temps les tribus sont dirigées par des Juges qui sont des gouverneurs-chefs de guerre, chefs politiques et religieux.. Il n’y a pas encore de temple ni de Jérusalem. L’Arche est à Silo.
« L’histoire de Samuel, juge et prophète, se situe historiquement en des temps très anciens : avant la royauté, vers 1040 av J-C. La tradition fait état de ses origines, orientées vers son séjour au sanctuaire de Silo ; la liturgie la reprend pour éclairer le séjour de Jésus, au Temple de Jérusalem. » Feu Nouveau 56.1 p. 59
Les deux livres bibliques qui racontent l’avènement de la Royauté n’empruntent pas leur titre aux premiers rois Saul ou David mais à la figure prophétique de Samuel qui est à l’origine d’un nouveau commencement dans l’histoire de l’institution religieuse et sociale d’Israël.
Le récit raconte l’histoire d’une famille polygame :Elkana a deux femmes Pennina « la Perle » et Anne dont le nom signifie « grâce ». Bien que préférée Anne est stérile et victime des rebuffades de sa co-épouse qui a des enfants. C’est au cours d’un pèlerinage au sanctuaire de Silo qu’elle promet à Dieu de lui donner l’enfant qu’Il lui accordera. La naissance miraculeuse d’un enfant de parents stériles ou âgés est un motif bien connu de l’Ecriture. Elle apparaît dans le récit biblique chaque fois que l’heureux nouveau-né devra jouer un rôle décisif dans l’Histoire du salut. (Cf. Isaac, Jacob, Joseph, Siméon, Samuel, Jean Baptiste et Jésus).
C’est la signature personnelle du Seigneur quand il prend l’initiative de créer un nouveau commencement dans l’histoire d’Israël. Là où les humains, laissés à leurs propres forces sont incapables de sauver le peuple et l’alliance, le Seigneur intervient gratuitement.
L’enfant donné en réponse à la prière insistante et confiante d’Anne dit la volonté du Seigneur de faire toutes choses nouvelles. « Donne-moi que je puisse te donner », suppliait Anne au Temple de Silo où elle montant chaque année prier Dieu avec son époux. Prière désintéressée d’une femme croyante au Maître de la vie.
Au sein de nos œuvres stériles, Dieu manifeste la force de sa fidélité. La naissance et le salut du peuple élu ne s’opèrent pas par « héritage humain ».
Le sens du mot Samuel, selon l’étymologie retenue par le lectionnaire, voudrait dire : « Dieu exauce- Dieu entend » – Dieu a entendu Anne et vu ses larmes -Samuel est un cadeau de Dieu, le premier-né d’Anne, la stérile.
L’enfant Samuel issu d’un lien très fort entre Anne et le Seigneur, de leur gratuité réciproque, deviendra signe de l’alliance que ce dernier veut renouveler avec Israël. Samuel, « le demandé » (jeu de mot forgé par Anne pour expliciter le nom donné à son fils), deviendra cet homme réceptif à l’action du Seigneur lui permettant de réaliser son projet.
Comme l’écrit A. Wenin : « Né de la rencontre entre le désir de sa mère et celui du Seigneur, entre la disponibilité totale de celle-là et le don généreux de celui-ci, de par sa naissance, Samuel est un personnage hors normes, à l’instar de sa mère qui déjà étonnait, tant était fort son lien avec le Seigneur. Avec lui, c’est une sorte de recommencement qui est à l’œuvre. Car, en s’appuyant sur cet enfant qu’il a pu se donner puisqu’il lui avait été demandé pour lui, le Seigneur prépare un renouvellement des institutions de son peuple, renouvellement marqué par la fidélité dont fait preuve le jeune Samuel ». A. WENIN, Samuel, Cah. Evang. 89, p.24
Le verset 19 du chapitre 2 raconte d’une façon émouvante combien la maman reste attachée à cet enfant. « Chaque année elle lui faisait un petit manteau, le lui montait quand elle montait avec son mari offrir le sacrifice annuel » Le don fait à Dieu de l’enfant n’étouffe en rien l’esprit de famille et l’affection maternelle.
Samuel deviendra le premier grand prophète. Il aidera Israël à se trouver un roi, d’abord Saül que Dieu allait rejeter et, ironie, l’auteur du récit sait bien que c’est le nom de Saül qui signifie « cédé (à Dieu)… Samuel est surtout « le parrain de David » et c’est donc lui qui est à l’origine de l’histoire du Messie. En cédant ainsi son petit au Seigneur, Anne est ainsi la mère de tous ceux qui espèrent le messie et l’ancêtre de toute famille qui accepte les imprévus de Dieu dans l’avenir de ses enfants » Signes 115 p.104
Il est regrettable que le lectionnaire de dimanche omette le cantique d’Anne ( 1 Sam 2, 1*10) qui est un cantique d’action de grâce prototype du Magnificat où l’on découvre les accents du cantique de Marie lors de la visitation. « Il chante avec force la miséricorde de Dieu, son attention pleine d’amour pour les plus malheureux(et particulièrement pour la « femme stérile ») et la joie de se savoir ainsi regardé par un Dieu qui guide ses amis sur le chemin » Aujourd’hui la Bible 48/p8
Le projet d’Incarnation de Dieu se continue à travers des hommes, des familles. Dieu a la patience de la maturation …
1 Samuel 2,1-10
1 Anne pria et dit: «J’ai le cœur joyeux grâce au SEIGNEUR et le front haut grâce au SEIGNEUR, la bouche grande ouverte contre mes ennemis: je me réjouis de ta victoire. 2 Il n’est pas de saint pareil au SEIGNEUR. Il n’est personne d’autre que toi. Il n’est pas de Rocher pareil à notre Dieu. 3 Ne répétez pas tant de paroles hautaines, que l’insolence ne sorte pas de votre bouche: le SEIGNEUR est un Dieu qui sait et c’est lui qui pèse les actions. 4 L’arc des preux est brisé, ceux qui chancellent ont la force pour ceinture. 5 Les repus s’embauchent pour du pain, et les affamés se reposent. Ainsi la stérile enfante sept fois, et la mère féconde se flétrit. 6 Le SEIGNEUR fait mourir et fait vivre, descendre aux enfers et remonter. 7 Le SEIGNEUR appauvrit et enrichit, il abaisse, il élève aussi. 8 Il relève le faible de la poussière et tire le pauvre du tas d’ordures, pour les faire asseoir avec les princes et leur attribuer la place d’honneur. Car au SEIGNEUR sont les colonnes de la terre, sur elles il a posé le monde. 9 Il gardera les pas de son fidèle, mais les méchants périront dans les ténèbres, car ce n’est point par la force qu’on triomphe. 10 Le SEIGNEUR, ses adversaires seront brisés, contre eux, dans le ciel, il tonnera. Le SEIGNEUR jugera la terre entière. Il donnera la puissance à son roi, il élèvera le front de son messie.»
Dom Joseph Deschamps