1ère lecture : II Rois 5/14-17

5 1 Naaman, général de l’armée du roi d’Aram, était un homme de grande valeur et hautement estimé par son maître, car c’est par lui que le Seigneur avait donné la victoire au royaume d’Aram. Or, ce vaillant guerrier était lépreux.
2 Des Araméens, au cours d’une expédition en terre d’Israël, avaient fait prisonnière une fillette qui fut mise au service de la femme de Naaman.
3 Elle dit à sa maîtresse : « Ah ! si mon maître s’adressait au prophète qui est à Samarie, celui-ci le délivrerait de sa lèpre. »
4 Naaman alla auprès du roi et lui dit : « Voilà ce que la jeune fille d’Israël a déclaré. »
5 Le roi d’Aram lui répondit : « Va, mets-toi en route. J’envoie une lettre au roi d’Israël. » Naaman partit donc ; il emportait dix lingots d’argent, six mille pièces d’or et dix vêtements de fête.
6 Il remit la lettre au roi d’Israël. Celle-ci portait : « En même temps que te parvient cette lettre, je t’envoie Naaman mon serviteur, pour que tu le délivres de sa lèpre. »
7 Quand le roi d’Israël lut ce message, il déchira ses vêtements et s’écria : « Est-ce que je suis Dieu, maître de la vie et de la mort ? Ce roi m’envoie un homme pour que je le délivre de sa lèpre ! Vous le voyez bien : c’est une provocation ! »
8 Quand Élisée, l’homme de Dieu, apprit que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, il lui fit dire : « Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements ? Que cet homme vienne à moi, et il saura qu’il y a un prophète en Israël. »
9 Naaman arriva avec ses chevaux et son char, et s’arrêta à la porte de la maison d’Élisée.
10 Élisée envoya un messager lui dire : « Va te baigner sept fois dans le Jourdain, et ta chair redeviendra nette, tu seras purifié. »
11 Naaman se mit en colère et s’éloigna en disant : « Je m’étais dit : Sûrement il va sortir, et se tenir debout pour invoquer le nom du Seigneur son Dieu ; puis il agitera sa main au-dessus de l’endroit malade et guérira ma lèpre. 12 Est-ce que les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? Si je m’y baignais, est-ce que je ne serais pas purifié ? » Il tourna bride et partit en colère.
13 Mais ses serviteurs s’approchèrent pour lui dire : « Père ! Si le prophète t’avait ordonné quelque chose de difficile, tu l’aurais fait, n’est-ce pas ? Combien plus, lorsqu’il te dit : ‘Baigne-toi, et tu seras purifié.’ »
14 Il descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois, pour obéir à la parole de l’homme de Dieu ; alors sa chair redevint semblable à celle d’un petit enfant : il était purifié !
15 Il retourna chez l’homme de Dieu avec toute son escorte ; il entra, se présenta devant lui et déclara : « Désormais, je le sais : il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ! Je t’en prie, accepte un présent de ton serviteur. »
16 Mais Élisée répondit : « Par la vie du Seigneur que je sers, je n’accepterai rien. » Naaman le pressa d’accepter, mais il refusa. 17 Naaman dit alors : « Puisque c’est ainsi, permets que ton serviteur emporte de la terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter, car je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël.

A propos de cette lecture :

Le lectionnaire réduit notre passage à quelques versets, à la baignade de Naaman dans le Jourdain et passe à côté du chemin parcouru par ce dernier pour arriver à cet acte de foi. Il est intéressant de reprendre les intermédiaires qui ont aboutis et permis la guérison de Naaman, la jeune fille captive, sa proposition, les encouragements du roi, le doute, les objections, la colère, les incompréhensions : autant de points, d’étapes d’un cheminement de foi..

Aussi nous proposons de reprendre le récit à partir du début du chapitre 5.

On pourrait résumer le récit en deux thèmes : le chemin de foi  et la leçon de gratuité.

« Les récits bibliques mettent souvent en scène des personnages qu’on pourrait appeler des ‘catalyseurs’. Comme les éléments qui déclenchent des réactions chimiques, ces personnages ont pour rôle d’obtenir d’autres acteurs plus puissants une faveur particulière. Il ne surprendra personne qu’on retrouve souvent des femmes dans ce rôle » Cahiers Evangile, 107, p. 38.

« Au début de l’histoire de Naaman, le Syrien, le narrateur présente le problème à résoudre : le général est lépreux. La solution vient de la jeune esclave israélite ». p 47

Naaman, officier supérieur de l’armée syrienne connaît le lot de beaucoup. La santé lui fait défaut et la maladie le ronge. On peut même être étonné qu’il puisse encore exercer ses fonctions malgré sa maladie sans subir le statut des lépreux chez les israélites.

Le Nouveau Commentaire Biblique dit que « dans l’ancien testament ce terme désignait des maladies différentes mais rarement celle de Hansen que nous appelons plus communément la  « lèpre ». Il s’agit probablement d’une maladie de peau qui handicapait lourdement Naaman dans ses fonctions de chef d’armée du roi d’Aram.

Lorsqu’on est touché par une telle maladie on est capable de tout essayer pour guérir.  Il a sans doute déjà couru de l’un à l’autre médecin sans résultat. Il est donc prêt à tout essayer.  C’est une fillette esclave, ramenée d’ Israël qui va inspirer à Naaman de tenter sa chance  et de s’adresser au prophète de Samarie. Avec les recommandations du roi et de nombreux cadeaux il part vers Elisée. Sa foi se réduit à cela : il part avec le prix de sa guérison – elle sera totalement gratuite !

Il part avec des lettres de recommandations et des présents pour le roi, il sera ensuite dirigé sur le prophète inconnu de lui. Il pensait être contraint à des traitements lourds , il devra simplement se plonger dans le Jourdain. Voilà autant de motifs pour Naaman de se révolter de vouloir faire demi-tour, pensant qu’il a fait erreur.

On retrouve les réflexes d’un croyant avant sa conversion ou de celui qui a mis le prix pour obtenir sa guérison : il s’attendait à une intervention magistrale, impressionnante. Naaman est prêt à tout, or ce que le prophète Elisée lui demande est un acte de foi : se plonger sept fois (comme Dieu a créé le monde en sept jours) dans le Jourdain. Ridicule pense-t-il ! La prescription, l’exigence du prophète est dérisoire. Aussi Naaman est prêt à faire demi-tour. Ce sont ses serviteurs, des pauvres, qui le convainquent et l’invitent à tenter de suivre la prescription du prophète et oser faire le lien entre la parole le prophète et la baignade dans le Jourdain.  Le Jourdain : c’est le fleuve qui permit aux Hébreux de devenir un  peuple libéré en le traversant. Et voilà que ça marche !

La guérison ne vient pas de l’eau mais de la parole du prophète et de la foi de Naaman : même si sa foi est encore faible elle est soutenue par celle de ses serviteurs .

Les Pères de l’Eglise ont vu dans les sept aspersions la purification, le symbole du baptême chrétien : «  baigne-toi et tu seras pur ».

V 14 : Pourquoi pas ? Naaman constate sa guérison et plus encore : «  sa chair redevint comme la chair d’un petit garçon et il fut pur ». La purification est telle qu’on assiste à un « retour en arrière ». Il ne se trompe pas sur la provenance de sa guérison. C’est le Dieu d’Elisée, le Dieu d’Israël qui l’a guéri, c’est lui qu’il reconnaît désormais comme son Dieu. 

Il retourne vers Elisée, non pour en faire son idole ou son gourou qu’il emmènerait dans sa suite pour l’avoir sous la main mais pour « régler » sa guérison, comme on règle un service.

Naaman en est confondu , les bonnes manières reprennent le dessus, . il demande en insistant combien il doit : et du coup veut payer sa guérison.  Nouvelle épreuve de foi : il s’entend répondre que sa guérison est de l’ordre du gratuit. Cette santé retrouvée qui pour lui n’a pas de prix, voilà qu’il ne peut la payer ! Elisée refuse catégoriquement : lui dit : « je ne suis qu’un serviteur ». C’est à Dieu qu’il faut dire merci.

Même s’il reconnaît le Dieu d’Israël comme le Dieu de toute la terre, Naaman va de méprise en méprise, mais aussi de découverte en découverte: la guérison est bien l’œuvre du Seigneur par l’intermédiaire du prophète.

« L’offrande est  refusée catégoriquement : n’aurait-elle pas pour résultat de faire croire qu’il est possible à l’homme de rendre à Dieu les biens qu’il a reçu de Lui ? L’insistance de Naaman porte alors sur le droit d’offrir des sacrifices à Yahvé, le Dieu donateur généreux de la santé retrouvée » Monloubou – l’Evangile de Luc p.243

Il  comprend que le Dieu d’Israël est le Dieu de la Vie. C’est en vivant qu’il lui rendra gloire. C’est le Dieu d’Israël que Naaman va remercier et à Lui qu’il va offrir un sacrifice. Comme le centurion qui ne se sentait pas digne de recevoir le Seigneur chez lui, c’est donc sur de la terre emportée d’Israël, une terre sainte, qu’il fera le sacrifice au Dieu d’Israël.

Pour ne pas l’oublier, il emmène de la terre, cette terre qu’il a foulée, la terre dont le Dieu est devenu le sien. De cette terre, il fera un autel pour ne jamais oublier de dire merci à Dieu. La terre d’Israël qu’il emporte  lui rappellera que le Dieu d’Israël est Celui de tout être humain. Il ne demande qu’à être reconnu et cette reconnaissance ne peut se monnayer.

Je vous invite à lire les versets 20-27 qui sont comme l’épilogue du récit. Elisée est témoin de la gratuité des dons de Dieu alors que Gehizi le serviteur d’Elisée poursuit Naaman qui repart avec ses cadeaux pour lui demander au nom de son maître une aumône pour un visiteur. Gehazi a le mensonge facile. « Avec une ironie subtile, l’auteur de cette saga de Naaman nous montre comment un païen et de surcroît, un ennemi, accède à la foi au travers des pièges et des préjugés accumulés au long de son pèlerinage, tandis qu’il avertit les « croyants »-fussent-ils serviteur d’Elisée- des mêmes pièges qui les guettent sur le chemin de la gratuité de l’amour, dont ils sont les premiers bénéficiaires et dont ils se veulent les serviteurs » A. Ruelle