1ère lecture : Zacharie 9/9-10

Le roi pauvre

9    Exulte de toutes tes forces, fille de Sion !
Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem !
Voici ton roi qui vient à toi :
il est juste et victorieux,
pauvre et monté sur un âne,
un ânon, le petit d’une ânesse.

10  Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre,
et de Jérusalem les chevaux de combat ;
il brisera l’arc de guerre,
et il proclamera la paix aux nations.
Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre,
et de l’Euphrate à l’autre bout du pays.

A propos de cette lecture :

Les lectures du dimanche, dans leur brièveté, sont parfois difficile à comprendre, même pour un lecteur un peu averti. Aussi est- il bon de les situer dans leur contexte tant historique que religieux. Quelques notes sur l’auteur Zacharie, qu’on rencontre peu dans les liturgies du dimanche, nous aideront à mieux entrer dans la lecture..

« De certains prophètes nous ne connaissons que le nom alors que d’autres ont laissé une empreinte historique plus précise. Les livres qui rapportent leurs déclarations ont parfois été rédigés et souvent remaniés longtemps après qu’ils avaient vécu. » S. Laurent, Le Monde de la Bible, 131, p.28. Ainsi en est-il pour le livre de Zacharie ; il peut être divisé en deux parties : la première, ch.1 à 8, est l’œuvre du prophète de ce nom ; la seconde, située à la fin du 4ème siècle, pourrait être l’œuvre de plusieurs auteurs.

La péricope de ce jour, date sans doute de l’époque d’Alexandre le Grand, du temps de sa conquête fulgurante de l’Asie Mineure, de la côte orientale de la méditerranée et de l’Égypte. De ce fait, en Israël, le paysage politique fut totalement bouleversé et Jérusalem n’y échappa  pas.  Précisément au moment où Alexandre court de victoire en victoire, Zacharie dans les chapitres 9 à 11 appelle ardemment l’intervention de Dieu. Pourquoi ?

Autour de l’an 300, les exilés revenus de leur longue captivité à Babylone, retrouvent leur capitale en ruine, elle a perdu toute sa splendeur et son prestige : elle n’est plus qu’amas de ruines. La personnalité et le prestige d’Alexandre le Grand ainsi que son avancée conquérante, faisaient sans doute rêver certains habitants de Jérusalem  dont la ville n’avait pas encore retrouvé son prestige d’autrefois. La percée d’Alexandre sur le plan politique avait dû  faire surgir un immense espoir au cœur du peuple juif séduit par lui. Comme il arrive encore de nos jours, lors de perturbations politiques, économiques et autres, on rêvait d’un pouvoir fort, d’un Messie qui ferait tout rentrer dans l’ordre

Dieu n’allait-il pas se servir d’Alexandre pour manifester sa puissance et faire éclater « la revanche de Dieu » ? Ne serait-il pas l’envoyé de Dieu qui relèverait Jérusalem ?

C’est sans doute dans ce climat que le prophète annonce un Messie qui va reconquérir la région ; il voit déjà son intronisation en faisant mémoire du sacre de Salomon. Il invite à la joie : « il faut crier la louange. »

Dans une série de hit visions Zacharie voit le Messie dont il annonce la venue toute proche. « Le messianismes est l’attente de jours nouveaux marqués par l’intervention de Dieu et de celui qu’il a consacré par l’onction pour établir la justice de Dieu » Carnez dans Aujourd’hui la Bible.

Tout Israël attend de Dieu d’être délivré de ses ennemis omniprésents, en vue d’étendre son territoire.

Gelin cité par Osty écrit : «  La Terre Promise comprendra en plus des territoires d’Israël, les filles araméennes, phéniciennes et philistines. L’oracle fait allusion à une marche guerrière conquérante, interprétée comme une action du Seigneur et qui préludera à l’ère messianique. C’est vraisemblablement l’action l’Alexandre après Issus (333) qui est à l’origine de ce morceau » Gelin

Le portrait du Messie

v. 9 C’est Dieu qui parle  et le prophète est son porte parole : il invite à la joie pour le roi qui arrive : un roi descendu de son trône et monté sur un âne.  Une prophétie adressée directement à Jérusalem, la fille de Sion. Zacharie prophétise que le Seigneur va reconquérir la région. Quel est ce roi messie que le Seigneur annonce et envoie ? C’est à ce point clair pour lui qu’il décrit le Roi Messie attendu ;  il vient d’une manière toute inattendue et déconcertante qui ne peut venir que de Dieu : c’est pourquoi on a raison d’exulter de joie. Le prophète reprend point par point ce qui le différencie :  un roi humble monté sur un âne, la monture pacifique par excellence.

Comme David, il prend l’âne pour monture et inaugure son règne ;c’est une «  façon imagée de dire : le Messie est un roi de paix qui refuse le cheval de bataille, la monture de guerre. Salomon avait fait son entrée comme David sur le dos d’un âne, symbole de modestie et de paix. C’est donc un Messie sans apparence, aux moyens modestes qui, par un service tout simple, réussira là où les puissants échouent. » Carrez dans ’Aujourd’hui la Bible’

Alors qu’Israël connait bien, la puissance guerrière des chevaux pour l’avoir expérimentée,  la faiblesse de ce Roi-là ne l’empêchera pas de faire disparaître les chars de guerre, les chevaux  et de faire triompher  la paix. A l’ère messianique les armes offensives disparaîtront. Dans la tradition prophétique du Premier Testament – qui fut toujours très critique vis-à-vis des pouvoirs temporels – notre oracle rappelle ce que fut la vraie grandeur de Salomon, roi pacifique et humble monté sur une mule et non sur un destrier, cheval de combat.

Quel est-il donc ce Roi-Messie que Jérusalem est invitée à célébrer ?

Il est juste, il est victorieux, il est humble et pauvre , il vient monté sur un âne, sur un ânon, petit d’une ânesse. Il est descendu de son trône, ce n’est plus un roi de guerre mais un roi de paix. Les trois qualités du roi : il est juste, victorieux, humble. Il respirera la justice, l’équilibre, le bonheur

Juste car il réalise une justice parfaite. Sa justice le rend victorieux. Sa puissance ne s’impose pas par la force. Mais il manifeste son caractère victorieux par sa simple manière d’être et d’agir. Victorieux, c.à.d, littéralement : celui qui a reçu le salut. Sa justice devient salut, accueil de l’autre et des autres !  « Le terme reçoit un sens plus profond : ce roi est juste parce qu’essentiellement l’objet de la justice de Dieu qui sauve. Dans ce sens le « serviteur » est juste parce que bénéficiaire de la faveur de Dieu qui lui attribue la victoire. » Chary dans Assemblée du Seigneur 45 p. 5

Juste est en effet la marque du Serviteur souffrant (Is 53,11) Et nouvelle marque du serviteur souffrant, il est « humble », idée explicitée par la description de son arrivée sur un ânon.  Son humilité le situe devant Dieu.  Ainsi annoncé, il est là, serviteur de Dieu, soumis de manière exemplaire à Dieu, intervenant en homme au meilleur sens du mot. Il n’a aucune prétention.  Il  reprend à son compte ce que Jacob a dit de Juda lors de la bénédiction de ses fils (Gen 49,11).

Aux hommes il apporte la paix. Les hébreux ne devront pas singer leurs envahisseurs qui utilisent des moyens puissants. Ils prendront leur revanche par une paix contagieuse, une paix qui mènera le combat non par les armes, mais par la justice.  Ses principaux artisans seront les petits et les humbles. Alors qu’on cherche un sauveur et le salut dans la puissance, voici que le Roi Messie vient dans l’humilité et la pauvreté.

L’œuvre du Messie
v.10 Il réunira tout le peuple de Dieu et son pouvoir s’étendra jusqu’aux tribus du Nord, ‘d’une mer à l’autre’. Il n’aura pas besoin de la force pour s’imposer et la douceur sera sa seule arme. Le nouveau roi va même détruire les armes de guerre, une politique de désarmement.

A l’annonce d’un tel Roi, on comprend que le ton général soit joyeux : le prophète invite la ville de Jérusalem appelée aussi Fille de Sion à exulter, à  pousser l’acclamation.

Cette figure d’un Messie-Roi, est reprise de la prédication de Sophonie, (630 a. J.C).

14 Pousse des cris de joie, fille de Sion, une clameur d’allégresse, Israël !
Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem !

15 Le Seigneur a levé la sentence qui pesait sur toi ; il a détourné ton ennemi.
Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi. Tu n’as plus de malheur à craindre.

16 Ce jour-là, on dira à Jérusalem : Sois sans crainte, Sion !
Que tes mains ne défaillent pas!

17 Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi
En héros vainqueur.

[…]

Il dansera pour toi avec des cris de joie. So.3,14-17

Ce profil du Messie-Roi sera reconnu dans le Christ par la première génération chrétienne. La procession des Rameaux s’inspire du scénario de Zacharie. Un jour Jésus, humble, assis sur un ânon est entré à Jérusalem et il s’est manifesté comme le roi messianique annoncé par les prophètes. Il réalisa les promesses faites par les prophètes c’est par la douceur et la non violence qu’il vainc et qu’il sauve.