En référence à la lettre de st Paul apôtre aux Galates 5, 25 à 6, 18

IRÉNÉE DE LYON « L’HOMME EST CRÉÉ LIBRE »

Dieu a fait l’homme libre, possédant dès le commencement sa propre faculté de décision, tout comme sa propre âme, pour user du conseil de Dieu volontairement, sans être contraint par celui-ci. La violence, en effet, ne se tient pas aux côtés de Dieu, mais son bon conseil l’assiste toujours.

Mais objecte-t-on, il n’aurait pas dû faire les anges tels qu’ils pussent désobéir, ni les hommes tels qu’ils devinssent ingrats envers lui, du fait même qu’ils sont doués de raison et capables d’examen et de jugement, mais plutôt incapables d’être jamais autre chose que ce qu’ils auraient été faits.

Dans une telle hypothèse, répondrons-nous, le bien n’aurait aucun charme pour eux, la communion avec Dieu serait sans valeur, et il n’y aurait rien de désirable dans un bien qui leur serait acquis sans mouvement ni souci ni application de leur part et aurait surgi automatiquement et sans effort. Par suite, les bons n’auraient aucune supériorité, puisqu’ils seraient tels par nature plus que par volonté et qu’ils posséderaient le bien automatiquement et non par libre choix, aussi ne comprendraient-ils même pas l’excellence du bien et ne pourraient-ils en jouir.

C’est pourquoi le Seigneur a dit que le Royaume des cieux est objet de violence et ce sont les violents qui s’en emparent. C’est pourquoi aussi l’Apôtre Paul dit aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que dans les courses du stade tous courent, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez de manière à le remporter. Or quiconque veut lutter s’abstient de tout : eux pour une couronne corruptible, nous pour une incorruptible ». Ainsi cet excellent athlète nous invite au combat de l’incorruptibilité, pour que nous soyons couronnés et que nous estimions précieuse cette couronne conquise de haute lutte et non pas surgie automatiquement. Et plus elle sera pour nous le fruit de la lutte, plus elle aura de prix ; et plus elle aura de prix, plus nous l’aimerons éternellement. Car on n’aime pas de la même manière ce qui s’offre automatiquement et ce qui ne se trouve qu’à grand-peine. Ainsi le royaume des cieux est-il plus précieux pour ceux qui connaissent celui de la terre ; et plus il sera précieux, plus nous l’aimerons, et plus nous l’aurons aimé, plus nous serons glorieux devant Dieu.

C’est donc pour nous que Dieu a permis tout cela, afin qu’instruits de toutes manières, nous soyons dorénavant scrupuleusement attentifs en toutes choses et que nous demeurions dans son amour, ayant appris à aimer Dieu en hommes doués de raison.

Ainsi Dieu a-t-il déterminé toutes choses à l’avance en vue de l’achèvement de l’homme et de la réalisation et de la manifestation de ses économies, afin que sa bonté éclate et que sa justice s’accomplisse, que l’Église soit configurée à l’image de son Fils, et qu’un jour l’homme en vienne à être assez parfaitement mûr pour voir et saisir Dieu.

Adv. Haer. L. 4, 1 ; 6-7