En référence au livre d’Aggée 2, 10-23
VATICAN II « LE CHRIST AGIT DANS LES CŒURS »
La Sainte Écriture, en accord avec l’expérience des siècles, enseigne à la famille humaine que le progrès, tout en étant un grand bien pour l’homme, entraîne aussi avec lui une sérieuse tentation. En effet, lorsque la hiérarchie des valeurs est troublée, que le mal se mêle au bien, les individus et les groupes ne regardent plus que leurs intérêts propres, et non ceux des autres. Ainsi le monde ne se présente pas encore comme le domaine d’une véritable fraternité, tandis que le pouvoir accru de l’homme menace de détruire le genre humain lui-même.
Lorsque l’on demande comment une telle misère peut être surmontée, les chrétiens reconnaissent que toutes les activités humaines, quotidiennement menacées de ruine par l’orgueil, par l’amour désordonné de soi, doivent être purifiées et amenées à leur perfection par la croix et la résurrection du Christ. Racheté par le Christ et devenu une nouvelle créature dans l’Esprit Saint, l’homme peut et doit, en effet, aimer ces réalités que Dieu lui-même a créées. Car c’est de Dieu qu’il les reçoit : il rend grâce à son Bienfaiteur, il use et il jouit de la création dans un esprit de pauvreté et de liberté. Il est alors introduit dans la possession véritable du monde, comme quelqu’un qui n’a rien et qui possède tout. Car « tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu ».
Le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est fait chair ; il est venu habiter la terre des hommes. Homme parfait, il est entré dans l’histoire du monde, l’assumant et la récapitulant en lui. Lui-même nous révèle que Dieu est amour et nous enseigne en même temps que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de la charité. À ceux qui croient en l’amour divin, il apporte la certitude que la route de la charité est ouverte à tous les hommes, que l’effort pour instaurer une fraternité universelle n’est pas vain. Il nous avertit aussi que cet amour ne doit pas seulement être recherché par des actions d’éclat, mais avant tout dans le quotidien de la vie. En acceptant de mourir pour nous tous, pécheurs, il nous apprend, par son exemple, que nous devons, nous aussi, porter cette croix que la chair et le monde mettent sur les épaules de ceux qui recherchent la justice et la paix. Constitué Seigneur par sa résurrection, le Christ, à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre, agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit.
Il y suscite le désir du monde futur ; et de plus, par le fait même, il anime aussi, il purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre la terre entière à cette finalité. Sans doute, les dons de l’Esprit sont divers ; il invite les uns à témoigner ouvertement du désir de la demeure céleste, et à garder vivant ce témoignage dans la famille humaine ; et il appelle les autres à se vouer au service terrestre des hommes, en préparant par leur ministère la matière du royaume des cieux. Mais de tous il fait des hommes libres pour que, renonçant à l’amour égoïste et rassemblant toutes les énergies terrestres au service de la vie humaine, ils s’élancent vers cet avenir où l’humanité elle-même deviendra une offrande agréable à Dieu.
Gaudium et Spes, 39