En référence au livre de Zacharie 3, 1 à 4,14

JOSEPH RATZINGER « LE DIMANCHE »

La transition la plus visible de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance est sans doute la transition du sabbat au jour de la résurrection. Le dimanche, ayant absorbé la signification du sabbat, est devenu le nouveau signe de l’Alliance.

On le considère de trois façons. Du point de vue de la Croix, c’est le troisième jour qui, dans l’Ancien Testament, est le jour de la théophanie, de l’entrée de Dieu dans le monde après un temps d’attente. D’après le schéma hebdomadaire, c’est le premier jour de la semaine. Les Pères introduisirent un nouveau critère : du point de vue de toute la semaine qui précède, le dimanche est le huitième jour. Ces trois symbolismes se mêlent, mais celui du premier jour de la semaine prédomine. Dans le monde méditerranéen, berceau du christianisme, chaque jour de la semaine était lié à l’une des sept planètes alors connues. Le premier jour étant dédié au soleil, le symbolisme cosmique du dimanche rejoignit celui de la direction de la prière : le soleil annonce le Christ, le cosmos et l’histoire témoignent de lui à l’unisson. Ce symbolisme s’enrichit d’un autre élément : le premier jour de la semaine, jour de la résurrection, est aussi le premier jour de la création. Le dimanche chrétien devient ainsi une action de grâces pour le don de la Création, pour le « fiat » par lequel Dieu a tiré le monde du néant ; une action de grâces aussi pour la Création perpétuée, que Dieu conserve en dépit de toutes les tentatives de l’homme pour la détruire. Selon saint Paul, la Création, rongée par le péché, aspire à la révélation des Fils de Dieu. Ainsi le dimanche donne son sens véritable à l’injonction de la Genèse : « Emplissez la terre et soumettez-la ! ». Ce qui ne signifie pas : réduisez-la en esclavage ! Exploitez-la ! Faites-en ce qu’il vous plaira ! Mais au contraire : reconnaissez en elle un don de Dieu ! Protégez-la et prenez-en soin comme des fils le feraient de l’héritage de leur père. Prenez-en soin, pour qu’elle devienne pour Dieu un véritable jardin ; que son sens véritable s’accomplisse car, en elle aussi, Dieu doit être « tout en tous ».

Les Pères appelaient le jour de la résurrection le « huitième jour ». Le dimanche n’est pas seulement tourné vers ce qui est passé mais vers ce qui vient. Dans la résurrection, toutes choses trouvent leur accomplissement. Dans ce huitième jour qui se situe au lendemain du sabbat, le Christ a franchi le temps et l’a élevé au rang de l’éternité. Pour les Pères, l’histoire du monde est une grande semaine, dans laquelle chaque jour représente un âge de l’humanité. Ainsi le huitième jour correspond-il au temps nouveau qui a débuté avec la résurrection, et qui, en un certain sens, court déjà parallèlement à l’histoire. La liturgie nous fait tendre vers ce temps nouveau, vers ce monde à venir, où ombres et images ont fait place à l’union définitive du Créateur et de sa créature. La forme octogonale des baptistères vient de là. Elle est le symbole architectural du huitième jour, jour de la nouvelle Création, jour du baptême, qui nous fait entrer dans le temps nouveau inauguré par la résurrection.

L’esprit de la liturgie, p82-83