En référence à la lettre de st Paul apôtre aux Galates 5, 1b-25

SAINT BONIFACE « SOYONS DES BERGERS AUX AGUETS »

L’Église, telle un grand navire, vogue sur la mer de ce monde. Assaillie par les flots des diverses épreuves de cette vie, elle ne peut être laissée à elle-même, mais elle doit être gouvernée. Nous en avons pour exemple nos premiers Pères, Clément et Corneille, et beaucoup d’autres en la ville de Rome, Cyprien à Carthage, Athanase à Alexandrie : sous des empereurs païens ils eurent à piloter le navire du Christ, ou mieux, sa très chère Épouse, l’Église, par leur enseignement, leur protection, leurs peines, leurs souffrances et jusqu’à l’effusion de leur sang.

Efforçons-nous, avec l’aide de Dieu, de ne pas être parmi ces faux bergers que le prophète met en cause disant : “Parole du Seigneur : Malheur aux bergers d’Israël qui se nourrissent eux-mêmes sur le troupeau !”. Les bergers, ce sont les évêques et les troupeaux du Seigneur, ce sont les peuples fidèles qu’ils ont à faire paître. Ils se nourrissent eux-mêmes sur le troupeau quand ils ne recherchent pas le salut du peuple, mais leur propre volonté.

En considérant cela, je suis effrayé. “Le tremblement et la crainte m’envahissent, et les ténèbres de mes fautes me couvrent”. Je souhaiterais laisser là une fois pour toutes, si je le pouvais, le gouvernail de l’Église que j’ai reçu, et trouver chez les Pères ou dans les saintes Écritures des exemples qui m’y encourageraient.

Mais puisqu’il en est ainsi et que la vérité peut être contestée, mais ne peut être vaincue ni se tromper, notre esprit fatigué trouvera son refuge auprès de celui qui a dit par Salomon : “Que ton cœur mette toute sa confiance dans le Seigneur. Ne t’appuie pas sur ta propre sagesse. En toutes tes voies, apprends à le connaître, et il aplanira tes sentiers” ; et ailleurs : “Le nom du Seigneur est une forte tour”. Que le juste s’y réfugie, et il sera sauvé !

Tenons-nous debout dans la justice et préparons nos âmes à l’épreuve pour que nous puissions supporter les délais de Dieu et lui dire : “Seigneur, tu as été pour nous de tout temps un refuge”. Confions-nous à celui qui nous a confié notre charge. Ce que nous ne pouvons porter par nous-mêmes, portons-le avec l’aide de celui qui est tout-puissant et qui a dit : “Mon joug est bon et mon fardeau léger”.

Redressons-nous pour le combat au jour du Seigneur, car voici venir un temps d’épreuves et d’angoisses. Mourons, si Dieu le veut, pour les saintes lois de nos Pères, afin de mériter de partager avec eux l’héritage éternel. Ne soyons pas des chiens muets, des sentinelles silencieuses, des mercenaires fuyant les loups, mais soyons des bergers aux aguets, veillant sur le troupeau du Christ, proclamant la volonté de Dieu au petit et au grand, au riche et au pauvre, aux hommes de toutes conditions et de tous âges, à temps et à contretemps, dans la mesure où Dieu nous en donnera la force.

Lettre à Cuthbert : PL 89, 765-768