Saints Charles Lwanga et ses compagnons

En référence à la lettre de st Paul apôtre aux Galates 3, 15 à 4, 7

PAUL VI « L’AFRIQUE, TERRE D’ÉVANGILE »

N’attendez pas de Nous l’histoire des martyrs que nous fêtons aujourd’hui. C’est une histoire trop longue et trop complexe : elle concerne vingt-deux hommes, la plupart très jeunes et qui mériteraient chacun un éloge particulier. Ce serait aussi une histoire trop dure à entendre : les tortures corporelles, les décisions arbitraires et despotiques des chefs y sont choses si gratuites, et témoignent de tant de cruauté que notre sensibilité en reste profondément troublée. Ce récit paraît presque invraisemblable et vaudrait la peine d’être médité longuement. Parmi les récits des Actes des martyrs, il y en a peu qui soient aussi bien documentés que le nôtre. Il ne s’agit pas ici de légendes ; l’on a ici la simple chronique d’une « Passio Martyrum » fidèlement décrite. Il suffit de lire pour voir et pour être ému jusqu’aux larmes. En fin de compte, il faut conclure : « Oui, ils sont vraiment martyrs ! »

Ce martyre collectif devant lequel nous nous trouvons, fait apparaître à nos yeux un phénomène chrétien admirable. Il nous enseigne bien des choses. Il nous fait découvrir ce qu’était l’Afrique avant d’avoir reçu l’annonce du Message évangélique. Il nous présente un des milieux les plus intéressants et les plus authentiques de cette société humaine primitive. On trouve là comme un échantillon de la vie africaine avant la colonisation du siècle dernier ; une vie besogneuse et héroïque, où la nature humaine, à peu près encore à l’état instinctif, dévoile ses faiblesses et ses violences dans une forme et à un degré impressionnants. Mais en même temps, elle manifeste certaines vertus fondamentales qui révèlent le Modèle divin dont l’homme dérive.

C’est dans ce milieu que parvient un jour l’annonce du message chrétien ; rien ne lui semble plus opposé, rien de plus étranger. Et voici, au contraire, qu’il y est aussitôt accueilli, aussitôt estimé, aussitôt assimilé. Le terrain qui semblait aride et stérile, était au contraire simplement inculte. La semence évangélique le trouve fertile. On dirait même qu’il était avide de cette nouvelle végétation, qu’il la désirait et qu’il était prédisposé à la recevoir. Les premiers jets de la moisson nouvelle croissent, beaux, droits, vigoureux. C’est un magnifique printemps !

Le christianisme trouve en Afrique une prédisposition particulière, et Nous n’hésitons pas à la considérer comme un secret de Dieu, comme une vocation spéciale de ce pays, comme une promesse historique. L’Afrique est une nouvelle patrie du Christ. La simplicité, droite et logique, et la fidélité à toute épreuve de ces jeunes chrétiens d’Afrique nous le montrent et nous le prouvent. Ce don de Dieu qu’est la foi, d’une part, et cette aptitude à l’éducation que possède la nature humaine, d’autre part, viennent à la rencontre l’une de l’autre dans un merveilleux accord. Que la semence évangélique trouve un obstacle dans les épines d’un terrain aussi sauvage, c’est douloureux, mais ce n’est pas étonnant ; que cette semence, par contre, s’enracine aussitôt et produise tout de suite des rejetons vigoureux et florissants en raison des qualités du sol, voilà un motif de joie et d’admiration tout à la fois. C’est la gloire spirituelle du continent aux visages noirs et aux âmes candides qui annonce une nouvelle civilisation : la civilisation chrétienne de l’Afrique.

Allocution pour la canonisation des martyrs de l’Ouganda