En référence à la lettre de st Paul apôtre aux Galates 4, 8 à 5, 1a
IRÉNÉE DE LYON « LE SERVICE DE LA LIBERTÉ »
Le Seigneur le dit lui-même : “Si votre justice ne dépasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans la Royaume des cieux”. En quoi consistait ce dépassement ?
La Loi, établie pour des esclaves, éduquait l’âme par les choses extérieures et corporelles, en l’amenant, comme par une chaîne, à la docilité aux commandements, afin que l’homme apprît à obéir à Dieu. Mais le Verbe, après avoir libéré l’âme, enseigna à purifier aussi le corps d’une manière volontaire. Cela étant, il fallut que fussent enlevées les chaînes de la servitude auxquelles l’homme était désormais accoutumé, et qu’il suivit Dieu sans chaînes, mais qu’en même temps fussent étendus les préceptes de la liberté et que fût accrue la soumission à l’égard du Roi, afin que nul, en revenant en arrière, ne se montrât indigne de son Libérateur : car si la piété et l’obéissance à l’égard du Maître de la maison sont les mêmes chez les esclaves et chez les hommes libres, ces derniers n’ont pas moins une assurance plus pleine, parce que le service de la liberté est plus considérable et plus glorieux que le service de la servitude.
C’est pourquoi le Seigneur nous a donné pour mot d’ordre, au lieu de ne pas commettre d’adultère, de ne pas même convoiter ; au lieu de ne pas tuer, de ne pas même nous mettre en colère ; au lieu de payer simplement la dîme, de distribuer tous nos biens aux pauvres ; d’aimer non seulement nos proches, mais aussi nos ennemis ; de ne pas seulement être “généreux et prompts à partager”, mais encore de donner gracieusement nos biens à ceux qui nous les prennent : “À qui te prend ta tunique, dit-il, abandonne aussi ton manteau ; à qui prend ton bien, ne réclame pas ; et ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le aussi pour eux” ; de la sorte, nous ne nous attristerons pas comme des gens qu’on aurait dépossédés contre leur gré, mais nous nous réjouirons au contraire, comme des gens qui auraient donné de bon cœur, puisque nous ferons un don gratuit au prochain, plus que nous ne céderons à la nécessité. “Et si quelqu’un, dit-il, te contraint à faire un mille, fais-en deux avec lui”, afin de ne pas le suivre comme un esclave, mais de le précéder comme un homme libre, te rendant en toutes choses utile à ton prochain, ne considérant pas sa méchanceté, mais mettant le comble à ta bonté et te configurant au Père “qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et pleuvoir sur les justes et les injustes”.
Autant dire qu’est plus considérable le service de la liberté, et qu’une soumission et une piété plus profondes ont été implantées en nous à l’égard de notre libérateur. Car celui-ci ne nous a pas libérés pour que nous nous détachions de Lui, mais pour qu’ayant reçu plus abondamment sa grâce, nous l’en aimions davantage et que, l’ayant aimé davantage, nous recevions de lui une gloire d’autant plus grande, quand nous serons pour toujours en présence du Père.