En référence à la lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 1, 13 à 2, 10
Louis-Marie GRIGNON DE MONTFORT – LE MOULE DE DIEU
Marie est appelée par saint Augustin le moule vivant de Dieu. Elle l’est en effet, car c’est en elle seule que Dieu fait homme a été formé au naturel, sans qu’il lui manque aucun trait de la divinité ; et c’est aussi en elle seule que l’homme peut être transformé en Dieu, autant que la nature humaine en est capable, par la grâce de Jésus-Christ. Oui, Marie est le grand moule de Dieu, fait par le Saint-Esprit, pour former au naturel un Homme-Dieu par l’union hypostatique, et pour façonner un homme Dieu par la grâce. Il ne manque à ce moule aucun trait de la divinité ; quiconque y est jeté et s’y laisse manier y reçoit tous les traits de Jésus-Christ, vrai Dieu, d’une manière douce et proportionnée à la faiblesse humaine, sans beaucoup de souffrances et de peines ! Il les reçoit aussi d’une main sûre, sans crainte d’illusion, car le démon n’a point eu et n’aura jamais d’accès en Marie, sainte et immaculée, sans ombre de la moindre trace de péché.
Qu’il y a de différence entre une âme formée en Jésus-Christ par les voies habituelles de ceux qui, comme les sculpteurs, se fient en leur savoir-faire et en leur travail, et une âme bien maniable, bien déliée, bien fondue et qui, sans appui sur elle-même, se jette en Marie et s’y laisse agir par l’Esprit Saint. Que de taches, de défauts, de ténèbres, d’illusion, d’humain dans la première, et que la seconde est pure, divine, semblable à Jésus-Christ !
Car il n’y a point et il n’y aura jamais créature où Dieu soit plus grand, hors de lui-même et en lui-même, que dans la bienheureuse Marie. Marie est le paradis de Dieu et son monde ineffable, où le Fils de Dieu est entré pour opérer des merveilles, pour le garder et s’y complaire. Dieu a fait un monde pour l’homme voyageur : c’est celui-ci. Il a fait un monde pour l’homme bienheureux : c’est le paradis ; mais Il en a fait un autre pour lui, auquel Il a donné le nom de Marie. C’est un monde inconnu à presque tous les mortels sur cette terre ; c’est un monde incompréhensible à tous les anges et bienheureux là-haut dans le ciel. Dans l’admiration de voir Dieu à la fois si relevé et si caché dans son monde, la bienheureuse Marie, tous ceux-ci s’écrient jour et nuit : « Saint, saint, saint ! »
Heureux et mille fois heureux ici-bas, l’homme à qui le Saint-Esprit révèle le secret de Marie pour le connaître, l’homme à qui Il ouvre ce jardin clos pour y entrer, cette fontaine scellée pour y puiser et boire à longs traits les eaux vives de la grâce. Cet homme ne trouvera que Dieu seul, dans cette aimable créature. Mais il y trouvera un Dieu en même temps infiniment saint et relevé, et infiniment condescendant, et proportionné à sa faiblesse. Dieu est partout : on peut donc le trouver partout, même dans les enfers, mais il n’y a pas de lieu où la créature puisse le trouver plus proche d’elle et plus en rapport avec sa faiblesse qu’en Marie, puisque c’est pour cet effet qu’Il y est descendu. Partout ailleurs, Dieu est le pain des forts et des anges, mais en Marie, Il est le pain des enfants.