VEUX-TU ÊTRE GUÉRI ?

Que personne n’aille perdre courage en constatant le mal qu’il fait ; que personne non plus ne s’assoupisse en se voyant vertueux ! Car il arrivera plus d’une fois qu’un
juste sera dépassé par une courtisane. Par ailleurs que personne ne désespère, car il lui reste possible de distancer ceux qui occupent le premier rang.
Lorsque nous allons à Dieu d’un fervent amour, il ne se souvient pas de ce que nous avons fait auparavant. Dieu n’est pas comme l’homme, il ne nous fait pas grief
des actions passées ; il ne nous dit pas : Pourquoi es-tu resté si longtemps avant de faire pénitence ? Non, quand nous allons à Lui, il nous aime ; seulement, il faut que nous allions à Lui.
Quelle condition fut plus heureuse que celle de Judas ? Il n’en devint pas moins un traître ! Quelle condition fut plus déplorable que celle de Paul ? Il n’en devint pas
moins un Apôtre ! Qui paraissait pire que Matthieu ? Il fut pourtant un Évangéliste !
Qui paraissait plus digne d’éloges que Simon ? Il fut pourtant, lui aussi, pire que tous !
Que de volte-face semblables il te serait facile de constater, soit dans le passé, soit même aujourd’hui. C’est pourquoi je dirai : Que les pécheurs se gardent bien de
perdre confiance ; que les gens d’Église se gardent bien d’être trop contents d’eux-mêmes ! À ceux-ci, il est dit : « Que celui qui paraît se tenir debout prenne garde de
tomber ! ». À ceux-là : « Celui qui est tombé, ne se relèvera-t-il pas ? » et : « Fortifiez les mains qui tremblent et les genoux qui fléchissent » Aux uns il est enjoint : « Veillez », et aux autres : « Debout, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts !” Aux uns le Sauveur tient ce langage : « Te voilà guéri ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque
chose de pire ». Et aux autres : « Veux-tu être guéri ? Prends ton grabat, et va dans ta maison ! ». De fait, c’est une grave et redoutable paralysie que le péché ; ce n’est pas seulement une paralysie, mais quelque chose de plus grave encore, car le pécheur n’est pas seulement inerte à l’égard du bien, il est ardent à la pratique du mal ! Et pourtant, même si tu étais en cet état, si tu voulais faire quelques efforts pour te soulever, tous tes maux disparaîtraient. Quand même tu serais ainsi depuis trente-huit ans, si tu t’efforces de recouvrer ta santé, rien ne pourra t’en empêcher. Maintenant encore le Christ est près de toi et il te dit : « Prends ton grabat ! » Tu n’as seulement qu’à vouloir ; lève-toi, prends courage ! Tu n’as pas affaire à un homme mais à un Dieu. Tu n’as personne pour te jeter dans la piscine, mais tu as Celui qui fera en sorte que tu n’aies pas besoin de te plonger dans la piscine !
Si tu veux descendre à la source de la grâce, personne ne t’en empêche : la grâce ne se perd ni ne s’épuise, la source coule avec une abondance intarissable, et de sa plénitude, nous pouvons tous recevoir la guérison de nos âmes et de nos corps.
Approchons-nous donc aujourd’hui de cette source précieuse. Car Rahab n’était qu’une courtisane, et elle fut sauvée ; le larron n’était qu’un meurtrier, mais il obtint
droit de cité dans le Paradis. Et Judas, bien qu’il vécût avec le Maître, se perdit, tandis que le larron, du haut de la croix où il était attaché, devint disciple du Sauveur.
Telles sont les merveilles de Dieu !
 

Homélie 67 sur Matthieu, 4 – P.G. 58, col. 637