Il y a ce qu’on dit et la manière de le dire. La manière, c’est comme la sauce qui donne un goût particulier au plat.
Un disciple du prophète Isaïe demande aux habitants de Jérusalem de se lever. On les imagine sagement assis. En fait, ils sont effondrés. Le disciple d’Isaïe aurait pu dire gentiment: « Je vous en prie, levez-vous ! »
« Debout, Jérusalem ! » Sa parole claque comme un coup de feu ! Elle déboule dans les oreilles d’une population inerte, écrasée par des malheurs qui s’enfilent les uns derrière les autres. Raisonnablement, son avenir, c’est sa disparition.
Debout ! Pour faire quoi ?! Laissez-nous mourir tranquilles !

 

Les Juifs qui entendent la parole de ce prophète ont connu 50 ans d’humiliations en exil. D’une manière inattendue, une possibilité de retour a été proposée aux survi-vants. Certains, ayant pris racine en Chaldée, n’ont pas vu l’intérêt de s’engager dans une nouvelle aventure. Ils ont choisi de rester. Sécurité d’abord !
D’autres ont été sensibles à la parole de leurs pères, morts en exil. Ils parlaient de la Terre Promise ! Comment est-elle cette Terre ? Cette jeune génération se met en route, en espérant une vie meilleure avec un Dieu qui reprend les choses en main.

Mais la Terre Promise n’était pas restée vide. Les exilés sont mal accueillis par les fils des survivants qui ont échappés à l’exil et par des gens venus d’un peu partout qui ont pris possession de terres et de maisons abandonnées. Au nom de quoi les donner à ces gens qui prétendent avoir un droit de propriété après 50 ans d’inexistence ?
Quant à reconstruire le Temple, les difficultés sont de toutes sortes, administratives et financières.
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C’est dans ce décor cafardeux que le disciple d’Isaïe aperçoit une Jérusalem resplendissante, vêtue de lumière et de gloire. Cette Jérusalem sera comme un phare qui ouvre une route de paix à toutes les nations.
Les exilés n’ont été pour rien dans la décision du roi de Perse de les libérer. Il n’y a rien eu de glorieux dans leur marche sur le chemin du retour. Si cette marche a un sens, ce sont les générations à venir qui en découvriront l’ampleur inattendue. En effet, cette marche ouvre la route à toutes les nations païennes d’ici et d’ailleurs, d’hier et de toujours. Il y aura celles qui n’ont jamais entendu parler de Jérusalem et celles (les tribus de Madian et d’Epha) qui connaissent très bien cette ville pour l’avoir détruite et pillée. Toute épreuve a un sens. Toute marche conduit quelque part.
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Et voici les mages avec l’évangile de Matthieu. On les présente comme des astrologues de cour qui annoncent les événements à partir de l’observation des astres. Le récit ne dit rien de leur nombre ni de la couleur de leur peau.
Un jour, leurs calculs les met sur la piste d’un roi qui vient de naître et nous les rejoignons à Jérusalem. Ils sont sérieux, un brin naïfs. Puisqu’il s’agit de la naissance d’un roi, il est convenable d’aller au palais. S’ils savent ce qui se passe dans les étoiles, ils ne soupçonnent pas ce qui peut se tramer dans la tête d’un roi comme Hérode.

Bien renseignés par les services du roi et fortement invités à revenir, ils reprirent la route. «Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. » Comme convenu, ils envisagent de retourner au Palais d’Hérode mais, avertis en songe, ils n’en feront rien. « Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. ». D’où la colère d’Hérode et le mas-sacre des innocents. L’amabilité d’Hérode était un piège.

Quelques remarques

Les textes d’Isaïe et de Matthieu nous présentent un peuple et des individus qui, ayant pris la route, ont rencontré des difficultés. Leur aventure nous interroge.

– Il y a des choses qui se passent (une parole, un événement) qui deviennent un signe pour les uns et ne veulent rien dire pour les autres. Pourquoi s’engager sur un chemin plutôt que sur un autre ? Nous marchons (ou nous trainons les pieds) à la recherche de quoi ? Inévitablement, nous nous faisons une idée de ce que nous espérons trouver.

– Tout refus de partir comme toute mise en route suppose une décision. Tout chemi-nement apporte des surprises. Dieu n’est pas là où on l’imagine, il ne ressemble pas à l’idée qu’on s’en fait… et on marche quand même !

– St Paul dit aux Ephésiens : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus, par l’an-nonce de l’Evangile. »
Dans notre monde englué dans la brillance des apparences, comment être sensible à un appel à suivre Jésus sur une route inconfortable pour le découvrir dans sa pauvre-té ? Son appel peut vaincre nos résistances. Sommes-nous de ceux qui prennent la route du Synode ? Comment donner aux autres le désir de vivre autrement ?

D. Boëton