Isaïe 5, 1-7
Philippiens 4, 6-9
Matthieu 21, 33-43
Dans le livre d’Isaïe, le prophète n’est pas de bonne humeur. Les habitants de Jérusalem et de la Judée ne veulent rien entendre. Ils s’entêtent dans leurs dérives. D’une manière imagée, il leur annonce un avenir sombre. Il va leur arriver ce qui est arrivé aux habitants de la Samarie, l’exil ! Pour se faire comprendre, il raconte une histoire.
Il était une fois une vigne plantée sur un coteau. Un jour, elle attire l’attention du propriétaire. Cette vigne qu’il a sous les yeux ne donne rien de bon. Pourtant, le sol est approprié et l’exposition au soleil est favorable. Le désir lui vient d’investir pour améliorer le rendement. Sans tarder il se met au travail. Il retourne la terre, retire les pierres et y met un plant de qualité. Pour plus de sécurité, il construit une tour de garde. Comme le climat est favorable, il est sûr du résultat et donc il creuse un pressoir. Son espérance est à la mesure de son investissement.
« II attendait de beaux raisins mais elle en donna de mauvais. » Le coup de colère du vigneron est à la mesure de son espérance déçue.
Traduction : Au milieu de tous les peuples qui s’égarent dans toutes les directions, Dieu a conçu un peuple qui serait son peuple pour une mission : être un repère pour les autres peuples. Au fil des siècles, il l’a formé, éduqué, dressé, corrigé, encouragé, redressé aussi souvent que cela a été nécessaire. Un vrai investissement ! « Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le cri-me ; il en attendait la justice et voici les cris. »
Le propriétaire ne donnera pas à ce coteau fertile une nouvelle chance. Là où il y avait une vigne médiocre, il n’y aura rien du tout. Il abandonne le terrain à son sort. Qu’il devienne une terre sauvage ! Si Jérusalem persiste dans ses dérives, elle deviendra une ville morte.
On n’imagine pas que le propriétaire a bêché tout seul le terrain de sa vigne et construit tout seul la tour de garde et le pressoir. Il avait avec lui des ouvriers. Ce qui a manqué, c’est ce qu’on appelle le suivi. Une fois la vigne plantée, personne n’a vu venir les mauvaises herbes et les parasites. Personne dans le personnel n’en a pris soin. Arriva ce qui devait arriver : au bout de la négligence, le désastre !
Prendre soin, c’est accompagner, prendre à temps les décisions nécessaires. Planter, c’est bien, mais il faut assurer l’entretien.
Dieu a déposé une vie nouvelle dans la vie des baptisés. Dans la société d’aujourd’hui, comment en prennent-ils soin, dans la responsabilité qui est la leur ?
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Dans l’évangile de Matthieu, Jésus reprend l’image d’Isaïe. On retrouve la vigne nouvellement plantée, le pressoir et la tour de garde, mais cette fois, la présence des vignerons sur le terrain est signalée. Eux, ils se sont occupés de la vigne. Ils en ont pris soin… à ce point qu’ils ont fini par se considérer comme les propriétaires et reçoivent les serviteurs du maitre comme des intrus. Ils n’ont rien à faire ici ! Même le fils du propriétaire sera malmené et exécuté.
En faisant consciencieusement leur travail en l’absence du propriétaire, ils ont pris goût au pouvoir et refusent de rendre les comptes à quiconque.
Jésus ne raconte pas cette histoire devant la foule mais devant les grands-prêtres et les anciens du peuple. Quand Jésus leur pose la question de savoir ce que le propriétaire va faire de ses serviteurs, la réponse jaillit comme une fusée : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons qui lui en re-mettront le produit en temps voulu. »
Ces grands prêtres et anciens du peuple sont d’une grande naïveté. Ils tombent des nues quand ils sont invités à se reconnaitre dans ces mauvais serviteurs. Bien sûr, ils ont étudié et trituré la loi. Ils sont aussi entrés dans les détails de la vie des gens et ils l’ont rendue inhumaine. Ils sont devenus des dominants inconscients. Plus oppresseurs que serviteurs, ils ont pris soin de la loi en méprisant le peuple.
Jésus les condamne en s’appuyant sur l’Ecriture. Dans l’histoire de la vigne, il se pré-sente comme le fils rejeté et finalement supprimé. Mais c’est lui, pierre rejetée par les bâtisseurs, qui sera la pierre d’angle d’une nouvelle entreprise.
Quelques remarques
* Le comportement des vignerons de l’évangile est notre comportement chaque fois que nous nous considérons comme propriétaire d’une mission ou d’un service qui nous a été confié.
* Si on n’y prend garde, le goût du pouvoir s’infiltre insidieusement dans notre cœur. On commence par rendre service. Il arrive qu’on se sente utile et puis indispensable. Nos idées sont forcément les meilleures. On voulait servir et on écrase.
* Il faut travailler à la mission avec passion et détachement. Il faut continuellement se réajuster sur la Parole de Dieu et mettre en retrait nos analyses personnelles. Fini le pouvoir ! Place au service ! Il faut devenir serviteur et le rester. « C’est moi qui vous ai choisis, afin que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. »(Verset Alleluia)
* Comment vivre notre réponse aux appels du Seigneur ? Dans sa lettre aux Philippiens, Paul donne une piste : « Ne soyez inquiets de rien, mais en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. »
D. Boëton