Exode 24, 3-8        –             Hébreux 9, 11-15       –         Marc 14, 12-26

 

Le repas évoqué par Marc a lieu le soir qui précède la fête juive de la Pâque. Ce repas est cadré dans un rituel précis. Il est prévu qu’un enfant interroge son père : Pourquoi fais-tu ceci ? Pourquoi fais-tu cela ? Le père explique les rites en rappelant comment les Hébreux ont quitté l’Égypte pour passer de l’esclavage à la liberté. Les participants au repas s’identifient aux ancêtres et revivent l’événement qui justifie leur existence comme peuple.

 

Selon Marc, les disciples posent à Jésus une question a la fois banale et bizarre : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » On dirait que cette Pâque, célébrée par le groupe, va être vécue d’une manière particulière par Jésus. De fait, il va s’engager personnellement dans un passage qui ne sera pas seulement l’actualisation d’un passé.

 

La première chose à prévoir, c’est évidemment le lieu du repas. Jésus a son idée. Ce sera en ville, à Jérusalem. Il envoie donc deux disciples avec quelques indications : en allant vers la ville, ils croiseront un homme portant une cruche d’eau. Il faudra le suivre jusque dans la maison où il entrera.

Les deux disciples diront au propriétaire : « Le Maître te fait dire : où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? Ce sera à l’étage, dans une salle disposée pour accueillir les convives d’un repas. « Les disciples trouvèrent tout comme Jésus avait dit, et ils préparèrent la Pâque. »

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Allons à Jérusalem ! Au soir de la journée où on avait sacrifié quantité d’agneaux pour la fête du lendemain, Jésus se trouve à table avec ses disciples pour un repas où tout doit se passer comme le rituel le demande. Mais voilà qu’au cours de ce repas Jésus prend du pain. Il prononce la bénédiction, le rompt, le leur donne, et dit : « Prenez, ceci est mon corps ». On peut remarquer le geste et la parole.

 

Le geste de Jésus sur le pain est celui du père de famille juif qui prend le pain, pro-nonce la bénédiction et le partage avec les convives. Mais les paroles s’écartent du rituel. Le pain qu’il invite à prendre est son corps. Jésus crée ainsi une communion véritable entre ses disciples et lui. Les paroles révèlent la nouvelle façon dont Jésus se rend désormais présent auprès des siens. Son corps devenu nourriture ne rassasie pas les corps mais les cœurs.

 

« Puis ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance versé pour la multitude. » Jésus assimile le vin à son sang. Ils entendent cette parole après avoir bu. Ils comprendront plus tard qu’eux aussi auront à donner leur vie.

 

Le sang de Jésus versé renvoie à l’Alliance conclue sur le mont Sinaï entre le peuple hébreu libéré mais pas encore arrivé.

Descendu de la montagne, Moïse avait transmis les paroles du Seigneur, puis il avait chargé quelques jeunes garçons d’offrir des holocaustes et d’immoler des taureaux en sacrifice de paix. Plein de bonne volonté (et d’illusions), le peuple s’était engagé : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique. » 

 

Ce soir-là à Jérusalem, Jésus anticipe ce qui se passera le lendemain. Ce soir, il donne sa vie qu’on lui prendra demain. Dans cette célébration pascale unique, Jésus ne se contente pas de se conformer à un rituel. Il est personnellement la victime offerte et le prêtre qui offre. Le corps du Fils de Dieu devient l’Alliance. Le peuple juif ne doit pas en imaginer une autre et il doit ouvrir ses frontières. Cette alliance concerne la multitude.

 « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ! » Les disciples n’avaient jamais entendu une chose pareille ! En mangeant et en buvant, ils ont fait ce que Jésus demandait et sans doute, ils ne comprirent l’enjeu des paroles qu’après la Pentecôte.

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Dans ce récit, on peut relever deux choses :

1). Le début du récit s’intéresse aux préparatifs. Cela invite à prendre conscience du temps que nous passons dans notre quotidien à préparer ceci ou cela. Pêle-mêle, on prépare, un repas, un dossier, les outils, un budget, une réunion, une célébration, (une homélie !), les vacances et donc la valise, la rentrée et donc le trousseau des enfants etc… Toute préparation demande du temps. De la qualité de la préparation dépend la réussite du projet. Finalement, la globalité de notre vie aura préparé quoi ? « Je me tourne vers toi, Seigneur, au matin tu écoutes ma voix : au matin je me prépare pour toi et je reste en éveil. » (Ps 5,4)

 

2). Jésus a dit : « Je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le Royaume de Dieu. »

Sur la terre de Palestine Jésus a partagé la vie laborieuse de ses contemporains. Boire un verre de vin était un moment heureux. Un Psaume (103,15) évoque le vin qui réjouit le cœur de l’homme. De la vie laborieuse et douloureuse , Jésus va passer à la vie glorieuse. Saurons-nous un jour mesurer l’enjeu de l’Eucharistie que nous célébrons ? Notre vie est prise de bien des manières et pour toutes sortes de raisons. Ce qui est donné par amour est impérissable. De notre vie prise, faisons-nous une offrande ?

D. Boëton