St Joseph des Champs 27 janvier 2019
3ème Dimanche du T.O. -C-
Néhémie 8,1-6, 8-10 1 Corinthiens 12, 12-30 Luc 1, 1-4 ; 4 14-21

Après 50 ans d’exil, (-587 à-538), le peuple de Dieu retrouve sa Terre Promise… en ruines ! Deux Juifs, Esdras et Néhémie, sont désignés par Artaxerxès, roi des Perses, pour organiser la reconstruction.
A chacun sa feuille de route. Néhémie, haut-fonctionnaire d’Etat au service de la Perse, est chargé de reconstruire les remparts de Jérusalem. Sécurité d’abord ! Esdras, prêtre, doit relever le moral du peuple en réorganisant le culte.
Durant l’exil, le peuple a dû s’adapter à la culture du vainqueur. Devenu libre, il lui faut retrouver les repères qui légitiment son originalité. Et donc, un jour de Sabbat, Esdras organise une fête en l’honneur de la Loi. Le texte nous donne le programme.

– Il y a d’abord le rassemblement du peuple dans sa diversité. Scribes, lévites, hommes, femmes et enfants-en-âge-de-comprendre sont là, comme un seul homme ! Et tout cela en plein air, faute de local adapté.
– Alors commence, sur une tribune de fortune, une liturgie de la Parole. Elle dure du matin jusqu’à midi. La Loi est lue en hébreu, la langue utilisée à l’époque de la rédaction. Il faut la traduire en araméen car le peuple doit comprendre. Les lévites assurent la traduction. Et le peuple redécouvre le projet d’Alliance de Dieu avec son peuple. La lecture a déclenché l’enthousiasme : Amen ! Amen !
– Il reste alors à traduire les exigences de la Parole dans le vécu quotidien. C’est le rite de l’Envoi.
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Nous retrouvons la liturgie de la Parole à la synagogue de Nazareth. Dans son récit, Luc reprend un verbe qui se trouve dans le récit de Néhémie, le verbe ouvrir.
Dans le langage courant, ce verbe ouvre des perspectives dans les directions les plus diverses. Il nous tourne vers un avenir.
Chaque matin, on ouvre les yeux. Une surprise nous fait ouvrir de grands yeux. Dans un climat de méfiance, on ouvre l’œil.
Dans toute association, le Président ouvre l’Assemblée Générale. Éventuellement, on y ouvre un débat qui ouvrira un horizon, un passage.
S’il y a un délit quelque part, la gendarmerie ouvre une enquête.
On ouvre les bras, son cœur, sa maison, sa porte, sa fenêtre, et encore on ouvre, un chantier, un nouveau magasin, une route, une école, une session, un synode, un crédit, un compte en banque. On ouvre aussi des boites de conserve et des huîtres ! Et pour finir, avant d’entrer dans l’Éternité, on ouvre une fosse au cimetière !
On ouvre pour aérer, accueillir, avancer, découvrir, explorer, rencontrer etc…
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A Nazareth, ce jour de sabbat, Jésus ouvre un livre comme l’a fait Esdras. Pas n’importe lequel, LE livre de la Parole de Dieu et il fait la lecture tirée du livre d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres…. » Les fidèles connaissent ce texte mais la réaction de Jésus est inattendue. « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. C’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit. »
Jésus parlerait-il de lui ? Il referme le livre, le donne au servant. La réaction de l’assemblée, on la découvrira dimanche prochain.

Quelques remarques
La liturgie de la Parole dans nos célébrations eucharistiques s’inspire de la célébration d’Esdras.

Nous n’avons pas à être témoins de l’Evangile dans le monde de 1830 ou de 1900 mais dans ce monde dans lequel nous vivons. Quand nous venons à la messe, le dimanche, nous entendons des textes qu’on nous répète depuis longtemps. On connait les histoires. Mais parce que ce que nous vivons n’a encore été vécu par personne, la Parole doit être entendue avec une oreille neuve. Cela nous est difficile.

Au fil du temps, la Parole de Dieu est toujours menacée par deux dangers :
1) l’oubli. Ce fut le cas pendant l’exil et c’est le cas aujourd’hui quand notre vie est totalement absorbée par les affaires du monde.
Et 2) la banalisation. On ramène la Parole de Dieu à l’idée qu’on s’en fait. On l’enferme dans le cadre de nos schémas de pensée sécurisés. Puisque Dieu pense comme nous, nous voilà rassurés !

Oubli ou banalisation, dans les deux cas, la Parole est dévitalisée. L’enjeu est de l’accueillir sans être coincé par nos habitudes si bonnes soient-elles.
« Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur. » (Ps. -83-5-6)
Paul rappelle l’essentiel de l’Evangile : se débarrasser de soi pour être ouvert à l’autre ! « S’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne. (1 Cor 13, 1)
D. Boëton