Jérémie 31,7-9 , Hébreux. 5, 1-6, Marc 10-46-52

Les unes après les autres, les générations découvrent de nouvelles techniques mais le cœur de l’homme ne change pas. S’intéresser aux comportements des hommes d’autrefois nous éclaire sur ce que nous vivons.

Jérémie n’a pas de chance ! Durant toute sa vie de prophète, il a vécu à contre courant de l’opinion.
En ce temps-là, le Royaume d’Israël (capitale Samarie), annexé par les Assyriens (Irak du nord) a disparu de l’Histoire.(722 av. JC.). La population a été déportée. L’événement n’a pas troublé la population du Royaume de Juda, (capitale Jérusalem). Les célébrations au
Temple continuent de se dérouler comme il se doit. Mais, sorti du Temple, on s’amuse et les affaires sont prospères. Si les riches s’enrichissent, les pauvres deviennent plus pauvres. Quelle importance ! ?
Pendant des années, Jérémie dénonce avec vigueur ce comportement contraire à la loi de Dieu. Tout commencement de conversion étant refusé, il annonce un châtiment.
Evidemment, personne ne prend au sérieux ce prophète de malheur. Mais voilà que les Chaldéens (capitale Babylone) chassent les Assyriens et dominent à leur tour le Moyen-Orient. Ils investissent Jérusalem à deux reprises (597 et 587 av J.C.).
Finalement, la ville est détruite, le Temple incendié, la population, roi en tête, déportée. Le peuple élu n’a plus ni terre ni roi. Dieu, chassé du Temple, sa demeure, est devenu, sur sa propre terre, un sans-domicile-fixe. Inimaginable !
Jérémie, resté à Jérusalem avec la population sans qualification professionnelle, n’est pas tendre. Il demande par courrier aux déportés de ne pas se faire illusion. Leur retour n’est pas pour demain et donc qu’ils s’installent là où ils sont. (Jér. 29, 4…).

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Les années passent, mais on n’arrête pas l’Histoire. Les Perses (Iran) dominent à leur tour le Moyen-Orient et chassent les Chaldéens (538 av. J.C.). Jérémie sent que le vent tourne.
Dans le récit d’aujourd’hui, il s’adresse à nouveau aux exilés. Une fois de plus, il prend l’opinion publique à contre-pied et lance une nouvelle fois un message incroyable: « Poussez des cris de joie ! » Qui oserait le prendre au sérieux ?
Et pourtant, Dieu va ramener son peuple sur sa terre. Il se présente avec un visage nouveau à l’époque : « Je suis un père pour Israël. » Il sermonne, sanctionne et pardonne. Jamais père absent, il n’est pas papa-poule.
Dans une société qui a vécu dans la vie facile indécente, puis dans la détresse absolue, Jérémie a été un prophète qui a vu au-delà des apparences de l’aujourd’hui.

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L’évangile de Marc nous présente une foule en marche sur une route de Palestine. Sur le bas-côté, il y a Bartimée, un aveugle-né. Marginalisé, il n’a sa place ni en ville, ni dans la foule. S’il ne voit pas, il a de bonnes oreilles et des cordes vocales en bon état.
Il a perçu le bruit de la foule et appris que, dans cette foule, il y a Jésus. Il en a entendu parler et l’interpelle à voix forte. « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » Evidemment, on veut le faire taire, mais Jésus l’a entendu. Il l’invite à exprimer ce qu’il désire « Que je voie ! » Jésus le guérit.

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Quelques observations :
De par notre baptême, nous faisons partie du peuple de Dieu. Ce peuple inséré dans la société civile, doit se conduire selon les exigences de l’Evangile.
* Est-ce que la Parole de Dieu et sa présence parmi nous, grâce à l’eucharistie, nous donnent de discerner ce qui dans notre société favorise l’exploitation des pauvres.
De quelle manière sommes-nous complices ? A la suite de Jérémie, de quelle manière sommes-nous à distance d’un comportement convenu ?
* Est-ce que la Parole de Dieu et sa présence parmi nous, grâce à l’eucharistie, nous donnent la force d’interrompre nos occupations, nos discours pour donner la parole à ceux qui ne la prennent jamais et écouter leur misère ?
* Dans ce récit, il y a une double guérison : celle de l’aveugle et celle de la foule. Elle rabrouait Bartimée pour le faire taire et finit par l’intégrer dans sa marche, grâce à la Parole et à l’action de Jésus. Son manteau qui signalait sa misère est resté sur la berme.

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Une opinion publique peut se convertir. Il faut plusieurs générations pour déchoir et plusieurs générations pour se relever. Ce récit nous alerte sur la capacité d’aveuglement de notre société et sa capacité de conversion. Chacune de nos paroles, chacun de nos gestes peut être une toute petite pierre qui construit, au fil du temps, une humanité nouvelle.

D. Boëton