Actes 4, 32-35           1 Jean 5, 1-6      Jean 20, 19-31

 

Jésus a institué l’Eucharistie, la veille de sa mort, un jeudi soir. Quelques particularités ont émaillé ce repas. On connait le lavement des pieds. Un autre geste de Jésus retient moins l’attention.

Jésus dit à ses apôtres ; « L’un de vous va me livrer ». C’est Jean qui saura de qui il s’agit : « Celui auquel je vais donner la bouchée ». Offrir quelque chose à quelqu’un est un signe d’attention particulière. A table, alors que les convives se servent eux-mêmes à tour de rôle, Jésus offre une bouchée, précisément à Judas. Il la prend mais il est incapable (ou il refuse) d’identifier la source du geste. Il ignore (ou il rejette) l’amour. Si rien n’arrête la volonté de nuire, rien n’arrête l’amour dans la volonté de se donner. La divine miséricorde n’a pas de limite. Deux remarques :

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  1. Dans notre monde, ce n’est pas toujours l’amour (tel que le Christ l’a vécu et le vit encore) qui nous habite. Ou bien on évite de fréquenter celui qui nous a fait du tort, ou bien on guette l’occasion d’une revanche. Pour affirmer sa puissance après sa Résurrection, Jésus aurait pu prendre plaisir à narguer, par exemple, les prêtres au Temple, ou les membres du Sanhédrin lors de leur assemblée, ou Pilate dans son palais. Il ne l’a pas fait.

 

  1. Il arrive dans nos démocraties qu’un Président, pour une raison ou pour une autre, change de gouvernement. Après la conduite peu glorieuse de ses disciples durant la Passion, Jésus aurait pu remanier son équipe pour continuer sa mission. Mais les dons de Dieu sont sans repentance. Dès le soir du premier jour de la semaine, il rejoint ses disciples là où ils se sont calfeutrés. Ce n’est ni pour dénoncer leur inefficacité ni pour redistribuer les charges, par exemple en nommant Jean à la place de Pierre pour fonder son Église.

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Durant ses trois années de vie publique, Jésus a montré qu’il savait percer les secrets des cœurs. Ressuscité, il n’ignore rien de l’état d’esprit des apôtres. Ce qui se remue dans leur cœur peut ressembler à une salade où on trouverait de l’inquiétude, de la déception, de la peur, de la honte, du chagrin, à moins qu’ils ne soient pris de vertige devant la consistance du vide. Quel peut être maintenant leur avenir ?

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Rien ne peut arrêter l’amour ! Après la mort de Jésus, les apôtres ne sont pas rassurés. Ils ont verrouillé, par crainte des Juifs, les portes de l’appartement où ils sont rassemblés. Et voilà que « Jésus vint et il était là au milieu d’eux. »  Peut-on imaginer l’effet de surprise ? Vraiment, il n’était pas attendu.

C’est lui qui engage la conversation qui sera d’ailleurs à une voix. Un mot frappe le groupe de plein fouet « La paix soit avec vous ! » Pour reprendre contact, les apôtres pouvaient s’attendre à tout sauf à ce genre d’entrée en matière. Et, comme si on lui demandait de présenter sa carte d’identité,  il montre ses plaies. C’est bien lui ! Et il confirme  « La paix soit avec vous ! » Un souhait qui fait basculer les cœurs.

Remplis de joie, les apôtres sont apaisés. Si Jésus a vaincu la mort, c’est pour ouvrir une route nouvelle aux vivants et il n’y a pas de temps à perdre.

« Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés ils seront maintenus. »  Voilà déjà la Pentecôte, une  Pentecôte intérieure, sans bruit et sans cérémonie.

Les apôtres reçoivent la charge de continuer la mission de Jésus. Dans un monde qui continuera d’être hostile, ils devront déverrouiller leur appartement et sortir pour le mettre en état de marche en ouvrant une route nouvelle.

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Jésus ressuscité serait-il déjà déconnecté des réalités humaines ? Son premier contact avec ses apôtres n’a pas été une totale réussite. Comment a-t-il pu ignorer l’absence de Thomas ? Quand il revient à la maison, les disciples essaient de le convaincre  de la visite de Jésus. Leur enthousiasme tombe à plat et leur parole dans le vide. Thomas n’est pas du genre à croire n’importe quoi ? Il veut vérifier par lui-même. La tension dans le groupe va durer huit jours, des jours aussi longs qu’une éternité ! Jésus aurait-t-il exclu Thomas ? Thomas va-t-il se retirer ?

 

Huit jours plus tard, les apôtres sont toujours là, au complet cette fois-ci, et toujours verrouillés. Jésus revient et s’adresse directement à Thomas. Il lui ouvre la route pour sa foi.  « Avance ton doigt ici et vois mes mains. Avance ta main  et mets-là  dans mon côté : cesse d’être incrédule ; sois croyant. »

Le récit ne dit pas si Thomas a touché les plaies pour avoir sa preuve. Son cœur est touché. Il reconnaît Jésus : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

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De l’évangile, on peut tirer quelques pistes de réflexion :

* Plus nous sommes loin de Jésus, plus son attention à notre égard est forte. Les blessures du Seigneur sont devenues sa gloire. Par ses blessures nous sommes guéris !

* La parole des témoins est fondée sur une expérience personnelle. Elle est crédible.

* Les témoins s’évangélisent d’abord les uns les autres et  ils ont bien  du mal. Il faut une rencontre personnelle avec Jésus.

* Heureux ceux qui ont une vie spirituelle. Elle est perpétuellement une recherche et une rencontre. Elle s’enracine dans la Parole de Dieu écoutée et accueillie ainsi que dans la fréquentation des sacrements. « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

D. Boëton