Isaïe 50, 5-9a                                                          Jacques 2, 14-18                                                            Marc 8, 27-35

En exil à Babylone, le peuple de Dieu a du mal à comprendre ce qui lui est arrivé. Impuissant à imaginer un avenir, il a le loisir d’analyser son passé.
Un sauveur !… et encore un sauveur !… et toujours des sauveurs ! Le peuple de Dieu en a connu et épuisé combien tout au long de son histoire ?
Aucun n’a été d’une fidélité exemplaire.
Dieu pourtant, ne l’abandonne pas ce peuple perpétuellement rebelle. Un exilé, dans la ligne du prophète Isaïe, ouvre, une fois de plus, un avenir avec une figure nouvelle.

Finie la liste des rois, les uns plus ou moins convenables et d’autres incapables.
Finie la liste des grands prêtres, les uns consciencieux, les autres paralysés par la Loi.
Il ne faut plus imaginer le Sauveur annoncé par le prophète, assis sur un trône, dans un palais, ou dans un fauteuil de président, au Temple, ou encore à la tête d’une ar-mée. Son titre révèle son programme : Serviteur !
Le récit d’aujourd’hui nous le présente.

Le Seigneur Dieu lui a ouvert l’oreille. Il n’a rien caché à son Serviteur des ennuis et des souffrances qui l’attendent. Bien informé de sa Mission, le Serviteur n’a pas né-gocié pour la rendre supportable. Il a bien écouté ce qu’il devait entendre. Tout au long de la Mission, il sera et restera Serviteur.

Confiant dans la fidélité absolue de son Serviteur, le Seigneur a laissé ses ennemis se manifester avec une extrême violence et il n’intervient pas. Le Serviteur aurait pu se sentir trahi. Il dit : « Je ne me suis pas révolté. »

Confiant malgré tout dans la fidélité du Seigneur, le Serviteur a subi sans broncher les actes de violences et les humiliations. En cours de route, au fil des oppositions qu’il a rencontrées, le Serviteur n’a pas biaisé.  Il dit : « Je ne me suis pas dérobé. »

Le Seigneur sait que ses ennemis n’ont aucun avenir. Il les a laissé aller jusqu’au fond de leur impasse. Chaque chose en son temps. Il donne à son Serviteur la force pour encaisser les coups sans dévier de sa mission. « Le Seigneur Dieu vient à son secours. »

Réduit à rien par la haine de ses ennemis, méconnaissable après les tortures, le Ser-viteur se présentera devant son Seigneur sans honte, ni confusion. Ses blessures sont sa gloire. « Je sais que ne serai pas confondu. »

De fait, à la fin de la mission, le Serviteur se présente devant son Maître et fait son rapport. Le vocabulaire employé dans le texte nous introduit dans l’ambiance d’un tribunal. Il est question de plaider, de comparaître, d’attaquer en justice, de condam-nation. Le Serviteur a un bon avocat : le Seigneur qui lui a confié sa mission.
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Avec l’évangile de Marc, nous retrouvons Jésus aux environs de Césarée. Il interpelle ses disciples : «Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils ont tous une réponse. «  Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » Silence dans les rangs ! Qui est Jésus ?
Il n’est pas de la tribu de Lévi qui donne les prêtres au service du temple. Charpen-tier, on ne l’imagine pas à la tête d’une armée pour chasser les Romains ; or le peuple ayant besoin d’un chef, personne n’a l’idée de répondre : « Tu es le Serviteur !» Pour meubler le silence, Pierre se lance : « Tu es le Christ » Bonne réponse !

Le mot Christ, indiquait autrefois que le corps d’un individu recevait une onction ; il était frotté d’une huile parfumée. Ce rite indiquait qu’il profitait des faveurs d’un per-sonnage important.
On trouve ce mot dans les Psaumes pour figurer l’abondance des faveurs divines. La réponse de Pierre donne à Jésus l’occasion de dire ce qui justifie son titre de Christ : il va parcourir le chemin tracé par le Serviteur du livre d’Isaïe, la souffrance, le rejet des autorités civiles et religieuses, la mise à mort par l’armée d’occupation et la résur-rection. Jésus fait sienne la figure pitoyable du Serviteur que nous a présenté,e Isaïe.

Fier d’avoir bien répondu et scandalisé par les propos de Jésus, Pierre, le prenant à part, lui fait de vifs reproches… et se fait remettre en place. La réaction de Pierre est spontanément la nôtre. Nous nous voyons dans les défilés de la victoire avant d’avoir supporté les aléas du combat.

Dans sa lettre, Jacques écrit ceci : « Si quelqu’un prétend avoir la foi sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? »
La Parole de Dieu aujourd’hui nous renvoie aux contrariétés plus ou moins fortes de notre quotidien. Il nous arrive de nous dérober. Il nous arrive aussi d’encaisser.
D. Boëton