Jérémie 33,14-1
1 Thessaloniciens 3, 12- 4,2
Luc 21,25-28, 34-36

Comme cela arrive à tout le monde, il arrive qu’une idée me vienne à l’esprit. Personne ne s’en aperçoit. Ce micro-événement ne fait pas de bruit. Cette idée, je peux la garder pour moi. Je peux aussi la transmettre et elle se met à circuler plus ou moins longtemps. La parole est, avec l’écrit, un moyen de transmission.

Toute parole suppose que quelqu’un parle à quelqu’un qui entend et, peut-être, écoute. Il arrive qu’une parole ne laisse aucune trace ; une autre, entendue, est oubliée ; une autre devient comme un germe dans la vie de celui qui l’a reçue ; une autre, mise par écrit, ouvre une route qui traverse les siècles en redevenant parole. Nous commençons une nouvelle année liturgique en accueillant une parole du prophète Jérémie.

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En ce temps-là, le peuple de Dieu est en grande détresse. Le royaume d’Israël a disparu depuis un siècle environ avec l’invasion des Assyriens et le temps est venu pour le Royaume de Juda de disparaître à son tour avec l’invasion des Chaldéens. Le peuple est déporté, le Temple est détruit.
C’est dans ce contexte de déprime absolue que Jérémie (7ème s. av. J.C.) prend la parole pour annoncer, avec une audace qui frôle l’inconscience, un avenir nouveau pour la maison d’Israël et pour la maison de Juda : « Voici venir des jours -oracle du Seigneur- où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda. »

Si, au fil des générations, le peuple a choisi de prendre le chemin de sa propre destruction malgré les alertes lancées par les prophètes, le Seigneur va le relever en prenant son temps. Quand il aura décidé d’intervenir, il déposera quelque part le commencement d’un petit quelque chose… un germe !
Il y a des germes qui conduisent à la mort et d’autres qui inaugurent une vie nouvelle. Jérémie annonce un germe qui développera le droit et la justice.

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Jésus est ce germe d’une vie nouvelle. Dans l’évangile de Luc, nous le trouvons au Temple qui a été reconstruit. Il s’adresse aux gens qui se trouvent là et leur parle de sa venue. On pouvait s’attendre à ce qu’il parle de sa naissance et de son enfance.
Or à Bethléem, il n’a pas dérangé grand monde et à Nazareth, il a construit sa vie humaine dans le concret des événements de son époque. Pendant 30 ans, il a observé, réfléchi et enregistré sans rien dire. On n’a de lui qu’une parole : à l’âge de 12 ans, il a rabroué sa mère qui l’a retrouvé au Temple après 3 jours de recherche.

Le moment venu, il s’est lancé dans la vie publique avec une grande liberté de parole. On l’admire, on s’étonne ! Ce qu’il dit va devenir insupportable aux oreilles des spécialistes de la Loi mais il ne se taira pas. Finalement, il sera arrêté et crucifié. Et d’u-ne manière ou d’une autre ses disciples seront marginalisés.

Dans le texte de Luc, l’action de Jésus ressemblera à une remise en ordre qui déstabilisera les uns et remettra les autres debout. « Qu’ils se relèvent et redressent la tête. » Jésus annonce une humanité purifiée, réconciliée avec Dieu.

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Instinctivement, tout homme est un suiveur. Ou bien il suit ses instincts et se met à la remorque des bricoleurs d’humanité qui promettent une vie de plaisir sans contraintes ou bien il choisit un maître et suit ses conseils.
En nous mettant à la suite de Jésus, nous préparons, là où la vie nous a plantés, un monde nouveau. Nous pouvons nous sentir marginalisés, mais nous savons qu’un jour, le Seigneur se manifestera. St Augustin commente : « Ce n’est pas parce qu’il ne vient pas maintenant qu’il ne viendra pas. Il viendra et tu ne sais pas quand. Et s’il te trouve prêt, cela n’a pas d’inconvénient pour toi que tu ne le sache pas. » (1)

Pour naviguer au milieu de tant de propositions diverses, chacun doit préciser son objectif. Jésus invite à la vigilance : « Tenez-vous sur vos gardes ! »
Se tenir sur ses gardes, c’est choisir ses repères. Ils ne bougent pas avec les modes qui se suivent et se répètent en changeant de costume. Luc parle de beuveries. On parle aujourd’hui de soirées arrosées.
Le texte de Luc évoque les soucis de la vie. Ils sont inévitables et toujours et partout les mêmes. Il y a l’homme qui, après avoir avalé une soupe de hasard, cherche où passer la nuit et il y a l’homme d’affaires qui cherche la bonne décision pour con-quérir un marché qui va développer sa suprématie.
Dans un monde qui ensemence pour récolter des ruines, nous voilà invités à prendre soin, dans notre quotidien, du germe de vie que Jésus a choisi pour chacun de nous et pour ceux qui nous entourent.

« Dieu vous a fait renaître non pas d’une semence périssable mais d’une semence impérissable, sa parole vivante qui demeure. » (1 P. 1, 23)
« Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais moi connaître ta route. » (Ps. 24)

D. Boëton

1- St Augustin. Psaume 95
– Liturgie des Heures IV p. 307