Fête du Christ Roi de l’Univers – Novembre 2016 –
2 Samuel. 5, 1-3 Colossiens 1,12-20 Luc 23, 35-43
Toujours prêtes à suivre n’importe quel beau parleur, les foules de Palestine avaient été séduites par la parole d’un charpentier, venu de Nazareth et connu sous le nom de Jésus. Estimé dangereux pour la sécurité publique et pour la foi juive, les chefs religieux ont obtenu des Romains qu’il soit crucifié. Ils pensaient ainsi avoir dominé une situation périlleuse.
Une mise à mort en public demande toujours quelques précautions. Qui peut prévoir la réaction d’une foule, surtout à Jérusalem ? Dans la prison, il y avait deux condam-nés qui attendaient leur exécution. Pourquoi ne pas les crucifier en même temps ? La foule n’aura à s’exprimer qu’une fois.
Après coup, on peut penser que crucifier le seul Jésus lui aurait donné de l’importance. Le crucifier avec deux bandits banalise sa mort. C’est un délinquant comme les autres. Dans l’évangile, c’est quand même Jésus qui attire l’attention. « On venait de crucifier Jésus. » La réaction des uns et des autres :
– Les chefs religieux savourent leur victoire. Ils ont sauvé leur pouvoir et Dieu peut être content. « Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! »
– Les soldats ont obéi aux ordres. Une crucifixion ! Ils savent faire ! Avec de bons marteaux et de bons clous, les victimes ne vont pas décrocher. Sûrs d’avoir bien fait leur travail, ils ont l’esprit libre pour plaisanter. « Les soldats aussi se moquaient de lui (…), en disant : « Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même ».
– Le peuple ne se joint ni aux ricanements ni aux moqueries. Fasciné par le spectacle, il est possible qu’il ne pense rien. Peut-être ressent-il inconsciemment qu’il y a des choses qui lui échappent. Si certains se réjouissent de la fin d’une imposture, d’autres restent perplexes. Qui donc est cet homme ? Il a refusé d’être roi après la multiplication des pains. Il a guéri tant de malades et il ne fait rien pour se libérer lui-même !
« Celui-ci est le roi des Juifs ! » – Que fait-il sous cette pancarte ? « Le peuple restait là à observer. »
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Il se peut que les réflexions des deux condamnés exécutés avec Jésus, expriment quelque chose des sentiments brouillés qui traversent la foule. Personne ne s’intéresse à eux, mais tous les deux s’intéressent à Jésus. Ils lui parlent comme s’ils savaient des choses sur lui.
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– Le premier à s’exprimer est comme vexé de mourir à côté d’un homme qui prétend être un sauveur. Dans cette situation grotesque, il a la moquerie caustique : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi, toi-même et nous aussi ! » Cet homme cherche à sauver sa peau.
Jésus ne réagit pas. Il ne crie pas son innocence. Il se tait. Trente ans de sa vie pour en arriver là !
Tous les dimanches d’une année liturgique pour aboutir à cette situation : célébrer un Sauveur crucifié ! Tout çà pour ça !
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– Le deuxième condamné a été le complice de l’autre. Le fait qu’il appelle Jésus par son nom donne à penser qu’il a dans son cœur une certaine relation avec lui. Il dit quelque chose d’inattendu : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. »
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Jésus rompt son silence : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. » Cela veut dire : aujourd’hui, ici et maintenant, j’inaugure mon règne. Parce que tu as fait la vérité sur ce que tu as vécu, parce que tu me fais confiance, tu seras le premier à y entrer.
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Jésus n’a pas établi son règne en versant le sang des autres. Les autres ont versé le sien. Au calvaire, la torture, la moquerie, la haine absolue n’ont pas réussi à déclencher dans son cœur le moindre sentiment de haine, de revanche ou de dépit. Il a encore le cœur libre pour accueillir toute détresse qui se confie à lui.
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La haine qui engendre la haine a tracé son chemin depuis l’origine des temps jusqu’à nous. L’amour absolu de Jésus a tracé le sien depuis la croix jusqu’à nous.
Quand la haine ne trouvera plus aucun cœur humain pour y faire sa demeure, elle fi-nira par s’aplatir bêtement, comme la vague d’une tempête s’épuise sans force sur la plage.
Mis en face de Dieu au moment de notre mort, toutes les occasions d’aimer que nous aurons manquées nous sauteront à la figure. Nous saurons en toute clarté qui nous avons été. Une question nous sera posée : Acceptes-tu ma miséricorde ? Dieu n’a que cela à nous proposer. La réponse appartient à chacun.
Jésus est le roi de ceux qui veulent aimer. Au cœur de la haine qui ravage toujours notre monde, l’Eucharistie rend cet amour du Christ présent à chacune de nos vies pour épuiser nos petites et nos grandes capacités de haine.
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Selon de 2ème livre de Samuel, David est devenu le roi de toutes les tribus d’Israël. Ce fut un moment de gloire… qui ne dura pas. A la fin des temps, Jésus rassemblera, de tous les peuples de la terre, ceux qui auront patiemment essayé de continuer d’aimer dans les situations les plus difficiles.
D. Boëton