Ex 34, 4b 6. 8-9 L’Alliance renouvelée

Pour bien comprendre ce passage reprenons le texte un peu avant, au chapitre 32 :

32, 15 Moïse redescendit de la montagne. Il portait les deux tables de la charte de l’Alliance ; ces tables étaient écrites sur les deux faces ; 16 elles étaient l’œuvre de Dieu, et l’écriture, c’était l’écriture de Dieu, gravée sur ces tables.
17 Josué entendit le bruit et le tumulte du peuple et dit à Moïse :
« Bruits de bataille dans le camp. »
18 Moïse répliqua :
« Ces bruits, ce ne sont pas des chants de victoire ni de défaite ; ce que j’entends, ce sont des cantiques qui se répondent. »
19 Comme il approchait du camp, il aperçut le veau et les danses. Il s’enflamma de colère, il jeta les tables qu’il portait, et les brisa au bas de la montagne. 20 Il se saisit du veau qu’ils avaient fait, le brûla, le réduisit en poussière, qu’il répandit à la surface de l’eau. Et cette eau, il la fit boire aux fils d’Israël.

30 Le lendemain, Moïse dit au peuple :
« Vous avez commis un grand péché. Maintenant, je vais monter vers le Seigneur. Peut-être obtiendrai﷓je la rémission de votre péché. »
31 Moïse retourna vers le Seigneur et lui dit :
« Hélas ! Ce peuple a commis un grand péché : ils se sont fait des dieux en or. 32 Ah, si tu voulais enlever leur péché ! Ou alors, efface﷓moi de ton livre, celui que tu as écrit. »

34 1 Le Seigneur dit à Moïse : « Taille deux tables de pierre, semblables aux premières

4 Moïse tailla deux tables de pierre semblables aux premières. Il se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il emportait es deux tables de pierre.
5 Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là, auprès de Moïse. Il proclama lui-même son nom qui est : LE SEIGNEUR.
6 Il passa devant Moïse et proclama :
« LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et qui fait grâce, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, 7 qui garde sa fidélité jusqu’à la millième génération, supporte faute, transgression et péché, mais ne laisse rien passer, car il punit la faute des pères sur les fils et les petits-fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération. »
8 Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna. 9 Il dit :
« S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la nuque raide ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. »

_Pour bien saisir le sens de la péricope de ce dimanche il est important de lire les versets qui précèdent et faire le lien avec Exode 32 et l’affaire du veau d’or.
Le découpage du lectionnaire laisserait croire que la miséricorde de Dieu est rationnelle, or l’épisode que nous lisons nous dit comment Dieu se fait connaître à Moïse dans le contexte d’un événement précis.
Monloubou dit que ce n’est pas nécessairement le renouvellement de l’Alliance mais une méditation théologico-historique des événements du Sinaï et leur signification de la portée de l’Alliance.
Dans Exode 32 : l’absence de Moïse se prolongeant, le peuple impatient de son absence et des signes de la présence de Dieu s’est façonné un veau d’or, s’inspirant des pratiques des peuples voisins. Tel fut leur besoin de « chosifier Dieu, de mettre leur religion dans des pratiques magiques, sécurisantes ». Ruelle.
La violente réaction de Moïse est à la mesure de l’intensité de sa rencontre avec Dieu sur la montagne. Et cependant la violent intervention de Moïse ne l’empêchera pas de ressentir et de vivre de suite après sa solidarité avec son peuple à la nuque raide. Il se sait lui aussi vulnérable et sa nuque non pas moins raide. Il se ravise pour intercéder auprès de Dieu en faveur de son peuple. Le Seigneur va lui répondre en lui donnant son nom.
Grâce à l’intercession de Moïse, Dieu accepte de ne pas renoncer à son projet et de renouveler l’alliance avec Israël : tel est le sujet de notre chapitre.
En effet, il s’agit bien de renouvellement : les premières tables de pierre ont été brisées, deux tables identiques les remplacent. Comme au ch. 19, Moise sera, au sommet du Sinaï ; le seul témoin de la manifestation de Dieu dans la nuée. Au Décalogue du ch. 20, répondent les commandements d’Ex 34, 14-26 (parfois appelés par la critique le décalogue rituel »).
Ainsi se présente le texte biblique dans son état actuel ; il ne sautait être question ici de retracer l’histoire de ces chapitres et d’attribuer à chacune des grandes traditions anciennes d’Israël les versets qui lui reviennent . D’une part, les critiques sont loin d’avoir abouti à une position suffisamment commune sur ce partage 1 ; d’autre part, la lecture d’Ex 34,4-9 n’exige pas une telle étude.

La proclamation du Nom- Importance du nom dans la Bible.

Dans la bible prononcer le nom de quelqu’un c’est rendre sa puissance actuelle, opérante.
Connaître le nom d’un être surnaturel c’est se le concilier, le faire agir, utiliser sa puissance. Il n’est pas question de tout cela en Israël.
L’absolu de Dieu est sa loi première : l’homme n’a aucun pouvoir sur Dieu et cependant Dieu est proche de l’homme jusqu’à l’intimité. Impossible pour l’homme de connaître le nom de Dieu. L’homme n’appelle pas Dieu, c’est Dieu qui l’appelle en premier : Is 43,1 : « je t’ai appelé par ton nom »

Dieu seul parle bien de Dieu. C’est pourquoi, Israël ne veut pas que sa connaissance de Dieu puisse sembler provenir d’un effort de la réflexion humaine ; Israël veut savoir de Dieu seulement ce qu’il a révélé de lui-même à ses prophètes, en particulier au plus grand d’entre eux, Moise. Le Seigneur lui-même doit donc proclamer à celui-ci son nom authentique, et décliner devant lui les qualités qui donnent au nom de « Seigneur » sa consistance et sa plénitude.

Ex 34 ne s’attarde pas, comme le faisait Ex 19, sur les aspects éclatants de la manifestation de Dieu (éclairs, tonnerre, tremblement de terre, etc.) ; mais ici se trouve développé un élément nouveau : la proclamation par Dieu de son propre nom , qui constitue, ici, l’essentiel de la théophanie. Tout se passe comme si « voir Dieu » (cf. Ex 33, 18-23) consistait non point à être le témoin de phénomènes cosmiques étonnants, mais plutôt à connaître son nom, son vrai nom et à pénétrer dans la signification de ce nom. Quand nous nommons le Dieu d’Israël « Seigneur » (c’est-à-dire « Yahvé »), quelle image dès lors, pouvons nous et devons nous avoir de lui ? Avec quel Dieu faisons nous alliance ?A quel Dieu croyons-nous ? Il faudra attendre le Christ pour connaître le vrai visage de Dieu, de son Père.

Les termes dans lesquels est décrit l’événement semblent empruntés à des cérémonies cultuelles ultérieures qui servant à rappeler, solennellement et publiquement au peuple, l’obligation d’observer la Loi. Pareille cérémonie comportait l’évocation d’une théophanie, la confession de Dieu, la lecture de la Loi et la promesse de la part du peuple de l’observer. De tout cela nous ne trouvons que des traces dans la lecture de ce jour.

Le v. 4b met Moïse en scène en tant qu’intermédiaire. Il est le seul à pouvoir s’approcher de Dieu dans la nuée. Dieu se manifeste en voilant sa présence. La nuée est l’image de la présence cachée de Dieu. Un homme ne peut percevoir de la même façon le Tout Autre et un homme. Aussi, Dieu se fait-il connaître. Moïse ne voit pas Dieu : Dieu est avec lui , dans la nuée, dans l’obscurité et de fait ne peut l’apercevoir. L’auteur ne signale pas seulement sa présence mais il découvre son identité. Une identité qui se dit dans une confession de foi (v .6 et 7)
C’est la théophanie promise : Dieu veut se faire connaître dans ses entrailles maternelles, dans sa miséricorde.
Que ce Dieu prenne l’initiative de passer d’abord devant Moïse, signifie que l’homme n’a pas de prise sur Dieu. On le reconnaît souvent lorsqu’il est déjà passé. Ici, la confession – fait exceptionnel – ne fait pas mémoire des haut-faits de Dieu mais de ses qualités dont, non seulement Israël, mais tous les hommes peuvent bénéficier. Les qualités nommées disent que si l’homme a des obligations à l’égard de Dieu, Celui-ci reste un législateur et un juge plein de miséricorde.
Or ces qualités n’appartiennent pas à l’ordre de la puissance ou de la gloire majestueuse, mais à celui de l’amour. Le nom du « Seigneur renvoie à sa tendresse, à sa miséricorde, à sa patience, à son amour, à sa fidélité. Pour la simple raison qu’il est lui-même, le Seigneur peut aimer celui qui n’a rien fait pour mériter cet amour ou en être digne, venir à l’aide de celui qui crie au secours, supporter patiemment les révoltes sans déclencher instantanément les foudres de sa colère.

Notre péricope se termine par une prière(v9). Moïse n’est pas simplement un intermédiaire qui révèle le visage de Dieu au peuple mais également celui qui veille à la sauvegarde de l’Alliance entre Dieu et Israël. Dieu et le peuple doivent se réconcilier après l’apostasie au pied du Sinaï. Moïse fait appel à la bienveillante miséricorde de Dieu, comme pour éprouver le bien-fondé de ce qui a été dit de Lui lors de la confession de foi.
Le Dieu de Moïse n’est pas Celui de la théologie, mais un Dieu se révélant dans l’événement et le vécu de son peuple. Les fils d’Israël, impatients de l’absence prolongée de Moïse dans la solitude du Sinaï et impatients d’un Dieu qui ne se montre pas, se sont façonné le veau d’or. Après un premier mouvement d’humeur, Moïse déçu, se fait solidaire de ce peuple (« à la nuque raide ») il se tourne vers Dieu et intercède en faveur des siens. Dans sa réponse, Dieu révèle en même temps son identité et qui nous sommes sous son regard.
Ainsi découpée, la péricope liturgique laisse à désirer pour sa compréhension. Il faudrait peut-être lire au moins lire : Exode 32/15.19-20.30-32 ; 34/1.4-8.
Mais le texte ne s’arrête pas là ; le v.7 – supprimé dans le lectionnaire de ce dimanche poursuit : « Il garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché, mais ne laisse rien impuni et châtie là faute des pères sur les enfants et les petits enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération ». Cet aspect aussi appartient à l’image de dieu même si nous en sommes choqués à première vue.
Dieu est amour ; mais son amour est une passion forte (la Bible parle de la « jalousie de Dieu) qui peut se manifester dans la colère, quand on pousse la patience à bout. Il n’est pas un amoureux naïf qui se laisse tour à tour tromper puis flatter ; il n’appelle pas « mal » le bien, ni « bien » le mal. Un ,jour ou l’autre, les hommes doivent payer leur paresse, leur égoïsme , leur imprévoyance, fût-ce après plusieurs générations, car ceux qui sentent des germes empoisonnés n’en mangent pas forcément les fruits vénéneux … La Bible ne nous donne pas une image idéalisée, ni tranquillisante de Dieu, mais courageuse, afin que nous puissions le nommer dans toutes les circonstances de l’existence.
Mais on remarquera aussi que le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure> (Rm 5,15). En effet, si la colère de Dieu se manifeste visiblement quand les conséquences du péché accablent trois ou quatre générations humaines, il faut comprendre ces chiffres comme limitatifs. Le dernier mot devra toujours revenir à l’amour et au pardon, puisque Dieu est fidèle à ses promesses de grâce pour des « milliers » de générations. La colère a son temps, mais elle n’a qu’un temps.