Dans une société devenue incertaine, des entreprises spécialisées cherchent régulièrement à répertorier les soucis prioritaires des Français. Imaginons par ordre alphabétique une liste de ces soucis : l’emploi, les jeunes, le logement, le pouvoir d’achat, la retraite, la santé, la sécurité.  Le magasin des soucis est bien achalandé.
Il était une fois un enquêteur qui s’entendit répondre : « Mon premier souci est d’être heureux, autrement dit de parvenir à la sainteté ! » L’enquêteur déstabilisé s’affola : ni le bonheur ni la sainteté n’étaient sur sa liste !

 

Alors, faut-il encore célébrer la Toussaint ? La réponse explose : « Oui, bien sûr ! C’est un jour de congé ! » Et les fleuristes enchainent qu’ils ont beaucoup travaillé pour proposer aux passants, à l’entrée du cimetière, les chrysanthèmes traditionnels.

Dans cette ambiance étrange, célébrer la Toussaint pour l’Eglise, c’est lire l’Evangile dans des vies concrètes. C’est surtout célébrer la miséricorde inépuisable de Dieu.
En effet, quiconque se présente devant Dieu à la fin de son séjour sur la terre découvre le vrai de sa vie : une salade de choses bonnes et moins bonnes. Quelque soit la noirceur d’une vie, Dieu n’est pas pris au dépourvu. Il n’a qu’une question à nous poser : acceptes-tu ma miséricorde ? De notre réponse dépend la qualité de notre éternité.
Si ce qu’on appelle l’enfer, c’est la haine de soi et la haine des autres à perpétuité, ce qu’on appelle le paradis, c’est l’amour des autres et l’amour de soi. Cet amour a sa source en Dieu qui ne sait faire qu’une chose : aimer en respectant notre liberté.

Dans la succession des jours, l’Eglise met en lumière tel ou tel qui a eu une influence déterminante à telle ou telle époque. Mais tous les ans, il y a une fête pour les anonymes, ceux dont l’Histoire des hommes n’a pas retenu le nom. C’est la fête des membres de nos familles, des personnes que la vie nous a fait rencontrer. Elles ont contribué à notre formation et nous ont aidés à découvrir Jésus Christ.
Et c’est la fête de ceux qui, sans avoir entendu parler de Jésus, ont eu le souci d’aider les autres en difficulté sans attendre quoi que ce soit en retour. Pas une goutte de service gratuit ne sera oubliée.

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Alors que, dans notre monde, tout projet s’élabore avec un chèque en fin de parcours, le paradis, c’est le royaume de la gratuité. Personne ne domine par l’argent ou le goût du pouvoir. Personne n’est jaloux. Chacun est heureux d’être devenu ce qu’il devait devenir. Les épreuves de la vie, plus ou moins bien supportées, avaient un sens.

Pour annoncer les Béatitudes, Jésus n’a pas sélectionné son auditoire. Il s’adresse à la foule disparate qui se trouve là. En l’écoutant, on perçoit que la société dans laquelle il vivait ressemble à la nôtre. Jésus s’adresse à des gens affectés par les avaries qui se répètent à travers les siècles. Aucune technique n’a pu les supprimer.

Il y avait au temps de Jésus…
* des gens qui ne pensaient qu’à s’enrichir et à se faire valoir. Réajustement : Heureux ceux qui se contentent du nécessaire, et ne se soucient pas de briller dans le cercle de leurs relations.
* Il y avait des gens effondrés par des épreuves inimaginables. Réajustement : Ceux qui sont détruits par les épreuves ont encore un avenir.
* Il y avait des gens qui s’imposaient par la violence. Réajustement : Heureux les doux ! Ils maitriseront les brutes.
* Il y avait des spécialistes pour fausser légalement le pourquoi de la loi. Réajustement :  Ceux qui se battent pour la justice ne se trompent pas de combat.
* Il y avait des gens qui répondaient à la violence par la violence. Réajustement : Heureux ceux qui ne se vengent pas. Ils seront eux-mêmes pardonnés.
* Il y avait des gens qui vivaient dans la débauche, et l’ambigüité. Réajustement : Heureux ceux qui se respectent et vivent dans la clarté.
* Il y avait des gens qui attisaient les conflits pour s’enrichir personnellement. Réajustement : Heureux les artisans de paix. Ils ressemblent à Dieu.
* Il y avait des gens prêts à supprimer, par n’importe quel moyen, quiconque se déclare fidèle à Jésus. Réajustement : « Soyez dans l’allégresse. Votre récompense sera grande dans les cieux.

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Le discours de Jésus était et est toujours risqué. Qui osera le suivre ? Il a été suivi, nous dit l’apocalypse, par une foule immense que nul ne pouvait dénombrer. Il nous revient de rejoindre ou non cette foule.
Je conclus avec la prière après la communion : « Dieu, quand tu nous auras sanctifiés dans la plénitude de ton amour, fais nous passer de cette table où tu nous as reçus en pèlerins au banquet préparé dans ta maison. »
D. Boëton