1ère lecture : Lévitique 13, 1-2.45-46

13, 1 Le Seigneur parla à Moïse et à son frère Aaron, et leur dit :
2. Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule qui soit une tache de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou à l’un des prêtres ses fils.
45. Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : ‘Impur ! Impur !’
46. Tant qu’il gardera cette tâche, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp.

A propos de la 1ère lecture :

La lèpre autrefois et encore aujourd’hui était classée dans les maladies contagieuses. Elle mettait le malade dans un état d’impureté qui rendait tout contact impossible avec le sacré et avec toute personne. Nous connaissons aujourd’hui ce que veut dire « maladie contagieuse » dont personne n’en est à l’abri.

Cette péricope nous choque, et à juste titre : Comment Dieu peut-il demander à Moïse d’exclure du peuple choisi par lui-même toute personne atteinte de cette maladie contagieuse ? Mais à la maladie s’ajoute encore l’interdit religieux : le lépreux regardé comme frappé d’une malédiction divine est atteint d’une impureté rituelle. Il était condamné à errer çà et là. Le lépreux est un mort en sursis, fuyant la société et exclu d’elle.

Essayons de saisir la portée spirituelle de cette parole. Nous le savons dans le domaine de la foi la moindre tache, le moindre péché, manque d’amour, de charité crée une rupture, une mise à l’écart. : nous nous mettons à l’écart et les autres par le fait même eux aussi nous tiennent à l’écart.

On ne pourra en être guéri que par miracle. Il faudra attendre le Christ pour nous révéler comment Dieu guérit ce mal dont chacun de nous est atteint et qui nous fait vivre loin les uns des autres.

La lèpre a pris de nouveaux noms : le sida, le chômage, les prisons, les étrangers, les pays de la faim, les personnes abandonnées, les sans domiciles, les sans travail, sans famille, et tous les marginaux : que d’exclusions et d’exclus dans notre société ! et les préjugés tenaces entretiennent et secrètent de nouveaux exclus.

Ce qui nous fait peur dans ces personnes atteintes par ces souffrances et maladies : c’est de nous même que nous avons peur face au pauvre qui nous interpelle, nous renvoie à nous-même et nous demande un geste d’amour.

Reconnaître ma lèpre sera la condition pour nous laisser toucher par Jésus.

2e lecture : I Corinthiens 10, 31 – 11, 1

1 Cor 10, 31-11, 1 Conflit de la liberté et de la charité

31 Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.
32 Ne donnez scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l’église de Dieu,
33 tout comme moi je m’efforce de plaire en tout à tous, ne recherchant pas mon propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.
11, 1. Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ.
2 Je vous félicite de ce qu’en toutes choses vous vous souvenez de moi et gardez les traditions comme je vous les ai transmis.

A propos de cette lecture.

Paul avait à résoudre un cas de conscience 1 Co 8,1 : les sacrifices païens étant très nombreux et les viandes immolées aux idoles étant vendues à bon compte ou même distribuées gratuitement, les chrétiens avaient-ils le droit de manger ces viandes appelées, « les idolothytes » !

Paul va proclamer la liberté du choix selon la conscience personnelle et le respect de l’amour de l’autre : en effet, manger de cette viande, peut choquer des disciples en faisant des concessions par charité, alors que d’autres peuvent être scandalisés. L’essentiel pour Paul est de s’adapter à tout le monde, de se faire tout à tous afin que la gloire de Dieu soit manifestée. Face à la bonne nouvelle de l’Amour de Dieu, tout doit être vécu sous cet aspect et la liberté n’a de sens que si elle est vécue en vue du bien de l’autre et dans son plus grand respect.  Ce qui fait dire à Paul : « tout est permis mais tout ne convient pas ». Tout est permis mais tout ne construit pas la communauté. Dans ce passage nous pouvons discerner trois thèmes et des critères pour éclairer les consciences chrétiennes.

  1. Tout faire pour la gloire de Dieu : le culte à rendre à Dieu dans et par toute la vie. Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu et quoi que vous fassiez, tenez compte des autres, de leur bien, du bien général. Faites passer vos préférences personnelles, après le souci des autres. Il ne faut pas scandaliser pour le plaisir de scandaliser. L’intégrisme religieux, qui provoque des blocages, aussi bien que la permissivité jusqu’à la licence, sont des sources de discorde et ne font qu’empêcher des communautés à se construire.

Les choses n’ont pas changé, il y a conflit entre ceux qui sont « ouverts » et ceux qui sont « fermés ».

« Les « ouverts » sont ceux qui connaissent la nouveauté du Christianisme, ils se laissent entraîner par l’Esprit et savent que le Christ a apporté la liberté ».

Une liberté qui supprime toute forme de superstition, de sacralisation. Pour le croyant toute nourriture est pure, toute espèce de rite sacrificiel païen ne peut la transformer ni rien ajouter, aussi Paul peut dire au verset 31 : « que vous mangiez que vous buviez faites tout pour la gloire de Dieu ».

La norme est désormais de tout faire pour la Gloire de Dieu.

  1. La charité doit être plus forte pour sauver également les plus faibles.

V 32 : « ne soyez un achoppement pour personne » . L’attitude de Paul relève d’un principe général : l’Évangile nous libère, mais nous oblige dans le même temps à devenir esclave de tous pour les gagner au Christ.

Il propose qu’on se règle sur sa conduite : il se soumet, si c’est nécessaire, à des pratiques dépassées « afin de convaincre plus facilement ceux qui vivent dans la terreur de l’enfreindre. On voit la souplesse de Paul : tout en proclamant la liberté il fait des concessions aux préjugés » Comblin

  1. Comment concilier les deux manières qui s’opposent nécessairement et sont à l’origine de conflits au sein de la communauté ? Paul ne croit pas nécessaire de choquer mais il a un grand respect de la conscience de chacun, aussi bien de ceux qui sont ouverts que de ceux qui sont fermés. Il est réellement libre, mais c’est librement qu’il renonce à profiter de sa liberté lorsqu’il y va de l’évangélisation des faibles. Il recherche avant tout le bien de tous au risque de limiter sa propre liberté. La charité ne détruit pas la liberté mais la déborde : la liberté est sollicitée au nom de la charité. Il reste le dernier verset de ce texte qui peut étonner et paraître prétentieux. Pour qui Paul se prend-il ? « Soyez mes imitateurs ». Pour être moins choquant ne peut-on pas traduire : « inspirez-vous de mon témoignage, tout comme moi aussi, je m’inspire de celui du Christ » ? L’apôtre, qui s’est lui-même affranchi du rigorisme pharisien, invite ses correspondants à l’imiter. Non pas tellement ni seulement dans son agir mais dans sa passion pour le Christ et sa soif de l’imiter. On ne peut bien comprendre Paul qu’en l’entendant dire : « mon modèle à moi c’est le Christ » le Christ qu’il connaît aussi bien crucifié que dans la gloire.

Évangile : Marc 1, 40-45

40. Un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
41. Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit : « Je le veux, sois purifié. »
42. A l’instant, la lèpre le quitta et il fut purifié.
43 S’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt.
44. Il lui dit : « Garde toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit ils auront là un témoignage. »
45. Mais une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle, si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais qu’il restait dehors en des endroits déserts. Et l’on venait à lui de toute part.

Avons-nous imaginé que nous pourrions nous aussi être lépreux ?

Il ne s’en faut pas tant, sans être lépreux nous pourrions du jour au lendemain, touchés par le virus qui rode nous retrouver à l’hôpital, isolé, sans aucune visite possible durant des semaines et des mois, et connaître une sorte d’exclusion et peut-être quitter nos proches sans les avoir revus. Il ne faut pas se faire peur comme on le voudrait mais nous mettre à la place de ce que peut vivre un lépreux.

La lèpre depuis le temps de Moïse fut classée dans les maladies contagieuses. Elle mettait le malade dans un état d’impureté qui rendait tout contact impossible avec le sacré et avec toute personne

« Tout homme qui sera atteint de la lèpre non seulement sera considéré comme impur mais il vivra en marge de la communauté, en dehors de celle-ci, il en sera exclu ». Il ne pourra plus avoir aucun contact avec les membres de sa famille même les plus proches.

Deux points redisent la Bonne Nouvelle. Jésus est secoué d’un frémissement intérieur. Il est secoué de colère. Secoué de colère de se trouver devant un homme exclu pas sa communauté. Non seulement il le guérit pour qu’il puisse réintégrer la communauté mais en touchant le lépreux Jésus devient lépreux avec cet homme et Jésus devrait être lui aussi exclu de la société juive. Il le sera à la croix. C’est à ce moment précis où Jésus touche le lépreux que celui-ci est guéri. Le Christ se fait lui-même « impur pour guérir tous ceux qui ont besoin de purification.

La guérison que Jésus vient d’opérer est un signe, il est venu guérir et sauver le cœur de l’homme, de tous les hommes de ce fameux mal qui les ronge et dont la lèpre n’est que la figure. Il guérit le lépreux pour le libérer de l’exclusion qui le frappait durement et l’intégrer au cœur de ses concitoyens. On imagine que ce ne fut pas aussi facile d’intégrer l’ancien lépreux au milieu d’eux. Jésus brise le cercle : il affronte le mal, il brise le tabou qui l’entoure. Non seulement il accueille le malade mais il guérit en prenant son mal. Au-delà de cette guérison Jésus veut casser tout système d’exclusion quel qu’il soit et aussi motivable soit-il afin que tout homme soit reconnu à sa vraie valeur de fils de Dieu et non pas en fonction de son niveau social : Jésus met en route le rassemblement de tous les hommes dans le cœur de Dieu : une réalité qui est en chemin que tout homme puisse être intégré, réintégré dans la société, le peuple de Dieu.

La Loi Nouvelle qu’il apporte : celle de l’Amour : les malheureux, les pécheurs, ne peuvent plus irrémédiablement être condamnés, marginalisés. En nous montrant le chemin de la réintégration Jésus ose se laisser approcher, toucher par ceux que la société rejette et il les guérit.

Le vrai sens de ce qu’il fait pour ce lépreux et tous ceux qui sont atteint d’un mal semblable, ne sera compris qu’à la croix, lorsque exclu à son tour il meurt et prend sur lui tout le mal et tous les péchés du monde : l’Agneau de Dieu….

Ce qui nous fait peur dans ces personnes atteintes par ces souffrances et maladies : C’est de nous même que nous avons peur face au pauvre qui nous interpelle, nous renvoie à nous-même et nous demande un geste d’amour.

La lèpre n’est pas une affaire de tache sur la peau, mais un cœur blessé que Dieu seul désire et peut guérir si nous le voulons et le lui demandons.