A propos des textes
Apocalypse 7, 2-4, 9-14
Jean a vu la victoire de cette foule immense qu’on ne peut compter, des gens de toute langue, peuples, nations qui portent des palmes, ils célèbrent dans le ciel devant le Trône de l’Agneau la fête des tentes. Ils rendent gloire à Dieu de leur avoir donné le salut qui vient de lui, de l’Agneau, et de son sang versé.
L’apocalypse donne à Jésus le titre de Témoin c.à.d. de « martyr » : Jésus est le témoin authentique et véridique de l’amour de Dieu. Chrétiens qui marchent à la suite de Jésus nous sommes tout simplement appelés témoins de Jésus, appelés à passer par le même chemin que lui.
Nos communautés, au-delà de leurs différences, sont déjà l’annonce du rassemblement du peuple de Dieu à la fin de temps.
A propos de la 2e lecture :
1 Jean 3,1-3
Nous avons ici un texte fondamental du Nouveau Testament, tellement que Jean Lui-même en est tout émerveillé. Il est comme incapable de s’exprimer et de décrire alors il nous invite à voir par nous-même. L’expérience de Dieu, de son amour, personne d’autre ne peut le faire à notre place. Laissons-nous entraîner et suivre Jean, essayons de voir ce qu’il veut bien nous dire, à quoi il nous invite.
L’appel que Dieu nous adresse est constamment considéré dans l’Écriture comme étant tout à fait effectif ; mais sur ce point, Jean ne laisse subsister aucun doute. Nous ne sommes pas, seulement appelés enfants de Dieu, nous le sommes réellement. C’est quelque chose de tellement fort qu’il en résulte que le monde ne nous connaît pas, le monde ne peut pas imaginer de quoi il s’agit. L’idée que le monde a et celle que le Christianisme a sont deux choses incompatibles revient fréquemment dans les écrits de Jean.
Est-il possible qu’en tant qu’enfant de Dieu je sois tout à fait à l’aise dans le monde ? Un sociologue contemporain écrit : « Dans ce monde où toutes les relations sont fonctionnelles, où tout est régi par la technique, il devient absolument anachronique, démodé de célébrer à la messe du dimanche un Dieu personnel. Cela n’est pas dans le ton de la vie de la semaine. Cela étonne par rapport au monde habituel des relations ».
Certes, nous sommes enfants de Dieu mais comme le dit encore Jean, que ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous avons à vivre et à assumer tous les jours le fait d’être enfant de Dieu. Luther priait chaque jour : « O Dieu, donne-moi le courage aujourd’hui d’assumer mon baptême ». Nous avons à devenir ce que nous sommes. Devenir enfant de Dieu n’est pas avant tout un titre de gloire, c’est un appel quotidien, mais une exigence de notre vocation chrétienne. Au dernier jour, « lorsqu’il paraîtra », nous découvrirons en nous les traits de son visage. Nous serons comme Jésus, son Fils Bien-Aimé. Et ce sera encore cadeau de sa part.
Si Jean a vu le salut réalisé dans sa vision du triomphe des saints, il nous dit que ce que nous serons n’est pas encore pleinement réalisé mais en cours de réalisation et sur quoi nous pouvons nous appuyer, comment il se réalise en nous. Le salut nous dit Jean c’est l’amour dont le Père nous comble : « Voyez quel amour le Père nous a donné, puisque nous sommes appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes ». Voilà qu’en peu de mots Jean nous dit beaucoup de choses : il nous plonge dans la profondeur de ce que nous sommes en réalité, dans notre vie de baptisé.
« Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don ». Le Dieu de la Bible est un Dieu qui donne, un Dieu qui fait grâce. Dieu n’est que gratuité, un Dieu qui ne cesse de nouer une relation qu’il désire sans cesse nouvelle.
Le salut c’est la relation toujours possible entre Dieu et l’homme, entre l’homme et Dieu, une relation toujours renouvelée dans le pardon. Une relation filiale : nous ne sommes pas seulement appelés enfants de Dieu, nous le sommes en vérité. C’est cette relation filiale avec Dieu de tous ces femmes et ces hommes arrivés à leur plein épanouissement, dans la gloire de Dieu, que l’Église fête et que vivent les saints
Matthieu 5, 1-12a
Avant de prononcer ces béatitudes Jésus les avait vécues, il les connaissait de l’intérieur pour les avoir pratiquées quotidiennement. Les béatitudes ne sont pas une simple prédication mais la conviction profonde de Jésus, qui trouvait en toute circonstance occasion d’être heureux du bonheur que Dieu lui offrait.
Conviction de Jésus mais aussi appel de Jésus à vivre à sa suite, comme lui les béatitudes. Notre assurance c’est que lui, les a vécues…Avant de les prononcer il les avait vécues : c’est sans doute la force des béatitudes.
Les béatitudes c’est le bonheur de Jésus, celui qu’il a vécu et qui a comblé toute sa vie et tous les événements. On peut le reconnaître à chacune.
Ces béatitudes nous disent quelque chose de Dieu, non pas théorique mais vécu, incarné dans la vie du Christ et de ses disciples à sa suite.
Ce sont les richesses cachées de Dieu qui nous sont ainsi révélées, le bonheur de Dieu qui éclate d’une manière étonnante en la personne de Jésus.
Ce sont des valeurs, les valeurs de Dieu : ce qu’i dit est d’autant plus important que l’expression employée par Mt « il ouvre la bouche » signifie l’importance, la solennité de la déclaration qu’il va faire.
Heureux, heureux, qui est repris par six fois. Jésus nous révèle le secret de son Père qui est en même temps le projet de son Père pour nous et que Jésus a vécu lui-même : c’est le projet des enfants de Dieu : Dieu a créé l’homme pour le bonheur. Justement pas un bonheur facile, au rabais, dans l’acquisition de richesses, d’objets ou recherche de soi, mais un bonheur qui rejoint l’homme dans ses aspirations les plus profondes.
Le bonheur tel que Jésus l’a vécu : heureux les pauvres : Christ né dans une étable, ouvrier à Nazareth, sur les routes de Palestine n’ayant comme il ne dit pas une pierre où reposer la tête. Sa seule richesse l’amour de son Père et sa passion d’annoncer la venue du Royaume tendu vers son retour à Jérusalem pour y vivre sa Pâque.
Le bonheur de Dieu déconcerte et est en radicale opposition au bonheur que promet le monde. Ce sont des valeurs d’éternité capables de combler nos aspirations les plus profondes et ne déçoivent jamais.
Curieusement le sujet n’en est pas la sainteté mais le bonheur, la béatitude. Et il y est question de bonheur ici-bas. Les béatitudes expriment en effet la joie qu’éprouva Jésus en Galilée devant celles et ceux qu’il a « vus » heureux. Et il a vu deux catégories d’heureux. D’abord celles et ceux qui vivent des situations pénibles : les pauvres, les méprisés, les affligés. Ce qui les rend heureux ce ne sont évidemment pas leurs malheurs, comme on ne l’a que trop prêché, mais le fait que pour s’en sortir, ils sont poussés à faire appel à autrui, à Dieu. Ils ne sont pas meilleurs que les riches mais leur vie leur donne plus qu’aux autres de constater que pour être heureux il est bon d’avoir de vrais amis. En d’autres mots, comme le dit Jésus, ils sont déjà dans le Royaume des Cieux, c’est-à-dire proches de Dieu.
Il y a ensuite, c’est la deuxième catégorie, celles et ceux qui sont heureux déjà en ce monde ci, les uns parce que leur cœur les pousse à aller vers ceux qui souffrent, d’autres parce qu’on peut compter sur eux (les « cœurs purs »), d’autres encore parce qu’ils sèment la paix, envers et contre tout, jusqu’au martyr. Comme le montre si bien le film récent « Des dieux et des hommes ». Eux non plus ne sont pas meilleurs que les autres, le film le montre bien, mais tout naturellement ils se font proches de celles et ceux qui souffrent. Du coup, ils sont proches de Dieu. Eux aussi sont déjà dans le Royaume.