En référence  : au 2e livre des Rois 4, 8-11.14-16a
de la lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 6, 3-4.8-11
et de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 37-42

Élisée est le fils spirituel d’Elie. Il a demandé à Elie le « double de son esprit » qui de fait repose sur lui et s’est manifesté à plusieurs reprises.

Mais Élisée fidèle à son maître ne manque pas de dénoncer les exactions des grands du Royaume de Samarie. Il est traqué et vit comme un nomade, « une sorte de réfugié politique » vivant hors des frontières d’Israël.

Il est en recherche d’hospitalité. Le Seigneur le fait passer par Sunam, une ville à quarante kilomètres au nord de Samarie.

L’hospitalité envers l’étranger est pratique courante en Orient.

L’originalité de l’accueil qu’il reçoit à Sunam vient de ce que la Shunamite est grande Dame et que l’homme de Dieu est regardé normalement comme appartenant à l’ennemi. Pourtant, cette femme reconnaît en lui un inspiré, un homme de Dieu. C’est, pour elle, faire preuve d’une liberté peu courante en prenant le risque de l’accueillir.

Même si le texte nous parle de la récompense faite à l’hospitalité, il nous faut en chercher plus loin la signification. Il ne s’agit pas tellement de l’hospitalité à l’égard de la personne du prophète, mais à l’égard de ce que signifie sa personne. Le prophète est celui qui remet en mémoire les paroles de Dieu qui donne des indications pour la vie et la vie en commun. Écouter la parole de Dieu porte des fruits. La femme qui donne une chambre à Élisée et son serviteur est en quelque sorte celle qui donne une tente à celui qui est la « Parole » qui vient vivre parmi les humains. Elle donne gratuitement, elle ne demande pas de récompense pour son hospitalité. Il s’agit pour elle de donner hospitalité à la Parole. Elle reçoit du coup la bénédiction de cette Parole. Ce qui lui semble impossible devient réalité. Elle devient enceinte et met au monde un fils. La Bonne Nouvelle de ce récit, c’est que la Parole de Dieu peut faire des merveilles et créer une vie nouvelle.

St Paul nous parle clairement : Le baptême est le moment décisif dans l’existence du croyant. Il est comme une immersion, un engloutissement dans le Christ. Cela veut dire une mort au péché et une résurrection avec le Christ.

Le baptême est un point de départ, une toute nouvelle vie guidée par l’Esprit qui l’inspire. Alors commence une libération progressive de manière à aller à l’essentiel, à vivre pleinement l’Évangile.

Par le baptême, nous sommes immergés dans la vie même de Dieu. Paul nous rappelle que par le rite baptismal notre existence chrétienne est appelée à participer à la mort du Seigneur, dans l’espérance de sa venue. Or, faute de sens, le rite n’a guère de prise sur notre existence personnelle de baptisés. Notre plongée dans les eaux baptismales est l’image de notre ensevelissement avec Christ. Nous sommes assimilés au mystère de sa mort et de son abnégation pour être assimilés à sa résurrection. Une telle conception du baptême qui nous associe au Mystère Pascal du Christ est, depuis bien des générations, absente de nos perspectives.

Le baptisé est libéré du péché par le Christ : pour vivre cette liberté Christ nous emmène à sa suite dans la grande lutte contre le péché et toutes formes de mal. Paul ne dit pas que le péché est devenu inoffensif, mais il dit que le baptisé est libéré de la puissance du péché. Le baptisé est apte à affronter le péché qui désormais n’est plus le tout puissant en nous.

La dynamique est bien celle du baptême : il s’agit de mourir à soi, à ses revendications égoïstes pour donner en toutes choses la priorité au Christ. : c’est une toute nouvelle manière de vivre où l’Évangile est premier, il passe avant les liens familiaux.

Le moine, comme tout chrétien d’ailleurs, ne fait rien d’autre que de répondre au mieux à sa vie de baptisé et de suivre le Christ Jésus au plus près, dans une fidélité le plus grand possible à son Esprit et dans un don qui se veut total et sans retour.

St Benoît recommande à ses moines de ne rien préférer à l’amour du Christ c’est à dire mettre Dieu à la première place. Ne rien placer au-dessus de l’Amour du Christ, source de tout amour et de toute fécondité dans notre vie. Ce qui présuppose d’accueillir le Christ à la première place chez nous.

La vie nouvelle procurée par le baptême signifie vivre sous la mouvance de l’Esprit de Jésus : qui nous affranchit de la loi du péché et de la mort.

Elle est une vie de liberté, pas n’importe quelle liberté mais liberté de l’Amour régie par la loi de l’Esprit. C’est bien la liberté des fils de Dieu

Dans l’Évangile Jésus s’exprime avec toute la rudesse des prophètes. Jésus donne un ordre de préférence pour ajuster nos choix, une échelle de valeur en vue de nous aider à mesurer la qualité de nos vies.

Ça ne correspond pas, bien sûr, à l’échelle en usage dans le monde où règne en maître le bon sens, les droits acquis, les priorités, les privilèges, les places…les premières de préférence.

« Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi »

« Celui qui aime son fils et sa fille plus que moi n’est pas digne de moi »

« Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi »

« Qui a trouvé sa vie la perdra ».

Pour être digne de Jésus, il faut prendre sa croix, cad accepter la mise en question de certaines évidences, le renversement de certaines sécurités.

Pour nous sauver Jésus s’est perdu sur la croix.

Que veut dire Jésus ? Nos parents il s’agit de cesser d’en dépendre mais non de cesser de les aimer, il s’agit de même de notre propre vie : il s’agit de cesser de la retenir égoïstement, de cesser d’être le centre du monde mais non de cesser de l’aimer. Il faut bien reconnaître que nous sommes sans cesse tiraillé entre mon moi qui instinctivement ramène tout à soi et l’Esprit qui m’habite qui m’invite à vivre l’Évangile, la suite de Jésus dans l’accueil, l’amour, le partage, l’écoute…

Alors comment être digne de Jésus ?

C’est en se déterminant, en choisissant, décidant de vivre à la suite de Jésus, comme Jésus et donc que notre vie fera de nous inévitablement des signes de contradiction.

Il ne s’agit pas seulement de choisir une religion d’amour en opposition à une religion faite de lois et d’interdits, ou de choisir une relation à Dieu supérieure à celles des scribes et pharisiens.

Il s’agit de choisir Jésus et de le préférer à tout, à ses affections les plus chères et même à sa propre vie à tout qui veut suivre le Christ, tous ceux et celles – homme ou femme – qui aura trouvé sa vie – un sens à sa vie – à son école, il aura à la risquer, jusqu’à la perdre pour la trouver !

L’Évangile demeure une puissance de contestation et même si on ne se fait pas descendre à coup de mitraillettes on risque de se faire descendre à coups de langue ou à coups d’indifférence qui neutralise tout simplement notre témoignage. Il suffit de voir combien notre pape François est critiqué à l’intérieur de l’Église même, par ses proches : ses choix qu’il veut les plus fidèles à l’Évangile dérangent.

Les expressions de Jésus, fortes, dérangent, elles aussi :  s’attacher à …plus qu’à moi, et elles visent les relations humaines les plus privilégiées : père, mère, fils, fille. Ces relations sont à regarder au regard de notre attachement à Jésus Christ. La récompense : la découverte du Seigneur présent dans chaque circonstance, dans chaque homme ou femme rencontrés, la joie, la paix, la plénitude d’un verre d’eau donné par amour.

Si Jésus nous invite à accueillir et à le faire jusqu’au bout ça n’a pas été sans problèmes pour les familles et les communautés. Et on imagine aisément les conflits familiaux, les tensions entre tradition et nouveauté, autorité et liberté, rigidité des dogmes et souplesse des adaptations.

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ».

Pas facile d’accueillir Jésus Christ dans sa vie, de se mettre au diapason de la sienne, de se laisser transformer par son esprit.

Pas confortable d’aimer comme il a aimé son Père des cieux et sa famille de la terre, ses amis et ses ennemis, des disciples et ses contradicteurs.

Finalement une qualité d’amour telle que disparaissent toutes les concurrences, les comparaisons, les différences que nous établissons entre l’attachement à Dieu et ceux qui nous lient aux êtres de chair et d’os.

Après toutes ces exigences qui nous dépassent, Jésus termine par une sorte de tendresse, de noblesse sur « un simple verre d’eau fraîche » donné à un petit gratuitement. Ainsi nous commençons à suivre le Christ.

Celui qui accueille l’éternel vivant est lui-même accueilli et habité par celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Alors les autres apparaissent inséparables de l’Autre. Les lois de l’hospitalité se hissent au niveau de la foi, la politesse éclate en charité imaginative, la curiosité se fait écoute respectueuse et attention. Le chrétien, le croyant a ainsi pour autrui les yeux et le cœur de Dieu, du Christ prêt à proposer un verre d’eau à l’un de ces petits.