Is 61,1-2a,10-11

Pour bien comprendre l’oracle d’Isaïe il est important de le lire dans le contexte historique du prophète mais aussi dans la perspective de l’ère nouvelle que le Christ va inaugurer au début de sa vie publique et dans son couronnement lorsque le Seigneur reviendra.

Aujourd’hui, nous sommes dans ce qu’on appelle le 3ième Isaïe rédigé dans la période après le retour d’exil à Babylone. Changement de ton et de situations : les rescapés de l’exil ont retrouvé Jérusalem dont il va falloir relever les ruines. Mais il faudra surtout restaurer l’unité entre le petit reste revenu au pays et ceux qui y sont restés durant la longue déportation.   Il y a d’une part cette population enlisée dans le culte des idoles et d’autre part le zèle des rapatriés que les premiers comprennent mal. D’où les difficultés naissantes tant dans le domaine religieux que dans les rapports sociaux. « Ils découvrent qu’il existe dans leurs vies- comme dans les nôtres- d’autres prisons, d’autres chaînes moins matérielles mais tout aussi oppressantes. Car au pays on ne les attendait pas vraiment. Et on leur a mis tous les bâtons possibles dans les roues pour les empêcher de reconstruire le temple »

L’enthousiasme des rapatriés se heurte à un grand désenchantement, surtout par rapport aux promesses reçues. Une véritable crise d’espérance surgit. A tous les propos défaitistes, le prophète l’oppose inaltérable fidélité de Dieu à sa Parole. Il authentifie sa mission réconciliatrice : Il est l’envoyé du Seigneur pour annoncer la Bonne Nouvelle de la tendresse de Dieu à l’égard des humbles et des pauvres, sa proximité et la bonne nouvelle qu’il vient annoncer aux pauvres et guérir les cœurs brisés, remettre debout et sauver ce qui était perdu …redonner l’espérance au cœur du monde.

Le prophète authentifie sa mission réconciliatrice : Dieu lui insuffle son Esprit, faisant de lui un homme consacré par l’onction pour une mission.

Le prophète annonce que l’oint du Seigneur est envoyé par Dieu annoncer une bonne nouvelle pour les pauvres et proclamer une année de bienfaits de la part du Seigneur. Ce texte nous fait penser à la proclamation de Jésus à la synagogue de Nazareth et proclamant que le temps est arrivé, que Dieu va intervenir, et c’est en lui que l’Écriture s’accomplit.

Le prophète répond à ce « comment ?». Selon lui, l’avenir advient simplement « comme la terre qui fait germer ses germes et un jardin germer ses semences » (v.11). Donc rien de spectaculaire. Pas de réalisations extraordinaires dues à des hommes extraordinaires. Des hommes proclament des renversements de situations en faisant des choses très simples. Alors naît la joie pour tout le peuple. A travers celles et ceux qui se mettent au service du renouveau du peuple, Dieu vient comme l’époux, comme le printemps, comme un avenir chargé de joie pour tous ceux qui n’y croyaient plus.

Dans la seconde partie le peuple des pauvres répond à cette annonce du Seigneur par une action de grâce, il tressaille de joie et exulte en Dieu sauveur. Il précise que le salut et la justice sont devenus une réalité concrète : « il m’a vêtue des vêtements du salut, m’a couverte du manteau de la justice. ». Voilà ce qui a changé concrètement et pour lequel chacun peut rendre grâce.

C’est toute la communauté, forte des promesses du Seigneur, qui chante sa louange, son action de grâce devant la perspective d’une Alliance nouvelle.

Quelle est donc cette joie de l’Évangile ? Tout sera nouveau de la splendeur du Seigneur comme il le peut, mais dans la patience de Dieu et la transformation lente de la semence jetée terre qui doit germer avant de produire son fruit. Ainsi la transformation du cœur du peuple est préalable à la célébration de l’Alliance nouvelle.

« Quand Dieu vient sauver les pauvres, c’est beau comme un mariage, comme une alliance que rien ne brisera plus ! Le peuple qui tressaille de joie est par avance la communauté chrétienne à qui, dans l’attente du Seigneur, saint Paul donne ce conseil : « Soyez toujours dans la joie » Feu Nouveau 55/1 pg 30

1 Thessaloniciens 5, 16-24

A propos de cette 2ième lecture :

Invitation à la fête de la folie d’un Dieu qui ose s’aventurer chez les hommes pour se faire proche au point qu’il sera victime de sa bonté et de sa proximité.

Les chrétiens de Thessalonique sont les premiers à avoir reçu la Bonne Nouvelle par l’intermédiaire de Paul, qui avait fondé dans cette ville une des premières communautés chrétiennes en Europe. Après un certain temps passé dans cette toute jeune Église, il fut contraint de la quitter en raison de l’opposition et des tracasseries de l’intégrisme des judaïsant.  Il n’avait pu terminer son enseignement à la communauté et assurer la formation de responsables

Arrivé à Athènes, anxieux de savoir si les persécutions qui avaient provoqué son départ continuaient, il envoie Timothée pour porter à la jeune communauté une lettre d’encouragement. C’est dans ce but qu’il leur écrit vers l’année 50.

Ayant appris que certains ne vivaient pas correctement la foi, Paul leur manifeste une particulière attention. C’est à eux qu’il s’adresse dans les versets qui précèdent notre péricope. Il y a parmi eux des désordonnés, des timides et des faibles. Il apporte un encouragement à chacun : « reprenez les désordonnés, encouragez les timides (littéralement : petits quant à l’âme) et soutenez les faibles, ceux qui n’arrivent pas à traduire l’évangile dans leur vie. Et il termine à l’adresse de tous : « soyez patients envers tous. »

Il poursuit au v. 15 : « prenez garde que personne ne rende le mal pour le mal, mais cherchez en tout temps à faire le bien entre vous et envers tout le monde ».

Et voilà, qu’au cœur de la vie de la communauté qui n’est pas sans ombres comme il l’a reconnu à l’instant, voilà qu’il invite à la joie : « soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance. » Cela veut dire que dans toutes les situations il faut garder la joie ! Et la situation de la communauté nous fait prendre conscience que la joie chrétienne n’est pas plus évidente aujourd’hui qu’hier, au temps de Paul.

L’invitation à la joie n’est vraiment possible que grâce à l’Esprit qui perdure dans le temps et la proximité, au-delà du temps et de l’espace que le Christ nous fait non seulement entrevoir mais vivre avec lui, en sa présence.

Face aux tracasseries, inévitables, peut-on encore connaître la joie ?

Paul leur rappelle le fondement de leur joie. Ils ont mis leur foi et leur espérance en Jésus crucifié, sachant que le salut se trouve en lui.

v.18-19 : « N’éteignez pas l’Esprit… » La communauté a l’assurance que Christ leur a laissé son Esprit vivant au milieu d’eux. Ne pas l’étouffer cela veut dire être attentif à sa présence au cœur de la communauté et faire preuve de discernement. Paul se réfère au don de prophétie sous l’impulsion de l’Esprit qui était pratiqué couramment dans l’Église des premiers temps et qui exigeait discernement.

Le don de l’Esprit que Dieu fait n’est pas un simple charisme individuel mais un don fait à toute la communauté. Même si ce don réside dans tout chrétien, il est fait par Dieu, en vue de mener la communion filiale à la vie de Jésus Christ et de le témoigner à la face du monde.

Aujourd’hui, il n’est pas évident de pouvoir faire face dans la joie à tant de défis et aux soucis que nous connaissons tant dans la situation du monde que dans la vie de l’Église. Sur nos chemins d’Église, qu’est-ce qui aurait besoin d’être repris et renouvelé à la lumière de ce texte de l’Apôtre Paul ? C’est bien là le défi de tenir une communauté unie, ensemble. C’est l’Esprit à l’œuvre qui opère sans cesse la communion, mais à condition de ne pas étouffer l’Esprit et ses appels, ni de se l’approprier. Sans l’œuvre de l’Esprit au sein de la communauté ce serait utopie de que d’appeler à la joie.

Vers la fin de sa lettre, Paul donne des instructions très simples et très concrètes pour la vie d’une communauté chrétienne. Dans les versets que nous entendons aujourd’hui, il affirme que la joie et la gratitude maintiennent sur le bon chemin. La joie de Dieu qui doit caractériser le croyant n’a rien d’un sentiment facile, superficiel et passager. La joie du chrétien est faite de confiance envers Dieu, car le croyant sait qu’il est fidèle.

Habités de cette espérance, nous avancerons, sans doute pauvrement, mais surtout humblement, faisant de faims et de soifs présentes en nous et en nos frères la nourriture dont nos cœurs ont besoin sur le chemin. Notre vie sera prière, comme la sienne offerte jusqu’en sa Pâque. 

Apprends-nous, Seigneur, la sagesse qui vient de toi. Éveille-nous à y avancer dans l’accueil et le soutien mutuels.

Évangile : Jean 1,6-8,19-29

6 Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.
7 Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.
8 Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière
19 Voici le témoignage de Jean, quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
20 Il ne refusa pas de répondre, il déclara ouvertement : « Je ne suis pas le Christ. »
21 Ils lui demandèrent : « Alors quoi ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Ce n’est pas moi.
– Es-tu le Prophète annoncé ? » Il répondit : « Non. »
22 Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? »
23 Il répondit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »
24 Or, ils avaient été envoyés de la part des pharisiens. 25 Ils lui posèrent encore cette question :
« Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? »
26 Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ;
27 c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »
28 Cela s’est passé à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, à l’endroit où Jean baptisait.

Aujourd’hui, c’est dans le prologue de l’évangile de Jean. Ce prologue qui est un hymne en l’honneur de la Parole de Dieu faite chair, est interrompue par deux fois (sans doute ajout tardif) pour la mention de Jean qu’on appellera ensuite le Baptiste.

Après le début de l’évangile de Jean qui évoque l’avènement du Verbe, sa préexistence et son rôle dans la création, voici une autre strophe qui nous conte l’événement de Jean-Baptiste, un homme, un être humain qui est envoyé pour rendre témoignage au Verbe- qui est de toute éternité- présenté comme la Lumière qui ouvre à la foi.

Le v.6 commence ainsi : « Il y eut un homme » L’évangéliste rejoint la manière de s’exprimer de l’auteur de la Genèse : «Il y eut un soir, il y eut un matin ». Cet homme dont il est question fait donc bien partie de l’histoire du salut. Dès le commencement la Parole de Dieu s’est adressée aux hommes, elle s’est fait entendre par les rois, les juges, les prophètes. Maintenant elle nous advient à nouveau par un homme qui se trouve au sommet de la prophétie du 1er testament. Témoin par excellence de cette Parole, il affirme qu’il n’est rien d’autre que témoin.

Jean Baptiste n’est pas la lumière mais il en est le témoin : c’est sa raison d’être, sa vocation. La finalité de son témoignage c’est afin que tous croient.

Il s’efface devant la manifestation d’un si grand mystère mais il ne peut cesser d’annoncer celui qui vient après lui qui est la Lumière et la Vie. Il proclame un baptême de repentance qui ouvre le chemin à Celui qui est plus grand que lui et don il se dit indigne de dénouer les lanières de ses sandales.

Le témoignage de Jean pose problème : il intrigue. Cet homme sans qualification baptise : un rite qui était réservé aux prêtres et aux lévites. Toutes les foules viennent à lui et se convertissent. Le voilà aux prises avec une commission d’enquête de prêtres et de lévites venus de Jérusalem.

Ils ont pour mission d’éclaircir ce qui se passe et lui demander s’il a un rôle messianique et donc de précurseur du Messie comme on croyait : la venue du Messie devait être précédée de celle du prophète Elie.

Les enquêteurs ont reçu une mission bien précise : décrypter l’identité exacte de Jean-Baptiste : « qui es-tu donc ? ». Ils ne lui posent pas moins de six questions et n’obtiennent que des réponses négatives : je ne suis pas Elie, je ne suis pas le Messie, je ne suis pas le grand prophète. Il se définit en retrait par rapport à Celui qu’il annonce par une série de négations : je ne suis ni la Lumière, ni le Messie, ni Elie, ni le prophète attendu : il sait que Celui qu’il annonce est tellement plus grand que lui.

Voilà comment il se définit : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. »

« Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ; 27 c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. »

Jean a même conscience de se situer en deçà de celui qui est déjà là au milieu d’eux et qu’ils n’ont pas encore connu, et se considère comme l’esclave de l’Envoyé de Dieu, dont il ne se croit pas digne de dénouer les courroies de ses sandales.

Que disent pour nous ces lectures ?

Comme Jean Baptiste nous sommes face au grand mystère de Dieu qui vient habiter parmi les hommes. Il est là et on ne l’a pas encore reconnu : Il parle dans le désert.

JB est sa voix, son porte-parole : il crie avec force pour nous inviter à nous préparer à être à l’écoute, à le voir.

On a l’impression que Dieu parle dans le désert : commençons par nous préparer à avoir le cœur libre pour l’entendre et être à même de nous mettre à l’écoute du Seigneur et de sa parole.

Sa voix sera un peu moins dans le désert.

Jean nous invite à être des témoins, de la voix de celui qui crie dans le désert.

Témoigner à notre tour : cela veut dire moins dire Jésus par des paroles que par nos actes.

Jean est venu pour faire sortir Jésus de son anonymat et le manifester au monde. Son baptême préparait les cœurs à le reconnaître. « Tous ont cru par Jean…JB était nécessaire.

Ainsi en est-il aujourd’hui pour nous : notre témoignage est encore nécessaire pour dire Dieu au milieu de nous.