Is 22, 19-23 – Psaume 137 – Rm 11, 33-36 – Mt 16, 13-20

 

A propos des lectures de ce dimanche

Dans la première lecture Isaïe annonce la destitution de Shevna., maître du palais du roi, qui a basé tout son pouvoir sur la force militaire. Le vrai motif est sans doute son arrogance, sa recherche de pouvoir, son style de vie mondain, son luxe arrogant Ses préoccupations personnelles prennent le pas sur sa mission de gouvernement de la ville de Jérusalem : il est infidèle à sa vraie mission.  Dès lors il ne peut plus diriger la maison de David. Il symbolise l’égarement du peuple et son refus de suivre le vrai Dieu : la vraie foi a disparu et par-dessus tout il se moque de la prédication d’Isaïe.

Il sera remplacé par Eliakim le nouvel élu « Il sera un père », sera un vrai roi, un berger pour son peuple comme un père pour Jérusalem et la maison de Juda : il va recevoir « la clé de la maison de David », la charge non comme un pouvoir, un dû mais comme une mission : c’est le Seigneur qui lui remet cette clé et la lui pose sur son épaule comme un service qu’il doit rendre.

 

Après avoir montré ce qu’est la vie du croyant pénétrée de l’Esprit, Paul médite longuement sur le destin d’Israël. Il garde confiance qu’un jour son peuple trouvera sa place dans l’Église de Dieu et reconnaîtra Jésus Christ. Il termine par un hymne à la gloire de Dieu, hymne à la Sagesse miséricordieuse. Dans cet hymne il cite d’abord quelques versets du psaume 139, psaume qui chante l’omniscience de Dieu devant laquelle l’homme reste sans comprendre. « Mystérieuse connaissance qui me dépasse, si haute que je ne puis l’atteindre ! » (v.6) « Dieu ! que tes projets sont difficiles pour moi, que leur somme est élevée !  Je voudrais les compter, ils sont plus nombreux que le sable. Je me réveille, et me voici encore avec toi ». (vv.17 et 18). Il cite aussi Esaïe 40/13, soulignant la transcendance du projet de Dieu qui dépasse tout ce que l’homme peut concevoir « Qui a toisé l’Esprit du Seigneur et lui a indiqué l’homme de son dessein ? ». Ensuite, dans le prolongement d’Esaïe, il se réfère à Job 41/3 : « Qui m’a fait une avance qu’il me faille rembourser ? Tout ce qui est sous les cieux est à moi ». Dieu ne doit rien à personne et personne ne peut prétendre lui réclamer quoi que ce soit. Israël n’est pour Paul ni un problème, ni une question mais un mystère (v.33). Même si l’Apôtre souffre (9/2), s’il est déchiré, il cherche à découvrir le monde tel qu’il est dans les mains et le projet de Dieu. Si nous continuons, comme lui, à nous poser beaucoup de questions, nous sommes invités, comme lui, à rendre gloire à Dieu. L’affection que Dieu nous porte est en effet un éternel point d’interrogation plus que d’exclamation ou encore un point final.

Jésus est très loin de Jérusalem, beaucoup de malentendus circulent au sujet de Jésus. Jésus vient de refuser de donner un signe convaincant aux Pharisiens et aux Sadducéens qui le lui demandaient parce qu’ils ne croyaient pas en lui.

On s’interroge à son sujet, on doute. Jésus ne fait pas un sondage mais désire clarifier et fortifier la foi de ses disciples comme la nôtre aussi, à partir de là où nous nous trouvons.  Jésus pose la question : « qui dit-on que je suis ? » Chacun répond en fonction de ses attentes et de ses besoins. Pour les uns, il est Jean Baptiste, sans doute parce que sa récente disparition rapide demande bien que Dieu réagisse et fasse quelque chose. Pour d’autres Elie, dont un petit reste de pauvres attendait le retour.

Pour d’autres encore Jérémie ou l’un des prophètes, qui, en leur temps, ont remis de l’ordre dans la religion !

De cet évangile nous retenons en général la question de Jésus à ses disciples et à nous aussi : « pour vous qui suis-je ? » et la belle réponse, l’acte de foi de Pierre et la mission qu’il lui confie. Il reçoit la mission de mettre sa foi au service de l’Église et de recentrer la foi de ses frères dans la relation avec Dieu comme lui-même la vit dans une intimité profonde avec son Père. Ainsi peut-il dire à Pierre qu’il ne sera pas seul : sa force sera celle de Dieu et les puissances de la mort et du mal ne seront pas plus fortes.

Pourquoi Pierre est-il bienheureux d’avoir proclamé sa foi en Jésus, le Messie le fils du Dieu vivant ? « Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »

 La réponse de Pierre peut nous sembler évidente, elle n’est pas banale du tout. Dans sa réponse, il situe Jésus dans sa relation avec le Père. Pierre adhère à Jésus dans ce qui fait sa vie intime, sa relation filiale au Dieu vivant.

La réplique du Seigneur donne une belle cote à la réponse de son ami. « Bienheureux ! » Mais de plus, Jésus à son tour, situe Pierre dans sa relation avec son Père : « Simon, fils de Jonas ». Ce n’est ni sur Pierre, ni sur sa relation à Jonas que Jésus fonde SON Église, mais sur sa foi. Non pas celle que son père charnel aurait pu lui apprendre ou révéler, mais sur la foi que le Père, le Dieu vivant, a pu susciter en Pierre. Il a pu faire cette profession de foi grâce à l’accueil qu’il a fait au Père de Jésus. C’est sur cette foi, non pas celle que ses parents auraient pu lui révéler, mais sur la foi reçue comme un don de Dieu, que Jésus fonde son Église.

L’Église que nous sommes est fondée sur un aveu réciproque : Pierre voit en Jésus l’accomplissement de toute l’espérance messianique ; Jésus reconnaît dans la profession de foi de Pierre la révélation de son Père. Ici, survient un retournement. Dans le Premier Testament, Dieu est appelé le rocher, celui en qui Israël met sa foi. Le rocher est aussi l’endroit où Dieu rencontre l’homme. A Césarée de Philippe, Jésus met sa confiance en un homme fragile qui devient rocher en raison de sa foi. Depuis lors, la communauté chrétienne peut affirmer sans se tromper : « Je crois en Dieu qui croit en l’homme ». A Césarée de Philippe, Jésus vient renverser les rôles : désormais, c’est Dieu qui met sa foi en l’homme. Et il commence par un homme de « petite foi » : Pierre. Rendons grâce aujourd’hui, nous qui sommes la portion de l’Église du Christ.

Si notre foi ne veut pas être simplement une opinion, une idéologie aussi belle soit-elle, si elle ne veut pas dégénérer en une adhésion à des formules anciennes ou même nouvelles, nous devons retourner à Césarée de Philippe, à ce moment de la profession de foi de Pierre et à la reconnaissance qu’en fait Jésus. Ne devons-nous pas nous reconnaître vaincus, au-delà de « la chair et le sang », pour nous trouver face à face avec cet homme unique en qui Dieu se fait connaître ? Qui reconnaît Jésus comme Fils du Dieu vivant, sera aussi reconnu par lui. Alors le rocher est à nouveau au milieu de nous. Il y a une force irrésistible qui se fait jour, force contre laquelle les portes de l’enfer ne pourront rien.

Rendons grâce aujourd’hui, nous qui sommes la portion de l’Église du Christ. Rendons grâce pour la confiance qu’il nous fait, si du moins nous adhérons comme Pierre non pas d’abord à une doctrine mais à la personne même de Jésus, à la vie intime du Fils du Dieu vivant