Philippiens 2, 1-12
1 Aussi je vous en conjure par tout ce qu’il peut y avoir d’appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l’Amour, de communion dans l’Esprit, de tendresse compatissante,
2 mettez le comble à ma joie par l’accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ;
3 n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi ;
4 ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres.
5 Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus :
6 Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
7 Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme,
8 il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix !
9 Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il donné le Nom qui est au-dessus de tout nom,
10 pour que tout, au nom de Jésus, s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers,
11 et que toute langue proclame, de Jésus Christ, qu’il est SEIGNEUR, à la gloire de Dieu le Père.
A propos de ce texte.
La liturgie de ce jour ne commence la lecture qu’à partir du verset 6. Il n’est pas inutile de le situer dans le contexte dans lequel Paul écrit. Paul est en captivité et réduit comme son Maître à la condition d’esclave. C’est de sa prison qu’il exhorte les chrétiens de Philippe à dépasser toute sortes de rivalités et jalousies qui sont en radicale opposition aux sentiments qui étaient ceux du Christ Jésus. Ce texte peut nous rejoindre et nous interpeller dans notre marche à la suite du Christ.
Ce texte proposé à notre méditation aujourd’hui revêt un caractère tout spécial : il donne le ton à notre entrée dans la grande semaine de la Passion en nous révélant les sentiments profonds qui habitaient le Christ tout au long de sa vie et qui deviennent particulièrement explicites et manifestes au moment de la Passion et prennent une densité intense.
Il sera bon, pendant toute cette semaine, d’avoir en mémoire ces sentiments qui habitaient le Christ et de se laisser interpeller. Le mémorial que nous allons célébrer les trois jours saints ne peut rester extérieur à nous-mêmes : nous y sommes intimement liés, interpellés tout particulièrement à partir des événements de nos vies et du monde d’aujourd’hui.
L’abaissement et l’élévation du Christ nous révèlent quel type d’homme-Dieu fut le Christ et la finalité du mouvement qui fut le sien : un abaissement et un élèvement pour le salut du monde en vue de l’éradication du mal et son auteur.
Ce que Christ a vécu – Paul ensuite, et tant d’autres, nous allons le retrouver et il faudra faire face comme eux. Il est intéressant de se rappeler qu’au moment où Paul écrit, il est dans les liens, en prison soit à Ephèse soit à Rome.
Si ce qui lui arrive donne confiance à la plupart des frères qui redoublent de hardiesse pour proclamer la Bonn Nouvelle, d’autres proclament le Christ par envie et querelles, par esprit de dispute et pour des motifs qui ne sont pas purs, dans l’intention de susciter des tribulations. Tel est le point de départ de cette lettre. Il s’agit donc d’un appel à tenir bon dans un même esprit, sans se laisser perturber en rien par des saboteurs. C’est cela aussi espérer !
Dans les versets précédents ce passage Paul exhortait à demeurer unis, à former un solide milieu de croyants.
+ Il va insister sur la concorde et l’unité intérieure., en suppliant de pratiquer ces vertus. C’est dire l’importance que Paul apporte à l’unité de la communauté.
+Ensuite vient le thème de l’abaissement du Christ qui descend du monde de Dieu pour assumer la destinée humaine –représentée par la mort sur la croix.
+Et l’exaltation et l’établissement du Kyrios, du Seigneur.
- Vivez dans l’unité v1-4
Il lance un appel pressant, un appel qui conjure, demande avec insistance : le point de départ est dans le salut causé par le Christ.
Son exhortation va trouver sa source non dans une sagesse quelconque, ni une philosophie mais dans le Christ, dans le salut qu’il opère.
La communion entre les croyants ne vient pas, même de l’apôtre qui est loin et ne peut être avec eux pour leur parler, mais la communion entre eux vient de l’Esprit du Christ lui-même. C’est l‘amour et la compassion qui sont les caractéristiques des chrétiens : leur amour est un amour divin, et la compassion est divine qui sont l’expression de leur relation fraternelle.
Or dans la communauté de Philippe il y a des rivalités de personnes : donc des manques de charité.
Pour Paul sa joie ne viendra nulle part d’autre que de savoir la communauté fortement établie dans la foi et la charité.
La ruine d’une communauté c’est l’esprit de parti, la vaine gloire, la complaisance en soi, l’ambition.
Le seul remède pour lutter contre ces dérèglements, c’est que chacun puisse estimer son prochain plus qui lui-même. C’est cela l’humilité : estimer les autres plus grands que nous-mêmes. Cela suppose un regard autre, le regard du Christ sur Matthieu, la femme adultère…ne se focalisant pas sur leur péché, leur pauvreté mais un regard de miséricorde qui voit au-delà, jusqu’à l’origine de la personne, ce qu’elle est en réalité : enfant de Dieu.
Le fondement de cette humilité réside dans le fait que Dieu ne fait pas acception des personnes et au contraire il choisit justement ce qui est bas, méprisé par les hommes pour confondre les orgueilleux et les superbes…et que Dieu lui-même a pris cette condition de bassesse : l’esclave condamné à mort sans motif valable, victime de la vindicte populaire.
L’humilité qui se comprend ainsi va se traduire dans une prévenance mutuelle, dans le souci aimant les uns pour les autres. C’est la base de » la vie commune.
- Chemin du Christ
Notre marche sur les chemins du Seigneur n’a rien de convenu : le moteur de notre vie chrétienne est bien la communion intime avec le Christ et avoir entre nous les sentiments qui conviennent à des chrétiens, qui sont ceux qui sont en Christ : « ayez en vous les sentiments qu’on doit avoir dans le Christ Jésus » puisqu’ils sont définis par le destin du Christ, par la relation que nous avons avec Christ. (et non pas comme on traduisait avant : « ayez entre-vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ».) Toute notre vie va dépendre, être influencée par la relation que nous avons avec le Christ. De l’intimité que nous aurons avec lui dépendra toute notre vie : elle en sera comme illuminée, insufflée.
Cet hymne déborde la lettre de Paul, elle serait antérieure et indépendante de l’épître.
L’abaissement du Christ : « bien que de condition divine, ll n’a pas revendiqué (n’a pas tenu pour une proie) son égalité avec Dieu, au contraire, il s’est dépouillé en prenant la condition d’esclave… »
L’origine du Christ est en Dieu : c’est à ce titre qu’il « quitte » son état divin, échange son être divin contre un état d’esclave : une transformation complète et donc une distance incommensurable : personne ne peut faire ce passage.
Il ne faut pas comprendre que Christ accepte de « perdre » quelque chose en devenant homme, mais bien au contraire parce qu’étant Dieu, s’accrochant à son identité avec Dieu, Jésus s’est fait serviteur souffrant, juste persécuté, amour humilié et dépouillé…Il révèle ainsi qui est vraiment Dieu et comment il est Dieu. L’incarnation est un dépouillement total. Le Christ en s’engageant dans cette condition d’esclave s’est solidarisé totalement avec les hommes – par le mot « semblablement ».
C’est là la chance de l’histoire des hommes : Dieu est venu nous rejoindre pour être tout proche de nous et nous ouvrir la route vers lui.
V 8 : il s’est humilié encore plus : la seconde étape de l’abaissement c’est la mort, le point ultime de l’abaissement qui commence par le dépouillement.
En vérité Dieu est crucifié sur le monde, comme Jésus est crucifié sur la croix.
Cet amour crucifié est rempli d’espoir, de certitude, de fierté et de joie.
Il a vécu l’obéissance : l’obéissance du Christ a une répercussion sur la communauté : l’obéissance du Christ a valu aux chrétiens d’être introduit dans l’intimité de Dieu, dans le Seigneurie du Christ grâce à l’obéissance du Christ. Nous pouvons trouver dans l’obéissance du Christ le sens de notre obéissance monastique…
Paul alors pose la question : alors comment peuvent-ils encore se déchirer dans le manque d’amour, dans la désobéissance ? La mort du Christ = le salut, c’est une mort pour nous afin de nous sortir de la division et de l’impasse dans laquelle le diviseur tente de nous faire entrer. La mort du Christ n’est pas une impasse, elle s’épanouit dans la réponse de Dieu en couronnant le Christ, en le sur exaltant…
Le nom est l’expression de l’être et qui le fait connaître de manière exacte.
Acclamation de tous les êtres qui sont au ciel et sur terre et dans les enfers
Le Christ est le centre dans lequel la réalité et l’histoire du monde trouvent leur sens. Ce triomphe du Christ sur les puissances cosmiques reste pour l’instant caché à l’ensemble des hommes.
Nous savons, nous communauté chrétienne, qu’il est établi « Kyrios » et qu’avec lui nous sommes tendus dans l’attente du jour où sa royauté s’imposera à tout l’univers.