A propos des textes de ce dimanche
Ézéchiel 34, 11-12, 15-17
Jérusalem est détruite, le peuple exilé à Babylone se sent délaissé, abandonné. On se demande qui sont les coupables et on cherche des responsables. Le prophète annonce aux exilés ce que le Seigneur va réaliser pour eux, ce qu’il sera pour eux.
L’oracle date du lendemain de la chute de Jérusalem. Aux yeux du prophète, c’est le haut clergé du Temple qui est responsable de la déportation à Babylone, la défaite n’est que le fruit de leurs compromissions avec le pouvoir politique.
Ézéchiel invective violemment l’attitude désinvolte des pasteurs de l’époque qui se paissent eux-mêmes et que le prophète décrit dans les versets précédents. Il lance une invective virulente à l’adresse des classes dirigeantes d’Israël qui menaient une politique inspirée uniquement par leur profit personnel.
Nous avons ici une vraie Parole du Seigneur qui s’engage résolument en faveur de son peuple abandonné. La tradition biblique, dès l’Ancien Testament applique à Dieu cette mage idéale du Roi-Pasteur Voici ce que donne le texte lorsqu’on relève la récurrence de certains verbes par lesquels Dieu manifeste son engagement radical en faveur de son peuple et des mots tels que « moi-même ». La répétition du « je » et le mot « c’est moi » ou « moi-même », ne peut que nous en convaincre.
La première Bonne Nouvelle de ce texte nous dit Marie-Noëlle Thabut c’est que « vous êtes encore le troupeau de Dieu et donc vous êtes en bonnes mains ». Dieu dit comment il va se manifester comme bon berger et le prouver. Tout le passage est orienté vers le v 31 qui est la conclusion d’une nouvelle alliance : ‘quant à vous, mon troupeau, le troupeau de mon pâturage, vous êtes des hommes et moi je suis votre Dieu, oracle du Seigneur.’
« Mais avant de prononcer la formule solennelle d’alliance, Yahvé par la bouche d’Ézéchiel adresse des reproches, l’annonce d’un jugement et des promesses de salut aux bergers d’abord (v 1-15), aux brebis en suite (v 17-25a) Smyth Florentin, dans Ass du Sgr 65.
Ézéchiel ne veut pas seulement éveiller quelques bons sentiments chez ses auditeurs.
Aux versets 1 à 10, Dieu invective vigoureusement la conduite des dirigeants politiques et religieux d’Israël qui menaient une politique construite sur leurs intérêts personnels et professaient une religion qui profitait d’abord à eux-mêmes et aux riches au lieu d’être au service du peuple. Le troupeau a été laissé à l’abandon, dispersé et devenu la proie des bêtes sauvages. Le troupeau ainsi délaissé est devenu la victime des prédateurs et des catastrophes qui en sont les conséquences et la preuve. Le troupeau a été dispersé, envoyé en exil.
Jacques Dupont précise que l’oracle interpelle aussi « les classes dirigeantes de la société d’aujourd’hui …qui usent de leur pouvoir pour pressurer les faibles. Dieu va leur retirer leurs troupeaux qu’ils ont malmené et Il se fera lui- même le Pasteur de son peuple : moi-même je ferai paître Mon troupeau dans un bon pâturage » v 14. Avec force, en réponse à l’attitude lâche des responsables religieux, le prophète affirme que le Seigneur lui-même va se faire, en personne, le Berger, le guide, le rassembleur, qui pousse son Peuple en avant. Dieu lui-même s’adresse au troupeau, aux brebis et leur annonce qu’il va devenir le pasteur de son peuple.
Dans la seconde partie du texte, à partir du v 17 : « quant à vous mes brebis… », nous voyons que la responsabilité n’est pas seulement à impliquer aux responsables politiques et religieux, mais aussi aux rapports entre les membres du peuple, à l’injustice qui règne et qui ont été eux-mêmes aussi cause du malheur. Dieu sera le juge et « l’action du Seigneur se situe précisément là où la faute s’enracine. A la dispersion provoquée par les responsables politiques, il oppose le rassemblement » J.M Asurmendi dans « Cahiers Évangile »
Dire du Seigneur qu’il sera Berger, c’est reconnaître qu’il n’est pas un Dieu « installé » au milieu d’un peuple aussi installé. Au contraire, le Seigneur se fera nomade avec son peuple, il marchera avec ceux qui voudront aller de l’avant. Il aura une sollicitude particulière pour la brebis chétive, malade ou égarée, pour celles laissées pour compte en raison de la débandade occasionnée par les responsables ; les plus forts s’engraissant au détriment des plus faibles.
La mission du berger sera aussi celle qui est esquissée au dernier verset de notre périscope : il va assurer une fonction de jugement à l’intérieur du troupeau lui-même, un rôle de discernement sur chacun des membres. Si le berger fait disparaître les brebis grasses c’est parce qu’elles se sont engraissées au détriment des maigres qu’elles oppriment injustement. Ainsi Dieu fait œuvre de justice. On pourrait croire à une injustice de la part de Dieu : S’il prend soin des brebis pauvres ce n’est pas qu’elles soient meilleures mais dit Dupont dans ‘les Béatitudes : « parce qu’une des attributions essentielles de la fonction royale consiste à assurer la Justice à tous les sujets, cad, en pratique assurer leur bon droit aux faibles, incapables de se défendre contre les forts et les oppresseurs… »
Ne nous demandons pas ce qu’un berger humain ferait, découvrons qui est le Dieu révélé par la Bible : un Dieu qui fait justice et n’a d’égard que pour celui qui est mis de côté, opprimé. Celui qui s’engraisse, opprime, profite de la pauvreté des autres, Dieu le supprimera, annonce Ézéchiel !
« Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10/11) La Parole de Jésus n’est pas une plaisanterie. Ce n’est qu’ainsi que YHWH peut être Dieu pour son peuple. En ce dernier dimanche de l’année chrétienne, rendons grâce au Pasteur qui nous conduit !
Encore devons-nous, conscients de sa sollicitude paternelle, nous laisser guider par lui sur des chemins toujours nouveaux et étonnants. L’Exil, même s’il fut un temps de grande souffrance, fut un chemin par lequel Dieu a ramené son peuple à Lui et s’est révélé d’une manière toute nouvelle, a renoué l’Alliance avec lui en attendant la révélation par son Fils et la nouvelle Alliance en son sang. Voilà comment le berger veille et conduit son troupeau vers des pâturages toujours verdoyants.
1 Cor 15, 20.26-28
C’est bien de la Bonne Nouvelle de la résurrection que Paul rappelle aux Corinthiens. Il ne s’agit pas d’un événement du passé mais qui se prolonge par ses effets et son influence dans la vie de tout croyant, même si à quatre reprises Paul parle de « il s’est fait voir à » comme pour exprimer la grandeur et l’extraordinaire de l’événement.
Le kérygme (proclamation) de la Bonne Nouvelle depuis la Pentecôte ne cesse d’annoncer avec force la mort et la résurrection du Christ, dont Paul vient de reprendre quelques versets plus haut : versets 3-8 : « 3-Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, 4-qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, 5-qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. 6-Ensuite, il est apparu à plus de 500 frères à la fois – la plupart d’entre eux demeurent jusqu’à présent et quelques-uns se sont endormis – 7-ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. 8-Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. »
Il ne s’agit pas d’une illusion- le fait d’insister par quatre fois, par le passif : « il s’est fait voir » est bien la preuve qu’il s’agit d’une action de Dieu, une initiative de Dieu. Et les témoins du ressuscité ont fait une expérience privilégiée du ressuscité, non plus seuls mais vécue en Église, en communauté et qui atteste le sérieux de l’événement.
Dans la suite, Paul aura la chance de faire cette même rencontre avec le ressuscité dans une expérience tout à fait gratuite de la part du Ressuscité lui-même et pour laquelle il ne cessera de rendre grâce. Sa conversion, sa qualité et son ardeur d’apôtre trouvent leur fondement et leur solidité dans cette rencontre. Il connaît l’importance indispensable de cet événement qui avait pour but d’affermir les disciples dans leur foi au ressuscité.
Pour les Corinthiens, comme pour nous, la foi en la Résurrection n’est pas évidente. Paul partage sa conviction et sa foi profonde : « le Christ est ressuscité d’entre les morts ».
Certains ne peuvent pas croire en la résurrection des morts. Paul répond.
Notre foi en la résurrection du Christ fonde notre foi en notre propre résurrection.
La résurrection au temps de Paul n’était pas plus évidente que pour nos contemporains. « Paul n’envisage pas ici, selon la conception grecque ‘l’immortalité de l’âme séparée du corps’ tant l’expérience de sa foi au ressuscité domine sa pensée. Son langage s’adresse à la foi des Corinthiens confrontés aux objections de leur environnement : comment certains d’entre vous peuvent-ils dire qu’il n’y a pas de résurrection des morts. Et il fonde sa conviction sur le fait de l’événement pascal » A. Ruelle.
La mort est une réalité qu’aucun de nos contemporains ne peut nier : elle n’est pas un accident, un hasard, elle est une nécessité à laquelle personne ne peut se soustraire. C’est la loi implacable de la nature. La résurrection du Christ est la réponse à la question universelle des hommes de tous les temps.
Non seulement Christ est ressuscité mais il est le premier qui fait cette expérience : cela veut dire qu’il y en a d’autres ensuite. Il a ouvert le mystère qui faisait tant problème aux hommes depuis les origines. Il est « le prélude pour tous ceux qui se sont endormis dans la mort »
Si Christ n’est pas ressuscité alors il n’y a pas de résurrection des morts.
Ce « mais non » veut balayer d’un coup toutes les objections faites par les Corinthiens et mettre quelque chose en place : pour Paul ce sera l’affirmation de la résurrection du Christ.
Vient ensuite une comparaison et plus encore une opposition Adam-Christ : comme le premier a entraîné la mort pour lui et toute l’humanité, par le second tout a basculé mais dans le sens opposé : il a ouvert le chemin de la vie, la voie de Dieu.
Par sa résurrection il est le prélude pour tous ceux qui se sont endormis dans la mort et devenu le garant de notre résurrection.
« Alors tout sera achevé » (v24) ensuite viendra la fin : Paul se situe déjà à la fin comme si ce que nous vivons actuellement est passager, intermédiaire entre la résurrection de Jésus et la fin.
Les puissances de la mort et du mal sont abolies mais la mort et le mal sont encore à l’œuvre mais pas d’une manière absolue. C’est le Christ qui exerce tout pouvoir absolu sur la mort et le mal. Il faut qu’il règne cad que les forces du mal se soumettent au Christ et que son Esprit nous ouvre pleinement à sa loi évangélique et nous introduise dans son Royaume d’amour et que toujours l’amour soit vainqueur. Par notre baptême et donc notre foi au ressuscité en qui nous sommes « re-nés » nous sommes engagés tout naturellement dans cette lutte contre toute forme de mal. Par notre foi dans la résurrection nous sommes porteurs du Christ ressuscité et de sa victoire définitive.
Ainsi Dieu sera tout en tous : le ressuscité sera pleinement présent aux croyants dans la plénitude de son Être. Le projet initial de Dieu déjà réalisé pleinement dans le Christ, dans sa mort-résurrection, est en train de se réaliser en plénitude dans les hommes.
La première Bonne Nouvelle pour toute l’humanité que Christ réalise et st Paul nous rappelle dans la 2e lecture est « Christ est Roi » par sa résurrection : Christ est ressuscité et avec lui la résurrection est promise à nos corps, tous nous ressuscitons. Le règne du Christ culmine dans sa victoire sur la mort.
Notre foi est basée sur la résurrection du Christ et fonde la foi en notre propre résurrection.
C’est avec la mort-résurrection de Jésus que tout a changé : il est le premier né d’entre les morts qui soit passé de la mort à la résurrection.
La résurrection du Christ est la réponse à la question universelle des hommes de tous les temps. Non seulement Christ est ressuscité mais il est le premier qui fait cette expérience. Il a ouvert le mystère qui faisait tant problème aux hommes depuis les origines. Il est « le prélude pour tous ceux qui se sont endormis dans la mort »
Si Christ n’est pas ressuscité alors il n’y a pas de résurrection des morts.
C’est la résurrection qui donne sens à nos vies : ce que nous vivons ne se limite plus à l’immédiat mais a valeur d’éternité ; notre vie, nos actes les plus modestes sont une préparation à la vie d’éternité. Le Royaume de Dieu est un Royaume d’amour et auquel nous nous préparons déjà dès ici-bas : notre vie n’est pas seulement une sorte d’apprentissage à vivre dans le Royaume de l’Amour mais le Royaume de Dieu a déjà commencé ici sur terre lorsque l’amour l’emporte sur l’égoïsme, ‘l’individualisme’. C’est une vie de ressuscité que nous vivons déjà.
Matthieu 25, 31-46
Voici qu’aujourd’hui, Jésus nous montre que le plus court chemin qui va de moi vers Dieu passe nécessairement par la rencontre avec le visage d’un autre humain, celui que Jésus appelle « le prochain ».
Jésus nous invite à ne plus chercher Dieu dans les hauteurs mais à baisser notre regard vers la terre et à chercher Dieu dans le visage, la misère des autres humains. Cela change tout, car si je me laisse émouvoir, bouleverser, interpeller, ça m’obligera à réagir et prendre une décision : « vais-je oui ou non faire face à la misère d’autrui » ?
C’est cela l’extraordinaire révélation du christianisme : Dieu se reconnaît uniquement dans le visage humain.
La prière de méditation, de liturgie, la Parole de Dieu, nous ramèneront à cette réalité … le seul moyen où nous pouvons être assurés d’être bien en relation avec Dieu, c’est d’établir de bonnes relations de proximité avec les autres, des relations de tendresse.
Jean Ruysbroeck était un mystique qui habitait la forêt, au sud de Bruxelles et il racontait cette petite histoire :
« Imagine que tu sois en extase, perdu dans l’immensité de Dieu au point que tu aies perdu pied dans la réalité. Si un pauvre vient frapper à ta porte, je te conseille : descend vite de ton extase, fais chauffer du bouillon et donne-le au pauvre car le Dieu que tu vas trouver est plus sûr que le Dieu que tu viens de quitter. »
Attention, Jean Ruysbroeck ne dit pas qu’on ne trouve pas Dieu dans la prière mais qu’on peut s’illusionner dans la prière. Jésus ne dit pas que les justes, ce sont ceux qui posent des actes liturgiques, mais que, la plus sûre garantie de le trouver, est dans le visage du plus démuni.
Chaque fois que nous nous sommes rendus proches d’un visage altéré par la douleur, la souffrance, l’isolement, l’exclusion, le rejet… alors sans le savoir nous avons rencontré Jésus lui-même.
En effet la parabole met en scène des gens qui ne savent pas qu’ils sont justes : « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir et de te donner à boire, de te voir étranger et de t’avoir accueilli… ?
C’est dire que les justes, chaque fois qu’ils faisaient du bien à un autre humain, ne savaient pas qu’ils le faisaient au Christ. Heureusement qu’ils ne le savaient pas parce qu’il nous faut apprendre à aimer les autres non pas pour plaire à Dieu mais à les aimer pour eux-mêmes.
Si l’Ecriture appelle « l’autre » le « prochain, c’est parce qu’au départ il est éloigné et on essaye de s’en faire proche. Mais ce n’est jamais gagné parce l’autre est toujours différent, il est « autre » et le fait de m’en approcher me laisse entrevoir un monde nouveau par rapport au mien.
Autrement dit le visage de l’autre risque de changer ma vie, de me faire prendre une autre direction.
Heureusement j’ai toujours la liberté, la possibilité de me dérober, de m’écarter de refuser.
C’est précisément ce qu’ont fait ceux qui voulaient s’identifier à Jésus par la seule prière sans se mettre au service de leurs frères et sœurs les plus fragilisés. Jésus nous redit donc aujourd’hui, que le point culminant de toute spiritualité ne peut s’atteindre que dans le rapprochement vers notre prochain.
Et ce que l’on appelle le « péché » ne désigne pas ce que l’on a mal fait, mais le bien qu’on n’a pas fait.