2e Lecture

1 Pierre 2,20b-25

Mais si vous supportez la souffrance pour avoir fait le bien, c’est une grâce aux yeux de Dieu.

21 C’est bien à cela que vous avez été appelés, car C’est pour vous que le Christ, lui aussi, a souffert ; il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces.
22 Lui n’a pas commis de péché ; dans sa bouche, on n’a pas trouvé de mensonge.
23 Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice.
24 Lui-même a porté nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris.
25 Car vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes.

A propos de ce texte :

L’allusion finale  au « berger », v.25, coïncide  avec l’évangile du Bon Pasteur du 4° dimanche après Pâques.

Peut-on rendre grâce à Dieu quand on est persécuté ? Certes non. Mais il est important de voir le contexte dans lequel se trouve la communauté à laquelle Pierre s’adresse. Il s’adresse à des esclaves chrétiens, persécutés par des maîtres acariâtres et injustes pour les encourager à se situer dans la soumission, à la suite du Christ et comme lui. Il motive ce conseil en citant une hymne des premières Eglises adaptant au Christ de la passion la figure du Serviteur souffrant :  » c’est pour nous que le Christ a souffert »…

Dans cette exhortation Pierre approuve-t-il la situation généralisée dans la société de son temps ? Ces esclaves réaliseront leur vocation en s’identifiant au Christ qui, injustement traité, s’en remet à celui qui juge avec justice. L’attitude de chrétiens soumis à la persécution ne doit pas être différente de celle qu’adopta leur berger durant sa Passion : qu’ils n’oublient pas qu’ils sont en même temps introduits dans l’intimité de Dieu, comme le Christ durant sa passion.

Vocation de martyr

Dans ce contexte de souffrances éprouvées par les chrétiens, Pierre évoque leur vocation particulière :  » c’est à cela que vous avez été appelés. »

La souffrance est-elle une exigence de la vie chrétienne ? Nous ne pouvons pas dire que souffrir est le propre de la vocation chrétienne, car la souffrance fait  partie de la vie de tous les hommes, nous sommes appelés à la vivre avec et dans le Christ.

Mais l’appel à la suite du Christ comporte des risques et il n’est pas nécessaire de chercher des compromis ou d’hésiter. Ce qui importe, c’est de vivre les épreuves à la suite du Christ, avec lui et à son exemple. Mais à cette différence avec nous c’est que lui n’a jamais commis de péché et était totalement innocent.  Voilà sans doute tout le mystère de la vie chrétienne et la force sur laquelle nous pouvons nous appuyer.  Christ n’est pas venu pour souffrir, mais sa souffrance et son sacrifice ont fait partie intégrante de son « périple » : sa venue et son  retour vers le Père. Nous aussi nous retournons au Père : notre vocation a quelque chose de particulier, à la suite du Christ elle va jusqu’au bout. Quelle chance et quel trésor pour le croyant.

A la suite du Christ

21 : « C’est pour vous que le Christ, lui aussi, a souffert ; il vous a laissé un modèle ».
Si nous pouvons dire que nous sommes appelés à la souffrance c’est  » parce que le Christ aussi a souffert ». La communion du chrétien aux souffrances de son Maître a son fondement dans l’être chrétien lui-même, fait partie de son baptême et ne provient pas d’un précepte ou d’une vocation externe. C’est du Christ qu’incombe la vocation du chrétien à la souffrance et la charge de l’assumer : comme en tout le Christ nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces.

On peut évoquer le chemin de Pierre : alors qu’il ne tolérait pas que son Maître passe par la souffrance, il fut rabroué de manière violente par le Christ, se faisant traiter de « Satan » Jésus avait annoncé à Pierre que lui aussi lorsqu’il serait vieux aurait la ceinture nouée par un autre qui le conduirait là où il ne voudrait pas. Pierre sera crucifié à la suite de son maître. Quel chemin parcouru par Pierre depuis ce temps. Mais aussi quel exemple pour nous lorsque nous nous trouvons face à la souffrance et au mal. Comme la tête, tous les membres sont concernés par le commandement du Père de « donner sa vie pour les autres ». La souffrance ne peut être comprise de manière valable que dans le sens du don total aux autres, dans le dépouillement, dans l’amour avec le Christ.

Le chrétien doit savoir que lorsqu’il fait le bien il aura à souffrir, comme le Christ. Ses guérisons furent jugées accomplies avec la force de Satan ; il lui fut reproché de pardonner les péchés, d’être proche des pécheurs, d’être miséricordieux ; ce qui est l’unique pouvoir de Dieu.  Dès que le bien est fait, se fait, il y a toujours des personnes qui, prises par la jalousie ou par le démon, critiquent, dénigrent. Les gestes d’amour concret provoquent la rancune dans le cœur mauvais et sont souvent accompagnés de réactions parfois très violentes. Nos communautés monastiques n’en sont pas épargnées. Le chrétien qui fait le bien, connaîtra la souffrance, à la suite de son Maître. Le texte souligne  et met en relief la douceur du Seigneur au cours de son procès et de son exécution : « lui qui insulté ne rendait pas l’insulte, souffrant ne menaçait pas, mais s’en remettait à celui qui juge avec justice. » Plus loin, l’épître exhortera encore les témoins du Christ à l’imiter sur ce point. Comme le Christ le chrétien s’en remet, à Dieu, à « celui qui juge avec justice ».

L’oeuvre rédemptrice du Christ

22 Ce verset est comme un petit tableau, un extrait d’une pièce liturgique sans doute  présentant la passion du Christ comme un geste de salut. Il n’analyse pas la réalité historique mais en tire les conclusions théologiques.

La passion a pour motif l’amour du Christ pour les croyants « il a souffert pour vous » : il va maintenant expliquer la signification tant par rapport au Christ qu’en faveur des hommes.

Innocence du Christ   «lui qui n’a jamais commis le péché…» v. 22

Christ ne méritait pas la souffrance c.a.d. la condamnation à mort que le tribunal lui a infligée. Les versets 22-25 s’inspirent d’Is 53,4-9,12. Jésus accomplit la prophétie du serviteur souffrant « Lui qui n’avait jamais commis aucune faute », aucun péché. Plus encore, au paroxysme de la souffrance, il se maintient sans cesse devant Dieu dans une ferme attitude de religieuse fidélité à sa volonté et à la mission qu’il a reçue.

L’attitude du Christ au cours de sa passion v. 23

C’est volontairement et par amour que Christ a souffert. L’abandon du Christ à son Père s’allie parfaitement à la force active que représente sa souffrance au v. 21. Son amour inspire l’abandon de son propre sort entre les mains de son Père.

Le Christ durant sa passion n’a pas tenté d’interrompre la marche des événements : il consentait à ce qui arrivait car il considérait tout cela comme voulu, ordonné par le Père. Le Christ acceptait sa souffrance en ayant conscience que celle-ci était don du Père !!!!

Il avait conscience qu’à travers sa souffrance, il accomplissait l’œuvre du serviteur souffrant d’Isaïe. Il se savait « le serviteur » qui, à travers l’accomplissement de son œuvre réalisait l’œuvre du Père et que cette adhésion le conduisait à sa propre glorification et, à celle du Père. Son œuvre réalisée par sa souffrance, manifestait son amour pour le Père…comme elle manifestait l’amour du Père pour les hommes.

Valeur expiatrice de la passion du Christ v 24-25

Quelle est la valeur expiatrice de la passion-mort du Christ ?

Sur la base d’Is. 53, le v. 24 présente la mort du Christ comme ayant valeur de sacrifice expiatoire pour détruire le péché de l’humanité. Il est dit que le sauveur a porté (enlevé) nos péchés sur la croix  » dans son corps ».

Comment nous situer et vivre concrètement ces recommandations de Pierre ?

Comme la tête, tous les membres sont concernés par le commandement du Père de « donner sa vie pour les autres ». L’amour-charité, perfection de la vie humaine et divine, est défini par st Bernard comme un accord de volontés. Or la volonté s’exprime en actes concrets.

Nous disons chaque jour  » que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » c’est bien parce que de nous-mêmes, nous n’arrivons pas à la faire ici-bas comme au ciel, qu’avec la grâce, elle s’établit tout doucement  insensiblement en nous.

 «  Dans son corps il a porté nos péchés » : Peiner, souffrir c’est donc s’unir à cette volonté divine et ne faire ainsi plus qu’en esprit avec Dieu. C’est aussi s’unir à l’œuvre de salut du Christ commencée à son incarnation et qui continue…et qu’il a confiée à ses apôtres, que nous avons à poursuivre et dans laquelle chacun de nous est engagé…comme membre du Corps, de son Corps, dont il est bien la tête.