De la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (12, 3b-7. 12-13)

3 C’est pourquoi je vous le déclare : personne, parlant sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, ne dit : « Maudit soit Jésus », et
3b nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint.
4 Il y a diversité de dons de la grâce, mais c’est le même Esprit ;
5 diversités de ministères, mais c’est le même Seigneur ;
6 diversités de modes d’action, mais c’est le même Dieu qui, en tous, met tout en œuvre.
7 À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous.
8 À l’un, par l’Esprit, est donné un message de sagesse, à l’autre, un message de connaissance, selon le même Esprit ;
9 à l’un, dans le même Esprit, c’est la foi ; à un autre, dans l’unique Esprit, ce sont des dons de guérison ;
10 à tel autre, d’opérer des miracles, à tel autre, de prophétiser, à tel autre, de discerner les esprits, à tel autre encore, de parler en langues ; enfin à tel autre, de les interpréter.
11 Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui le met en œuvre, accordant à chacun des dons personnels divers, comme il veut.
12 En effet, prenons une comparaison : le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps : il en est de même du Christ.
13 Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit.

A propos de ce texte

Paul s’adresse à l’église de Corinthe, ville grecque de 500.000 habitants qui doit sa prospérité à sa situation géographique.

Fondée par Paul qui y a vécu quelques dix-huit mois, la jeune Église de Corinthe gère mal ses richesses spirituelles

Certains avaient des dons particuliers : ils parlaient en langue, prophétisaient, comme dans certains groupes ou communautés charismatiques d’aujourd’hui. .

Paul s’adresse à ceux qui se prévalent de charismes particuliers et se croient détenteurs particuliers de l’Esprit Saint. Du fait de leurs dons, ces Corinthiens se croyaient supérieurs aux autres. Alors Paul écrit ce passage spécialement pour eux.

Ce qui a pour effet de décourager ceux ont des fonctions moins spectaculaires. Certains se croient supérieurs et d’autres écrasés par ceux-ci.  On en réfère à Paul et voici ce qu’il répond

Le texte de Paul s’adressait aux chrétiens de Corinthe. Mais est-ce que ce passage peut nous parler à nous chrétiens catholiques aujourd’hui ?

En quoi la situation de Corinthe peut-elle nous intéresser aujourd’hui ?

Ce texte de Paul doit nous inciter à raviver en nous le désir et la passion de l’unité dans un même Esprit, à revoir notre conception de l’Église restée trop souvent au niveau de la hiérarchie : l’Église c’est chacun, c’est nous tous membres vivants du Corps du Christ.

Dans ce Corps, les dons divers dont chacun jouit ne doivent pas opposer les humains entre eux puisque tous sont l’œuvre du même Esprit, dans un même Corps dit l’apôtre. Ces dons qui peuvent être de faire des miracles sont au service de la communauté et des hommes.

Au v 5 « diversité de ministères mais c’est le même Seigneur » : c’est l’action du Seigneur qui se continue à travers les différents ministères : on ne saurait donc s’en vanter ni se les approprier, ils sont bien une manière de servir à la croissance du Corps tout entier.

Ces dons, ces ministères, sont tout simplement l’œuvre de l’Esprit, le fruit d’un unique Esprit : « chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. » v 7.

V 7 : C’est la phrase essentielle. Cette diversité de dons ne peut que collaborer à l’unité. L’Esprit ne se manifeste pas d’une seule manière.

Il est nommé huit fois dans ce passage.

« Bible et Vie chrétienne » résume ce passage par ces mots : l’Esprit polytechnicien.  Tous les charismes rencontrés dans l’Église de Corinthe sont excellents : accordés les uns aux autres dans l’harmonie, ils expriment le rayonnement de la communauté et manifestent la présence, l’action et l’amour de Dieu autour d’eux, dans leur ville de Corinthe.

Le mot charisme signifie don de grâce : ce sont ces capacités données par Dieu afin d’exercer tel ou tel ministère, tel service dans l’Église et le monde. Chacun reçoit un don de l’Esprit pour une mission bien précise, là où il se trouve. Paul veut mettre un peu d’ordre pour qu’on ne dise pas et ne fasse pas n’importe quoi au nom du Christ Jésus.

Un charisme ça ne s’invente pas, c’est un don tout à fait gratuit à mettre au service de l’Église et du monde. C’est dans cette condition qu’il s’accroît et fait grandir la communauté.

Certains reçoivent des dons d’une telle qualité et en telle abondance que cela peut paraître une injustice. Les dons particuliers ont toujours quelque chose de révoltant. Ils ne peuvent l’être que s’ils sont compris comme un bien privé en vue d’un profit personnel.

La hiérarchie des dons auxquels l’apôtre fait allusion, nous devons nous les faire pardonner en faisant l’usage au profit de tous et de les retourner à la communauté.

Tous les dons que nous recevons sont différents mais tous ont la même origine et manifestent le même Esprit : si j’ai le don de la foi ce n’est pas pour que les autres ne croient pas mais au contraire pour qu’il soit un stimulant et les aider à grandir : c’est un don que Dieu fait à l’individu et à la communauté.

Un des signes de l’Esprit c’est son respect de la diversité dans la communion de l’amour. L’Esprit est à l’œuvre en nos communautés quand, dans le respect de nos dons divers, nous cheminons ensemble vers l’unité par l’accueil de nos différences. L’Esprit ne veut pas de chrétiens parfaitement identiques, qui pensent ou fassent exactement les mêmes choses. C’est à l’encontre des paroles de Paul. Chacun(e) reçoit de l’Esprit des dons uniques, liés à sa personnalité, à son histoire, aux besoins du monde et de l’Église, pour le service de l’amour.

V 11 : en tout cela c’est le même et unique Esprit » : La diversité des dons a sa source dans l’unité : c’est le même Esprit qui est à l’origine, en vue d’édifier le Corps et de le faire grandir. L’Esprit de communion est celui qui fait l’unité de l’Église comme il fait l’unité de la Trinité.

Des chrétiens qui assurent que l’Église n’est vraiment Église que si elle ressemble à l’idée qu’ils s’en font, et que l’Église devrait faire ceci ou cela, il en pleut ! Des chrétiens qui brandissent la menace d’apostasie si la foi ne prend pas les mêmes formes que celles de nos ancêtres, il en pleut aussi. Les choses n’ont pas changé, les hommes non plus.

Paul se bat contre les propriétaires de l’Esprit Saint, des gens qui disent l’Église c’est eux, tout en excluant bien sûr les autres qui ne sont pas comme eux. Les tentations restent toujours les mêmes. Il faut être vigilant et bien discerner les signes de l’Esprit.

Un des signes de l’Esprit c’est son respect de la diversité dans la communion de l’amour. L’Esprit est à l’œuvre en nos communautés quand, dans le respect de nos dons divers, nous cheminons ensemble vers l’unité par l’accueil de nos différences. L’Esprit ne veut pas de chrétiens parfaitement identiques, qui pensent ou fassent exactement les mêmes choses. C’est à l’encontre des paroles de Paul. Chacun(e) reçoit de l’Esprit des dons uniques, liés à sa personnalité, à son histoire, aux besoins du monde et de l’Église, pour le service de l’amour.

« L’Église est une, elle forme une multitude toujours plus étendue grâce à une fécondité toujours plus grande. Ainsi les rayons du soleil sont nombreux mais sa lumière est unique… Nombreuses sont les branches de l’arbre, mais unique est le tronc vigoureux, planté sur des racines tenaces ; d’une seule source viennent bien des ruisseaux, et bien que leur multiplicité ne découle que de la surabondance des eaux, leur origine est cependant unique. Sépare un rayon de soleil de sa masse et l’unité de la lumière n’en subit pas de division ; arrache une branche à l’arbre et la branche arrachée ne pourra plus germer ; coupe un ruisseau de sa source et coupé il tarit.

Il en est de même de l’Église. Illuminée de la lumière du Seigneur, elle répand ses rayons dans le monde entier, mais une est la lumière partout diffusée, sans que l’unité de son corps en soit morcelée.

Ses branches couvrent la terre entière de leur vitalité exubérante, ses ruisseaux s’épanchent au loin avec largesse ; pourtant unique est la tête, unique est la source, unique est la mère aux fécondes et successives maternités. C’est elle qui nous enfante, son lait qui nous nourrit, son esprit qui nous anime » St Cyprien de Carthage (+martyr en 258)

« Le Saint Esprit est le personnage le plus étrange de toute la théologie. On en a beaucoup parlé et ce n’est pas fini. Mais comme c’est un personnage discret qui ne vient jamais corriger ce que nous avons pu en dire, on ne peut pas savoir si c’est le Saint Esprit qui nous fait parler du Saint Esprit. Car il n’aime pas beaucoup qu’on parle de lui ; lui ne parle jamais que de Jésus Christ ».

Reconnaître Jésus comme Seigneur (v.3), c’est reconnaître sa victoire sur le mal, c’est annoncer la « rémission des péchés ». L’Esprit nous permet de reconstituer la lumière du Christ diffractée dans la diversité du monde et des relations humaines.  L’Esprit refuse la monotonie des objets préfabriqués ou des séries standardisées ; il donne aux chrétiens des vocations diverses, chacune unique.

Le corps du Christ n’est pas produit par la réunion des chrétiens baptisés ; ceux-ci, par le baptême les insères au corps glorieux du Christ qui assume chacun(e) de ceux et celles qui croient lui.

N’y a-t-il pas toute une réflexion et une recherche à faire au sujet de la communion dans la diversité ? Souvent nous sommes tentés de croire qu’il n’y a pas moyen d’être fraternel sans être d’accord. S’aimer n’exige pas nécessairement de penser de manière identique. Nous confondons souvent discussion et dispute. Une entente dans la diversité se conçoit plus difficilement dans une vision hiérarchique de l’Église où la vérité elle-même semble être une et demande qu’on s’y rallie ; la vision de l’Église comme communion permet d’imaginer une fraternité qui assume la diversité.

Commentaire de la revue « Feu Nouveau ».

« Passé au crible d’un découpage particulièrement sévère (exclusion du développement central des versets 8-11, aussi bien que de l’entrée en matière aux versets 1-3a), le texte liturgique revient à affirmer que la confession christologique « Jésus est Seigneur » n’est possible que « dans l’Esprit », autrement dit au sein d’une communauté riche de ses différences aussi bien que centrée sur la foi trinitaire. Il est, en effet, remarquable que la référence théologique désigne successivement l’Esprit, le Seigneur Jésus, et Dieu –dans cet ordre ! – également affectés du qualificatif « le même ». Dès lors, il est clair que l’identité et l’unité de la communauté confessante, reconnue dans la diversité de ses dons, services et activités, s’inscrivent dans le mouvement ascendant qui fait que les croyants, revêtus de l’Esprit, confessent la seigneurie du Fils et se tournent ainsi vers le Père.

Au-delà des ségrégations religieuses ou sociales

Les deux versets de conclusion ont alors pour effet : d’une part, d’introduire la métaphore ecclésiale du corps, conjuguant la diversité de ses membres et l’unité inhérente à son identité unique de « corps du Christ » ; d’autre part, d’appliquer le principe d’unité dans la pluralité aux composantes sociales et religieuses de la communauté historique, de fait composé de Juifs et païens aussi bien que d’esclaves et gens libres. Or, le paradoxe d’une telle unité, acquise au travers et au-delà de discriminations irréductibles dans le monde d’alors, est à la fois imputé à l’Esprit Saint et référé au baptême. On voit la richesse de la théologie paulinienne, capable – dès la première Lettre aux Corinthiens – de poser l’articulation entre :

  1. la confession de foi trinitaire
  2. la métaphore ecclésiale du corps
  3. la spiritualité baptismale
  4. l’exigence d’universalité spécifique de la Mission.

Un tel effort de pensée, si novateur en son temps, accorde à l’Esprit Saint une place essentielle, quasiment à la charnière des différentes facettes du Mystère chrétien. Telle est donc une façon proprement paulinienne d’honorer l’expérience initiale, attestée par Luc selon la modalité narrative du livre des Actes. »

Olivier CLÉMENT « LE DIEU SECRET »

Qu’il est difficile d’évoquer Esprit, Lui, le Dieu secret, le Silencieux, la Célébration plutôt que le Célébré ! Il est la Vie de la vie, la Lumière de la lumière, le silence au cœur de la parole. Il est l’ « En dedans », Celui qui fait l’intériorité et la profondeur de chaque personne. Il est, non pas Esprit qui s’oppose à la matière, mais le Souffle qui pénètre je corps aussi bien que l’âme, la Vie que pressentent et cherchent ceux qui s’aiment, ceux qui luttent pour la liberté et la justice, ceux qui tentent de créer la joie et Ta beauté.           

En même temps, il est une Personne mystérieuse qui pousse l’amour jusqu’à ne pas avoir de nom propre, car Dieu tout entier est Esprit, car Dieu tout entier est Saint et la Personne de Esprit s’efface dans la lumière même qu’il communique, afin qu’elle nous soit totalement intérieure, source de notre existence la plus personnelle. Ainsi l’Esprit nous fait participer à la Vie même de la Trinité, à la plénitude de l’Amour. Dans l’Esprit, la Trinité ne nous est plus extérieure, Elle nous porte, Elle nous pénètre, Elle nous communique ce mode d l’existence indicible où les Personnes se contiennent mutuellement sans se confondre, où chacune s’accomplit dans ta plénitude des autres. Dans l’Esprit, la révélation de la Trinité devient pour nous la Révélation de la Personne ; le Christ recrée, réunifie la nature humaine de sorte que dans son Corps, nous sommes tous membres les uns des autres : un seul Homme, comme il y a, dans la diversité trinitaire, un seul Dieu.

Mais cette Unité ne confond pas : « Les langues se divisaient, une sur chacun d’eux ». L’Unité s’exprime dans la diversité des visages, chacun illuminé en ce qu’il a d’irremplaçable, par une flamme de l’Esprit. Dans l’Esprit, chacun trouve l’espace infini de sa liberté. Cette liberté s l identifie à l’Amour, car, par la grâce du Ressuscité, l’Esprit illumine de I t intérieur cette liberté et la rend capable de faire passer les êtres et les choses, de la vie mêlée de mort, à la Vie mêlée d’éternité.

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