De la lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10, 16-17
Solennité du Très Saint Sacrement dimanche 14 juin 2020
Le mot clef de ce passage est communion.
Pour comprendre ces quelques versets il faut le situer dans le contexte tant du texte que celui dans lequel Paul et les chrétiens vivent.
Une question se pose : un chrétien peut-il participer aux sacrifices rituels païens ? et manger ces viandes sacrifiées aux idoles ? Que faire ?
Paul remonte à l’origine, cad depuis l’appel d’Abraham et le départ du peuple d’Égypte : ce qui se joue c’est l’épopée de l’Amour de Dieu qui sera finalement dévoilée en Jésus-Christ.
Il nous donne un principe fondamental pour les croyants : on ne peut prendre part aux sacrifices païens. C’est le sacrifice de ce faux culte qui est corruption machinée par le démon. Il n’y a rien de mal dans le culte païen, puisque leurs dieux n’existent pas et que la viande qui leur est sacrifiée n’a pas changé elle ne peut faire de mal.
Mais c’est l’intention qui les anime, qu’ont les hommes qui s’y adonnent, c’est cela qui est répréhensible. C’est ce mensonge qui est démoniaque. Y participer c’est prendre part, communier à la communauté des démons, partager leurs mensonges. C’est dans la participation que se trouve le vice, le péché…
Paul dégage de ce problème le principe de «la jalousie » du Seigneur : cad que Christ veut tout : l’offrande, le don, toute l’ouverture des siens. Il n’accepte pas le partage. Celui qui entre en communion avec Christ ne chercher d’autres liens. On ne peut être à la table du Seigneur et à la table des démons.
A ce point Paul fait le lien avec l’eucharistie : le service du Christ implique une communion sacrificielle, une sorte de participation sous le mode du sacrifice : l’eucharistie. L’eucharistie établit un lien de communauté, une appartenance comparable à celle que revendiquent les sacrifices. Paul nous rappelle fortement que la communion au pain est vraiment intégration au corps du Christ.
Les deux versets veulent mettre en valeur le type de communauté et d’appartenance qui est créé par la cène eucharistique.
Paul reproche aux Corinthiens leur égoïsme. Ils n’ont pas compris le sens de l’eucharistie. Ils continuent d’être divisés, mêmes lorsqu’ils célèbrent le sacrement de l’unité. « La coupe d’action de grâce que nous bénissons…. Le pain que nous rompons »
C’est la première fois ici que Paul applique la notion de Corps du Christ à la communauté chrétienne : nos membres sont les membres du Christ et il ajoute : « votre corps est un temple du Saint Esprit. Maintenant il va plus loin, puisque c’est la communauté dans son ensemble qui est en jeu. La communauté forme un seul corps du fait qu’elle se nourrit d’une même nourriture sacrée, identifiée au corps du Christ.
Le mot clef de ce passage c’est « communion » qui désigne l’intimité. Le verset 17 exprime la réalité : « puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps »
La pensée de l’apôtre n’est pas très claire sur un point : les idoles ont· ils un certain pouvoir et sont-ils capables de nuire à la communion avec le Seigneur ? Ou bien n’ont-ils qu’un pouvoir mythologique que les hommes leur attribuent ? Peu importe, le fait est qu’on ne peut servir deux maitres à la fois.
Notons que Paul ne dit pas : » cette coupe est le sang du Christ », mais « communion au corps du Christ, communion au sang du Christ »
Il faut discerner « le corps du Seigneur » écrit Paul cad reconnaître la présence du Corps mystique du Christ dans le pain eucharistique. Nous aurions parfois trop tendance à chosifier, à la réduire à un morceau de pain, fut-il consacré au nom de la présence réelle.
« Si vous êtes le corps de Jésus-Christ et ses membres, le symbole de ce que vous êtes se trouve déposé sur la table du Seigneur : vous y recevez votre propre mystère. Vous répondez Amen à ce que vous êtes, et vous souscrivez par cette réponse à ce qui vous est présenté. On vous dit : le corps de Jésus-Christ et vous répondez : Amen. Soyez donc membres du Corps de Jésus-Christ, pour que cet Amen soit véritable… Celui qui reçoit le mystère de l’unité et ne reste pas dans le lien de la paix ne reçoit pas ce mystère pour son salut : il reçoit un témoignage qui le condamne ». St Augustin.
En écoutant St Augustin on peut considérer que la communion d’un chrétien c’est une rencontre entre le Christ dont il est membre, le corps plénier du Christ qu’il contribue à constituer et le signe de la présence du Seigneur Jésus.
Présent grâce au signe efficace, Jésus vient authentifier sa présence au cœur du croyant. Le don de Dieu qui cimente l’unité et fait vivre l’Église c’est désormais le Christ lui-même.
Paul insiste : il y a un seul pain partagé qui fait de nous un seul corps.
L’unité chrétienne ne nous vient pas de nos liens sociaux ou des affinités naturelles mais du fait que dans l’eucharistie, nous recevons notre joie d’une même source et notre vie d’un même aliment. Nous sommes ce que nous consommons. A la suite Paul met fait prendre conscience de l’acte de ceux qui mangent les victimes sacrifiées : la communion avec le Seigneur engage la communion avec les idoles ou les démons : on ne peut communion avec le Seigneur et les démons en même temps.
A la suite ce cela il évoque la « tables des démons »: la participation aux cultes païens. En effet communion au corps du Christ implique un discernement dans nos relations et le rejet de tout ce qui blesserait notre union au Christ et l’unité de la communauté des croyants.
St Jean Chrysostome
Que deviennent ceux qui communient ? Le corps du Christ. Ils ne sont pas plusieurs corps, mais un seul. Que de grains de froment entrent dans la composition du pain ! Mais qui voit ces grains ? S’ils sont bien dans le pain qu’ils ont formé, rien ne les différencie les uns des autres, tant ils sont unis. Ainsi sommes-nous unis les uns aux autres et avec le Christ. Celui-ci ne se nourrit pas d’un corps et celui-là d’un autre : nous sommes tous nourris du même corps… Ayant part à un seul pain, devenant un seul corps, pourquoi ne pas avoir la même charité et ne pas nous unir par ce lien puissant ?
Tu as part à ce repas divin ? Tu dois être le plus compatissant des hommes.
Tu as bu le sang du Seigneur et tu ne reconnais pas ton frère ? L’aurais-tu méconnu jusque là, tu dois le reconnaitre à cette table
Il nous faut tous être dans l’Église comme dans une commune maison : nous ne formons qu’un seul corps. Nous n’avons qu’un seul baptême, une seule table, une seule source et aussi « un seul Père » Jésus pain rompu pour un monde nouveau.
L’Eucharistie fait l’Église. Elle construit jour après jour ce corps du Christ dont nous sommes les membres. Elle enracine les baptises dans une communion de vie que le Christ élargit sans cesse. Elle permet à chaque communauté chrétienne, rassemblée pour la fraction du pain de se renouveler dans l’espérance. Car l’eucharistie en construisant l’Église, anticipe concrètement le grand rassemblement du royaume comme l’exprime une de ces plus anciennes prières de la liturgie eucharistique, celle de la Didachè »: comme ce pain rompu, autrefois dispersé sur les collines, a été recueilli de manière à ne plus faire qu’un, rassemble ainsi ton Église des extrémités de la terre dans ton royaume.
Discerner le Corps, c’est comprendre dans la foi que ce pain n’est pas un pain ordinaire et que le repas du Seigneur n’est pas simplement une réunion amicale. C’est surtout reconnaître qu’en partageant ce pain, nous participons à l’Alliance Nouvelle qui nous fait entrer dans le mystère de l’Église. Le discernement du corps eucharistique du Seigneur passe par celui de son corps ecclésiastique.
Est donc digne de l’eucharistie, celui qui vient communier au Corps du Christ, signe et source de son corps ecclésial, alors qu’il refuse pratiquement la communion de vie, dans la foi, avec son Père des cieux et ses frères en Jésus-Christ. Il voudrait manger la nourriture qui fait l’Église alors qu’il reste séparé de la Tête et des membres par son comportement habituel, soit en gardant sa vie pour lui-même, soit en refusant de faire corps avec ses frères, soit en méconnaissant les appels de l’Église »
Il faudrait ajouter en refusant de voir son frère dans le besoin, en acceptant la situation ‘injustice actuelle, en acceptant comme normale la misère du monde, refusant d’ouvrir son cœur au pauvre, à l’orphelin, à l’immigré…