Romains 8, 8-11

8 Sous l’empire de la chair on ne peut plaire à Dieu.
9 Or vous, vous n’êtes pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas.
10 Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l’Esprit est votre vie à cause de la justice.
11 Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.

A propos de ce texte :

Le chapitre 8 est important dans la vie chrétienne car il révèle la force de vie, la vie divine, qui anime le croyant. En Jésus Christ la vie chrétienne est transfigurée : « une dimension inconnue et insoupçonnée est révélée. Dieu dévoile tout son dessein sur sa créature qu’il amène à son achèvement. » Gatzweiler dans Ass. du Sgr.

Avec les béatitudes et l’hymne à la charité, 1 Cor. 13, le chapitre 8 de l’épître de Paul aux Romains est de ces textes qui jalonnent la vie des croyants. Ils sont invités à y revenir plus spécialement à certains moments forts de leur existence.

L’apôtre nous rappelle que, grâce à l’Esprit Saint, être chrétien ce n’est pas être esclave de Dieu, c’est tout simplement recevoir une existence de « fils ». La vie chrétienne est une vie de relation affectueuse avec Dieu au point que nous pouvons familièrement l’appeler : « Abba », Papa.

Paul s’appuie sur cette certitude : l’Esprit de Dieu, qui est aussi l’Esprit du Christ, habite en nous, en chacun de nous les croyants. Il utilise le mot « Esprit » pas moins de six fois dans ces quelques versets et une vingtaine de fois dans tout le chapitre 8. Il le désigne dans le sens de l’Esprit divin, distinct du Christ ressuscité.

Le chrétien est un « corps » c.à.d. une personne humaine : il est « chair », créature fragile, portée au péché, au repli sur soi, vouée à la mort, mais il est aussi un être spirituel et désormais guidé par l’Esprit de Dieu. C’est l’Esprit par lequel Dieu a ressuscité Jésus qui ‘pilote’, anime, notre conversion permanente et nous engage dans un combat. Nous le vivons dès aujourd’hui, en nous soustrayant au péché, en refusant de payer son dû à la « chair », si celle-ci nous sollicite encore. En Christ, nous voici donc assurés de la même issue heureuse.

Paul souligne la seconde dimension de cette existence chrétienne : nous sommes par l’Esprit du Christ des engendrés de Dieu à sa tendresse, promis au même héritage que son Christ qui s’est fait solidaire de notre condition humaine. Et nous sommes appelés à partager sa passion en vue d’avoir part à la victoire de son Amour.

« Le chrétien ne peut pratiquer la loi comme il le doit sinon dans la mesure où il est libéré par l’Esprit, autrement dit dans la mesure où la Loi a cessé de s’imposer à lui exclusivement de l’extérieur pour devenir en lui exigence intérieure, c’est-à-dire en langage biblique, où elle n’est pas gravée sur des tables de pierre mais dans son cœur. Une nouvelle mentalité, un esprit nouveau nous habite, un esprit d’enfance par lequel nous sommes devenus les enfants adoptifs de Dieu. » S. Lyonnet. Le message de l’épitre aux Romains, p. 124.

Pour mieux percevoir le sens de ce passage et le message de Paul, il faut s’arrêter aux deux notions : chair et esprit.

Chair : ce n’est pas le corps opposé à l’âme, ni le siège de nos pulsions sensuelles en opposition à l’intelligence et à ce dont l’intelligence est capable. Ce n’est pas ce qui est moins élevé dans l’homme en opposition avec ce qui est plus élevé. La chair c’est tout l’homme dans sa finitude, dans sa pauvreté, la brièveté de sa vie et son impuissance. La chair c’est le milieu dans lequel l’homme vit par sa nature : un espace de péché, de mortalité, de mort. Une existence sans Dieu, non libérée, sans communion avec le Christ, une existence où on se suffit à soi-même.

Esprit : c’est la force de Dieu, une force qui habite, travaille l’homme. Un milieu pénétré de Dieu. Celui qui vit selon l’Esprit est agréable à Dieu, appartient à son monde, à son Royaume. Jésus fut le premier à avoir vécu une vie entièrement inspirée par Dieu, il possédait la plénitude de l’Esprit qui nous fut révélée au moment de son baptême par Jean. Le baptême nous fait participer à ce même Esprit de Dieu puisque par le baptême nous sommes unis au Christ mort ressuscité.

La chair c’est l’homme livré à ses seules possibilités humaines, à ses raisonnements, calculs, pulsions : l’esprit c’est l’être humain renouvelé, réveillé par l’Amour avec le Christ.

C’est une situation toute nouvelle que nous sommes invités à vivre. Ce nouveau statut peut-on dire, qui est celui de l’Évangile, est tellement innovant que Paul précise que par lui-même l’homme est incapable d’en vivre.

En effet, si deux réalités habitent ou cohabitent en nous et s’opposent : l’Esprit et le péché (v.  8,9.17), cela provoque en nous un combat, une tension que nous percevons entre ces deux forces celle de l’Esprit et celle de la chair. Il y a deux façons de vivre ce combat : celle de l’homme détaché de Dieu qui donne la vie, et qui vit sous l’emprise de la chair, et celle de l’homme qui se laisse conduire par l’Esprit vivifiant de Dieu. Pas de demi-mesure ! Alors quoi ?

Alors comment vivre de l’Esprit ? Nous recevant de la gratuité de Dieu nous sommes dans la mouvance de l’Esprit c’est à dire dans un mouvement continuel de conversion, de transformation. Cette vie est toujours une rencontre-accueil de la gratuité, de l’Autre qui justifie et transforme. Mais il est certain que l’Esprit n’opère pas de façon magique notre transformation.  Celle-ci ne se fait qu’avec le consentement du croyant et avec sa participation. Le don de l’Esprit est total et gratuit de la part de Dieu. C’est pour cette raison que notre réponse à l’Amour qui donne en se donnant, doit être elle aussi totalement gratuite pour être réponse d’amour et accueil de l’Esprit.

Ce n’est qu’à cette condition que l’Esprit peut s’épanouir librement dans le croyant. Nous sommes sauvés, c.à.d. ensevelis tout entier en Christ pour communier à la puissance de sa résurrection. Et cette puissance qui est l’Esprit agit en nous.

L’Esprit qui est tellement intimement lié à notre vie qu’il « habite en nous » c’est l’Esprit qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. Il ne pourra pas rester inactif dans le croyant qui l’accueille mais bien au contraire ce qu’il a fait pour le Christ il pourra le faire pour nous aussi. Il nous fait déjà participer à la Résurrection du Christ en donnant la vie à nos corps mortels, dès maintenant.

La résurrection n’est pas une affaire d’avenir mais pour le croyant habité par l’Esprit elle déjà en train d’être vécue, en cours de réalisation.

« Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous. »

Je vous invite à lire les versets qui suivent et ne font pas partie de la périscope retenue par la liturgie de ce dimanche.

Romains 8, 12-21

12 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle.
13 Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez.
14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu :
15 vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.
18 J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu :
20 livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée -, elle garde l’espérance,
21. car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu.

14 : C’est le mot « conduits » qui est important. A l’opposé d’une vie où l’homme est esclave de l’égoïsme (la chair) la vie chrétienne est une vie où les croyants se laissent diriger et mouvoir par l’Esprit qui habite en eux : l’Esprit est donc celui qui est à la source de l’agir les chrétiens, celui qui anime leur vie par l’intérieur.
La vie des croyants c’est tout le contraire d’une vie d’esclaves qui ont peur, mais bien une vie d’enfants de Dieu, vivant dans la confiance qui leur permet de dire en vérité à Dieu : « Père »
16 : L’Esprit de Dieu lui-même donne une valeur juridique (« atteste ») à cette expérience d’une nouvelle relation à Dieu. Il s’agit d’une certitude profonde.
Le verset 17 va jusqu’à parler d’ « héritiers ». La conclusion du raisonnement de Paul est audacieuse : Christ et nous, nous avons les mêmes droits, nous partageons l’avoir même de Dieu ! Or l’héritage de Dieu, c’est Dieu même !

Notre héritage ne nous donne aucun droit sur un quelconque Évangile !

L’Esprit reçu comme une grâce qui loin d’engendrer la peur fait de nous des fils et nous appelle à la liberté, à l’initiative, à la responsabilité. Il nous suffit de mener à terme le combat de souffrance que Jésus a mené.

Voilà tout le trajet que fait l’appropriation du salut obtenu en Jésus.

Nous sommes appelés à devenir fils : nous le sommes déjà à part entière …

Voilà le trésor de celui qui s’approprie le salut obtenu en Jésus.  L’Alliance nouvelle scellée en Jésus Christ permet à celles et ceux qui ont reçu l’Esprit d’être des fils. C’est à dire d’oser proclamer «abba», Père, Papa !

Fils, en relation avec le Père : c’est l’Esprit qui rend cette relation d’amour possible.

Cette réalité est signifiée dans le signe de croix. La croix c’est ce lieu où nous pouvons entrevoir le mystère de Dieu. La croix éclaire par des mots notre baptême, et le signe de la croix devient pour nous la vraie révélation de la Trinité. La croix nous dit qui est Jésus, le Fils qui se remet + la croix nous dit qui est le Père dont Jésus est la parfaite icône.

Nous entrevoyons qui est l’Esprit : la communication de l’Amour, l’effusion du Père et du Fils.

« L’homme est un animal blessé… » Joseph Thomas.

L’homme est un être qui a un immense désir de communion, désir inassouvi.

Ce désir est déjà celui de Dieu, qu’Il communique à l’homme, de par ce qu’il est à son image.