1 Pierre 1, 17-21

17 Et si vous invoquez comme Père celui qui, sans partialité, juge chacun selon son œuvre, conduisez-vous avec crainte durant le temps de votre séjour sur la terre, 
18 sachant que ce n’est point par des choses périssables, argent ou or, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre héritée de vos pères,
19 mais par le sang précieux, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ, 
20 prédestiné avant la fondation du monde et manifesté à la fin des temps à cause de vous.
21 Par lui vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité des morts et lui a donné la gloire, de telle sorte que votre foi et votre espérance reposent sur Dieu.

A propos de ce texte.

L’exhortation de Pierre à la sainteté commence au verset 13. Dans cette perspective, les croyants sont invités pour se pré à opérer une rupture avec le milieu ambiant et, en vue d’être saint, à s’astreindre à une ascèse : «  car moi je suis saint » (v 16), dit le Seigneur. Le sens de cette expression en termes de comportement humain fut bien entendu illustré par la vie de Jésus.

17 : « Le Père qui juge impartialement. » En Actes 10, 34 : « Pour Dieu il n’y a pas de considération de personnes ». Paul affirme que la grâce de salut et de l’amour de Dieu est offerte aussi librement aux juifs qu’aux païens. C’est la réalité en Dieu, mais cette affirmation, explosive au temps de Paul, a dû choquer les juifs pensant être seuls bénéficiaires de la grâce de salut. Cependant, Dieu rend à chacun selon ses actes parce qu’il nous a rendus responsables et son amour « n’a rien d’une indulgence douceâtre ».

« Vivez dans la crainte » : sonne mal aujourd’hui ! Est-ce ce type de relation que Christ est venu nous révéler, pour vivre dans la sainteté ?

Il faut se remettre dans le contexte : Pierre commence par recommander d’invoquer Dieu « comme votre Père » dans une relation d’amour filial, de confiance, de tendresse.

Le Père bien aimé nous traite en fils responsables et fait appel à notre responsabilité : on n’agit pas n’importe comment mais par amour. D’où la crainte de Dieu, dans laquelle Pierre nous invite à vivre, est bien autre chose que de la terreur : elle s’inscrit dans une relation d’amour. C’est à cela que déjà le Deutéronome invitait : « Aimer Dieu et pratiquer ses commandements. »

 Dt. 6,1 : « Voici le commandement, les décrets et les ordonnances que le Seigneur votre Dieu m’a prescrit de vous enseigner, pour que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez prendre possession quand vous aurez passé le Jourdain. 2 Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses décrets et ses commandements, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie. 3 Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères. 4   Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. 5 Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »

« Pierre nous dit que vivre notre condition de baptisés, c’est être « tournés vers l’avenir comme un peuple qui espère ». La situation du baptisé est inconfortable et pleine de risques, elle a comme fondement le fait que nous avons été rachetés au prix du sang de Jésus Christ.  Dieu est intervenu, sans aucun mérite de la part de son peuple infidèle, mais par fidélité à lui-même. Il n’est donc pas question de voir dans le sang du Christ, on ne sait quelle rançon versée à la justice de Dieu. Ce texte ne nous invite pas à nous prendre au sérieux, mais à prendre au sérieux notre condition d’hommes libérés en Christ. » De Brock

Dans une relation d’amour filial, il y a place pour la crainte de ne pas aimer, de ne pas correspondre à l’amour du Père, de ne pas vivre en vrai fils, de ne pas accueillir l’amour. C’est bien autre chose que la crainte révérencielle. « Le servir avec crainte, c’est répondre à son appel avec un sens aigu de nos responsabilités. » Cothenet.

« Dieu juge » : nous sommes responsables de nos actes, ce qui suppose de prendre notre vie au sérieux : ce que nous faisons, c.à.d. nos actes. Aucun n’est banal, il s’agit de les évaluer face à Dieu. Il ne faut donc pas nous ajuster sur les hommes mais sur Dieu, sur l’amour de Dieu. Son amour est un test.

v.18 : « Vous avez été rachetés » Par qui, par quoi, de quoi ?

C’est par le sang précieux du Christ que le salut est arrivé. (v.19) En considérant par quoi nous avons été sauvés, et le prix payé pour que nous soyons sauvés, nous nous interrogeons : de quoi avons-nous été sauvés ? Nous sommes sauvés de la vanité de la superstition et du formalisme pharisaïque, ce que Pierre appelle la « vaine conduite de vos pères » ; ces pratiques n’ont pas réellement réussi à sauver les Pères. L’inconsistance de cette vaine manière de vivre héritée des Pères en appelait à de fausses valeurs comme l’or ou l’argent, ainsi les païens qui se référaient aux vaines idoles sans aucune consistance.

v.19 : Allusion à l’Agneau pascal qui avait préservé les fils d’Israël depuis la sortie d’Égypte. C’est tout le contraire de la vanité qui ne produit aucun fruit de salut. C’est par le sang précieux du Christ que vous avez été rachetés, sous-entendu, rien d’autre ne pourra vous racheter.

C’est gratuitement que Dieu vous a rachetés et sans aucun mérite de votre part mais par « fidélité à lui-même. » Vous ne pouvez que rendre grâce.

Reconnaissons-le, dit Édouard Cothenet, Pierre ne développe pas la théologie de la rédemption, comme le fait Paul en nous invitant à y voir la marque suprême de l’amour de Dieu. Pierre se contente de développer la typologie de l’Exode ; il importait de relever que les notions de gratuité et de lien d’alliance y sont présentes.

20 : « Prédestinés avant la fondation du monde » : le texte semble bien faire allusion au sacrifice d’Isaac qui est commémoré dans la nuit de la Pâque. Selon le récit biblique, quand l’ange du Seigneur eut empêché Abraham d’immoler son fils, apparut un bélier pris par les cornes dans un fourré. (Gn. 22,13).

Dans le judaïsme le sacrifice du bélier lors de la pâque, et par extension celui des agneaux pour l’holocauste quotidien, en était venu à rappeler le sacrifice d’Isaac. Pierre semble s’inspirer de ces développements midrashiques et présenter ainsi le Christ comme le véritable Isaac, le fils unique de la promesse.

v.21 : « Par le Christ vous croyez en Dieu qui l’a ressuscité des mort. »

Pierre apporte une précision importante sur le contenu de la foi : non pas en des dogmes ni des principes, mais foi en « quelqu’un » qui a sauvé Jésus de la mort, qui l’a ressuscité. Jésus déjà avait fait passer Marthe de la foi à la résurrection des morts à la fin des temps, à la foi dans Celui qui est la Résurrection et la Vie. Voilà qui change totalement le contenu de notre foi en Dieu qui a ressuscité Jésus et l’a associé dans sa gloire. Ce qu’il a fait pour Jésus, je crois qu’il le fera pour moi, pour chacun de nous.

Voilà qui change totalement notre espérance et lui donne un avenir associé à la gloire du Ressuscité. Grâce à l’Esprit du Ressuscité nous sommes loin d’une vie sans aucun but.