A propos des lectures de ce dimanche 

Ézéchiel, 18, 25-28

Dans la bible le chapitre 18 d’Ézéchiel marque un tournant important de la conscience morale d’Israël : tout homme est personnellement responsable devant Dieu. Cette conception est nouvelle et s’opposant à une mentalité axée sur la responsabilité collective dans le bien ou le mal et la rétribution globale : les fautes des uns pouvant retomber sur les générations suivantes.

Le point de départ est le proverbe suivant : ce sont les pères qui ont mangé des raisins verts, ce sont les fils qui en ont les dents agacées ».

Au nom de leur image de Dieu Ézéchiel et Jérémie affirment que chacun est responsable de ses actes bons ou mauvais. Il commence par dire que Dieu ne désire pas la mort du pécheur mais bien plutôt qu’il se convertisse et qu’il vive.

Dieu refuse, comme les hommes peuvent le faire si facilement, Dieu refuse d’enfermer l’homme dans son passé, mais sans cesse il lui ouvre une porte. Laquelle ?

Les prophètes constatent que l’homme n’est pas déterminé une fois pour toutes mais que le changement d’attitude est possible : aussi bien dans le sens positif que dans le sens négatif : le juste peut se pervertir, le méchant peut se convertir.

Le second enseignement de cette lecture d’Ézéchiel, c’est que la conversion est possible et au nom de Dieu il fait un appel à la conversion qui libère. L’homme n’est pas une fois pour toutes déterminé dans une voie, // le chemin de la conversion ouvre un chemin de vie : « convertissez-vous et vous vivrez » ce qui veut dire : convertissez-vous pour vivre.

Philippiens 2, 1-12

Il est bon de situer le contexte dans lequel Paul a écrit cette lettre : pourquoi et comment « entrer » dans les sentiments qui étaient ceux du Christ.

Il est intéressant de se rappeler qu’au moment où Paul écrit, il est en prison soit à Éphèse soit à Rome. Dans la communauté de Philippe il y a des rivalités de personnes : donc des manques de charité.

Pour exhorter les chrétiens à l’amour, à l’exemple du Christ – humble, Paul cite un cantique ancien des premières générations chrétiennes, un cantique qui chante admirablement bien l’unique mystère pascal de Jésus en ses deux versants inséparables : l’abaissement jusqu’à la mort et l’exaltation à la droite de Dieu. Il commence par exhorter à demeurer unis pour présenter un solide milieu de croyants.

Il va insister sur la concorde et l’unité intérieure. En suppliant de pratiquer ces vertus. C’est dire l’importance que Paul apporte à l’unité de la communauté.

Ensuite vient le thème de l’abaissement du Christ qui descend du monde de Dieu pour assumer la destinée humaine –représentée par la mort sur la croix.

Enfin, il parlera de l’exaltation et de l’établissement du Kyrios, le Christ Seigneur : réponse de Dieu à l’humiliation de son Fils, son Ascension dans la gloire. Pour Paul sa joie ne viendra de nulle part ailleurs que de savoir la communauté fortement établie dans la foi et la charité. La ruine d’une communauté c’est l’esprit de parti, la vaine gloire, la complaisance en soi, l’ambition.

Le seul remède pour lutter contre ces dérèglements, c’est que chacun estime son prochain plus qui lui-même. C’est cela l’humilité : estimer les autres plus grands que nous-mêmes. Cela suppose un regard autre, le regard du Christ sur Matthieu, sur la femme adultère, ne s’attachant pas à leur péché, à leur pauvreté mais, un regard qui porte plus loin, jusqu’à l’origine de la personne, sur ce qu’elle est en réalité : enfant de Dieu. L’humilité qui se comprend ainsi va se traduire dans une prévenance mutuelle, dans le souci aimant les uns pour les autres. C’est la base de la vie commune.

Ce que Christ a vécu, Paul ensuite, et tant d’autres, nous allons le retrouver et il faudra comme eux faire face et vivre dans la foi avec la même espérance et assurance. Paul appelle à tenir bon dans un même esprit, à vivre humblement dans l’amour sans se laisser perturber en rien par des saboteurs. C’est cela aussi espérer !

(v. 6-12) En reprenant ici un ancien hymne chrétien, Paul montre les fondements et la signification de l’humilité. L’hymne évoque l’abaissement du Christ.  « Bien que de condition divine, il n’a pas revendiqué (n’a pas tenu pour une proie) son égalité avec Dieu, au contraire, il s’est dépouillé en prenant la condition d’esclave… »

V 8 : « Il s’est humilié encore plus : la seconde étape de l’abaissement c’est la mort, le point ultime de l’abaissement qui commence par le dépouillement. Jésus s’est fait serviteur souffrant, juste persécuté, amour humilié et dépouillé. Il révèle ainsi qui est vraiment Dieu et comment il est Dieu.

Il a vécu l’obéissance : l’obéissance du Christ a une répercussion sur la communauté : elle introduit les chrétiens dans l’intimité de Dieu, dans la seigneurie du Christ. Nous pouvons trouver dans l’obéissance du Christ le sens de notre obéissance monastique…

Paul alors pose la question : alors comment peuvent-ils encore se déchirer dans le manque d’amour, dans la désobéissance ?

Matthieu 21, 28-32

Et nous découvrons dans cette parabole la psychologie des deux fils et leur relation à leur père : pour devenir fils il ne suffit pas de dire n’importe quel oui, mais bien au contraire on assiste à ce que nous savons tous : un fils qui dit non à son père, qui prend distance vis à vis de lui. Mais tout ne s’arrête pas là, après avoir pris une distance vis à vis de son père, s’être affirmé dans son non, il rentre en lui-même et prend conscience du « non » qu’il vient de dire, il se reprend, il ose changer d’avis.

Son « non » est l’occasion d’une prise de conscience de ce que son « non » voulait signifier : de la distance qu’il prenait vis à vis de son père, du refus de son père.

Le père a accepté son non, sa patience a permis que sa parole fasse son chemin dans l’esprit de son enfant, attendant qu’il se décide lui-même.

C’est ainsi que Dieu agit vis à vis de chacun de nous.

Le second fils, c’est le fils sans problème, sans question : habile dans ses relations, mais qui ne s’engage pas, et ne se pose aucune question après son « refus effectif « d’aller au champ alors qu’il a dit oui.

Le premier fils a voulu se situer face à son père, il ne l’a pas renié mais a voulu s’affirmer dans sa différence. Lorsqu’en suite il va dans sa vigne, tout un chemin a été réalisé : qui lui a permis d’engager et découvrir sa véritable liberté. Lorsqu’il part à la vigne : il est libre, libéré de son moi, il a repris la relation intime avec son père, il communie à lui.

L’un s’est rapproché de son père, à travers son refus : il communie au souci de son père : son champ…le Royaume, l’autre est resté, disons-le, enfant, inconscient de l’enjeu de la mission que son père lui confie.

Là où le père les envoie n’est pas anodin : c’est dans sa vigne qu’il les envoie.

La vigne, le Royaume, la maison d’Israël.

Où est sa vigne aujourd’hui ? où nous envoie-t-il ? L’Évangile ne se satisfait pas d’idées généreuses, ni de beaux discours ou de belles paroles…

La vigne c’est là où nous nous trouvons chaque jour, là où l’Esprit nous envoie, nous appelle : faire un bout de route avec quelqu’un de fatigué, tout simplement l’écouter, aller à la rencontre des hommes souffrants….

C’est à la vigne du Père que nous sommes appelés chaque jour à travailler.

A travers cette parabole, le Seigneur veut nous faire prendre conscience du fils que nous sommes : celui qui dit toujours oui et qui de fait est un non, ou le second qui fils qui ose dire non et ensuite se reprend et dit oui.

Notre marche sur les chemins du Seigneur n’a rien de convenu : ce qui fonde et enracine la vie chrétienne est bien la communion intime avec le Christ, et avoir entre nous les sentiments qui conviennent à des chrétiens. :

« Ayez en vous les sentiments qu’on doit avoir dans le Christ Jésus »