A propos des lectures de ce dimanche
Isaïe 55, 6-9
6 Recherchez le SEIGNEUR puisqu’il se laisse trouver, appelez-le, puisqu’il est proche.
7 Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme malfaisant, ses pensées. Qu’il retourne vers le SEIGNEUR, qui lui manifestera sa tendresse, vers notre Dieu, qui pardonne abondamment.
8 C’est que vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins – oracle du SEIGNEUR.
9 C’est que les cieux sont hauts, par rapport à la terre : ainsi mes chemins sont hauts, par rapport à vos chemins, et mes pensées, par rapport à vos pensées.
A la fin de l’Exil à Babylone, la lassitude s’est installée chez les fils d’Israël, « la Nuit et brouillard » persistaient depuis 50 ans. Bien peu croyaient encore à un possible retour. Le Seigneur allait-il tenir ses promesses de libérer les exilés et les ramener sur leur terre d’Israël ? D’autres lassés par l’attente désespérée avaient choisis de s’installer définitivement en terre étrangère tellement le pardon de Dieu à leur égard leur paraissait impensable. C’est ici que surgit l’oracle d’Isaïe que nous lisons ce dimanche : « Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ». P.E. BONNARD traduit ces versets par « Fréquentez YHWH, étant donné qu’il se laisse trouver, appelez-le, étant donné qu’il est proche ». La recherche de Dieu pendant l’exil est devenue un leitmotiv d’autant plus que Dieu se laisse trouver, se laisse fréquenter mais jamais posséder.
La conversion dont il est question au verset 7 n’est pas la cause qui détermine les tendresses de Dieu mais la conséquence souhaitée et nécessaire de cette tendresse. Son pardon n’est pas un lit de repos mais un coup d’éperon. Le Dieu que nous sommes invités à fréquenter est un Dieu qui se surpasse pour pardonner. Ses pensées ne sont pas les nôtres ! Quelle chance ! Du coup, notre recherche de Dieu doit aller plus loin que l’image que nous nous sommes faits de lui. L’oracle d’Isaïe est appel à l’audace … l’audace de croire que la fidélité de Dieu ne se trouve jamais à la merci de nos infidélités. La constance de la tendresse de Dieu ignore nos caprices. Sa grâce triomphe de nos ingratitudes. Son pardon déconcerte et exténue nos misérables ressentiments. Voilà la foi d’un croyant du 6e siècle avant Jésus Christ ! Dieu ne calcule pas, il donne ! Ainsi sommes-nous préparés à nous laisser heurter par la parabole des « ouvriers de la onzième heure ».
Philippiens 1:20-27
20 Telle est l’attente de mon ardent espoir : rien ne me confondra, je garderai au contraire toute mon assurance et, cette fois-ci comme toujours, le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure.
21 Pour moi, certes, la Vie c’est le Christ et mourir représente un gain.
22 Cependant, si la vie dans cette chair doit me permettre encore un fructueux travail, j’hésite à faire un choix…
23 Je me sens pris dans cette alternative : d’une part, j’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ, ce qui serait, et de beaucoup, bien préférable ;
24 mais de l’autre, demeurer dans la chair est plus urgent pour votre bien.
25 Au fait, ceci me persuade : je sais que je vais rester et demeurer près de vous tous pour votre avancement et la joie de votre foi,
26 afin que mon retour et ma présence parmi vous soient pour vous un nouveau sujet de fierté dans le Christ Jésus.
27 Menez seulement une vie digne de l’Évangile du Christ, afin que je constate, si je viens chez vous, ou que j’entende dire, si je reste absent, que vous tenez ferme dans un même esprit, luttant de concert et d’un cœur unanime pour la foi de l’Évangile.
La lettre aux chrétiens de Philippes, épître de la captivité, parole vivante d’un apôtre menacé de mort.
L’ensemble Phil. 1,21-26 commence par une explication : « Car pour moi, vivre c’est le Christ ». Cette explication rend compte de la tranquille indifférence que Paul a manifestée à l’égard de la mort (v.20). Si tel est son sentiment, c’est que, pour lui, « vivre », c’est « Christ », sa personne, ses dons, le bonheur de lui appartenir…Le propre de la « vie », c’est justement de triompher de la mort physique par la puissance de l’Esprit (Rom. 8,11) et de permettre au croyant d’accéder à un état de vie supérieur à tout ce que son expérience religieuse en ce monde lui assure (I Cor. 13,8-12). C’est pourquoi, écrit Paul, « mourir m’est un gain ». Mais à ce gain un autre vient se heurter dans le cœur et sous la plume de Paul. Le v.22 peut être compris de deux façons différentes suivant la coupure effectuée : soit : « Mais si la vie dans la chair doit me permettre encore un fructueux travail je ne sais que choisir ». Soit : « Mais si je dois (encore) vivre dans la chair, cela me permettra un fructueux travail. Et je ne sais que choisir ».
Quelle que soit la lecture adoptée, Paul signifie qu’il se trouve désormais face à deux avantages, entre lesquels il hésite. Il se dit pris entre deux possibilités. L’une est un avantage pour lui, l’autre pour la communauté de Philippes à laquelle on peut joindre toutes celles qui relèvent de la direction pastorale de Paul.
Matthieu 20,1-16
1 » Car il en va du Royaume des Cieux comme d’un propriétaire qui sortit au point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
2 Il convainc avec les ouvriers d’un denier pour la journée et les envoya à sa vigne.
3 Sorti vers la troisième heure, il en vit d’autres qui se tenaient, désœuvrés, sur la place,
4 et à ceux-là il dit : « Allez, vous aussi, à la vigne, et je vous donnerai un salaire équitable. »
5 Et ils y allèrent. Sorti de nouveau vers la sixième heure, puis vers la neuvième heure, il fit de même.
6 Vers la onzième heure, il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi restez-vous ici tout le jour sans travailler ? »
7 « C’est que, lui disent-ils, personne ne nous a embauchés. » Il leur dit : « Allez, vous aussi, à la vigne. «
8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers et remets à chacun son salaire, en remontant des derniers aux premiers. »
9 Ceux de la onzième heure vinrent donc et touchèrent un denier chacun.
10 Les premiers, venant à leur tour, pensèrent qu’ils allaient toucher davantage ; mais c’est un denier chacun qu’ils touchèrent, eux aussi.
11 Tout en le recevant, ils murmuraient contre le propriétaire :
12 « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons porté le fardeau de la journée, avec sa chaleur. «
13 Alors il répliqua en disant à l’un d’eux : « Mon ami, je ne te lèse en rien : n’est-ce pas d’un denier que nous sommes convenus ?
14 Prends ce qui te revient et va-t’en. Il me plaît de donner à ce dernier venu autant qu’à toi :
15 n’ai-je pas le droit de disposer de mes biens comme il me plaît ? ou faut-il que tu sois jaloux parce que je suis bon ? »
16 Voilà comment les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. «
Évitons de lire cette parabole (comme les autres d’ailleurs) au ras des pâquerettes et de taxer à priori Jésus de profondément injuste. Depuis que Pierre a été investi d’une certaine autorité, il semble plus préoccupé de son Église que de celle que Jésus veut fonder. Il ne semble pas encore avoir compris grand-chose du Royaume. Lorsque le Maître se trouve triste parce qu’un jeune ne se met pas à le suivre, il demande : « nous, nous avons tout quitté, que sera-t-il marqué sur notre fiche de paie ? ».
C’est à moment précis que Matthieu met sur les lèvres de Jésus notre parabole. Jésus veut faire une brèche dans le mur de notre bon sens, dans la forteresse de la logique humaine, Par la parabole, Jésus veut obliger à regarder plus loin que l’immédiat. Ce qui n’est jamais facile avec celles et ceux qui se prennent pour des justes. Ils sont irréprochables et à la fin, ils espèrent recevoir ce qu’ils estiment être leur dû.
Le Dieu de Jésus Christ pense autrement. C’est pourquoi Jésus veut révéler qui est son Père. Il nous propose la Bonne Nouvelle du Royaume de deux façons : (double pointe de la parabole) :
1er volet : Le Maître fait preuve d’une incessante activité. Il sort à toute heure pour embaucher. Ces chômeurs sans emploi se montrent immédiatement disponibles aussitôt que l’offre leur est faite. Le maître établit un contrat : « je vous donnerai un juste salaire », ce qui est une singulière justice qui fait fi de notre justice distributive puisque non seulement les tard-venus sont les premiers rétribués, mais ils touchent le même salaire que celui dont il avait été convenu avec les premiers.
Aussi le 2e volet de la parabole exprime-t-il l’indignation de ceux qui ont travaillé depuis le matin et sont payés au même tarif. Il n’est pas évident – aujourd’hui pas plus qu’hier – que la bonté de Dieu à l’égard des derniers séduise tout le monde. Jésus va se faire descendre parce que dans le Royaume, la justice s’inspire de la bonté du Maître. Georges Duhamel écrit : » la pure justice n’est pas charitable. La grande charité n’est pas juste » ! Voilà bien une Bonne Nouvelle si nous ne surestimons pas nos droits. Au-delà des clauses du contrat, le Maître reste capable de donner comme il l’entend. Notre œil ne se fait-il pas mauvais parce que Dieu aime gratuitement, parce que Dieu ne calcule pas mais donne ? Vivre, c’est aimer et aimer c’est risquer car quand on aime on ne calcule pas, on donne !
Cette parabole dessine bien le mode de relation que le Seigneur élabore avec nous. Il invite à l’ouvrage tous ceux qui se laissent rencontrer. Il ne se lasse pas de combler celles et ceux qui se sont mis à l’œuvre, peu importe l’âge, la condition, le passé. Ce qui compte, c’est le présent et l’avenir.
Avec chacune et chacun, selon ce que nous sommes, ce que nous pouvons et savons faire, Dieu écrit une histoire unique et incomparable. Il est incroyable, incompréhensible, et c’est cela qui nous gêne. La Bonne Nouvelle de cette parabole, la voilà : Dieu ne calcule pas. Le ciel, je ne le mérite pas, il m’est donné gratuitement. Voilà à quelle audace nous sommes invités à croire, non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour notre voisin. Puisse la Bonne Nouvelle de cette parabole nous inonder de joie au point que nous ne puissions rien faire d’autre que rendre grâce pour le don que Dieu nous fait.