A propos des textes de ce dimanche
1ère lecture : Ézéchiel 33,7-9
7 Et toi, fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part.
8 Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang.
9 Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie.
Pour que l’homme vive Dieu nous rend responsables les uns des autres
En 598 Nabuchodonosor se prépare à envahir le Moyen-Orient, la Palestine.
En vue de cette attaque le roi Sédécias fait restaurer les murs de Jérusalem : on se prépare et des guetteurs sont postés aux avant-postes stratégiques pour veiller aux mouvements des troupes ennemies et avertir le roi en cas de nécessité.
Dans une parabole Ézéchiel se voit comme un de ces veilleurs. Il transpose les mesures de sécurité militaires et civiles à sa mission prophétique, à sa responsabilité de veilleur et d’annonceur de la Parole au Peuple de Dieu. Le rôle du prophète est bien de mettre en garde mais aussi d’insister sur la responsabilité de chacun. Jusqu’ici on s’était attardé à la responsabilité collective de tout le peuple. « Ce qui est neuf c’est l’affirmation que chaque personne est responsable de ses actes et que chaque génération n’engage qu’elle seule par ses fautes ou ses mérites ».
Mission ingrate que celle du prophète, de tout prophète, mais Dieu l’envoie pour que son peuple VIVE. Comme veilleur sa mission consistera à « redire » la parole que le Seigneur lui aura transmis. Il a mission d’aider ses frères à rester fidèles à Dieu. D’une responsabilité commune du péché, on passe à la responsabilité personnelle, toujours ouverte sur le pardon et la miséricorde divine.
Notre vocation demeure bien celle d’un guetteur. « Le baptisé est un guetteur qui crie au plus fort de la désespérance : « Ne perdez pas courage, le jour se lève ». Le baptisé est celui qui pose sa main sur l’épaule de son frère en disant : « Tiens bon, tu n’es pas seul ! ». Peuple de prophètes, non seulement nous sommes appelés à témoigner aujourd’hui de l’amour du Père pour les hommes mais aussi à partager la vie que nous recevons du Christ pour que les hommes soient des VIVANTS. « Et tu auras sauvé ta vie ». Ces trois versets occupent une place particulière dans le livre d’Ézéchiel. Ces versets résument en quelques mots la mission du prophète. Ce qu’il entend de Dieu, il est obligé de le proclamer. Il doit sans cesse annoncer où et comment le Seigneur agit et agira.
Romains 13, 8-10
La charité fraternelle, accomplissement de la Loi
8 N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi.
9 En effet, les commandements : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, ainsi que tous les autres, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
10 L’amour ne fait aucun tort au prochain ; l’amour est donc le plein accomplissement de la loi.
11 D’autant que vous savez en quel temps nous sommes : voici l’heure de sortir de votre sommeil; aujourd’hui, en effet, le salut est plus près de nous qu’au moment où nous avons cru.
Comment Dieu est-il venu nous justifier, faire de nous des justes ? Son secret résidait dans la révélation de l’amour : c’est dans et par l’amour qu’il est venu nous « sauver » nous racheter, restaurer en nous l’image première, et nous rendre capables du même amour.
Imiter Dieu dans sa démarche d’amour envers les hommes, telle sera désormais la seule attitude valable pour le chrétien, le secret du bonheur pour tout homme.
Pour dire cela avec force, pour convaincre, Paul affirme qu’on ne doit avoir de dette envers personne. Mais tout de suite, il nuance sa pensée en affirmant que nous resterons sans cesse avec une dette, celle de l’amour mutuel. La justice se conçoit comme ne devoir rien à personne, mais la perfection de la justice sera toujours considérée comme redevable d’amour envers les hommes. Au moment où il allait donner le grand pardon, dans sa Pâque qui allait remettre tous les péchés et réconcilier tous les hommes avec le Père, Jésus nous laisse ce commandement, son commandement : « oui, comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » Jn. 13,34-35
La marque d’une communauté chrétienne, à fortiori d’une communauté monastique, réside dans l’amour réciproque : c.à.d. que chacun est appelé à reporter sur son frère l’amour dont il est aimé de Dieu. L’amour en Dieu n’est pas quelque chose de clos ni de définitif, une fois pour toutes : bien au contraire il va sans cesse du Père au Fils, du Fils au Père et dans l’Esprit. C’est un amour qui est tout le contraire d’un amour fermé puisqu’il s’exprime jusque dans l’envoi du Fils parmi les hommes pour leur révéler de quel amour Dieu les aime.
Jésus a affirmé que dans l’amour de Dieu et du prochain se résumait toute la Loi ainsi que tous les Prophètes. Dans le sermon sur la montagne il ajoute : « tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux : voilà la Loi et les prophètes » Mt. 7,12. Toute la loi se trouve concentrée dans le commandement nouveau donné par le Christ : la charité fraternelle, c’est la loi du Christ.
9 La clé de tous les commandements.
Le précepte de l’amour inclut tous les commandements, et chacun d’eux reçoit de lui sa consistance et doit se modeler sur lui. C’est ce que Paul dit, reprenant Lévitique 19,18 : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » et, ajoutant pris en exemple, une série de 4 préceptes du décalogue, tels qu’adultère, vol, convoitise et meurtre, auxquels il ajoute : « et tous les autres. » Il a choisi ce qui exprimait le mieux l’amour de Dieu pour son peuple et son exigence de sainteté.
Si on ne peut faire du bien, il faut tout au moins éviter de faire du mal et du tort : il terminera en disant : « la charité ne fait pas de tort au prochain. »
La règle d’or de la charité consiste à vouloir positivement du bien au prochain : tel est bien le plan de la vie commune.
10 La mystique de l’amour fraternel. Paul ne se limite pas à donner des conseils de vie morale mais il va plus loin : c’est à l’AGAPE du Christ qu’il veut nous conduire et nous introduire pour en vivre en plénitude, pour que l’agapè reçu du Christ inonde toute notre vie et nos frères et sœurs.
Que nous ne soyons jamais en repos d’amour, d’aimer nos frères. Animés par le dynamisme d’amour du Christ, répandu dans nos cœurs par l’Esprit, nous voilà entraînés sur la voie de la sainteté, de la restauration de l’image première, « à l’image du Dieu d’Amour
Évangile : Matthieu 18,15-20
15 « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et fais-lui tes reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.
16 S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins.
17 S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église, et s’il refuse d’écouter même l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen et le collecteur d’impôts.
18 En vérité, je vous le déclare : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel.
19 « Je vous le déclare encore, si deux d’entre vous, sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux.
20 Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »
A propos de ce texte
Il n’est pas de communauté sans problèmes, à moins qu’elle ne soit en train de mourir ou tout au moins de souffrir de léthargie. Dès qu’une communauté tente de vivre, éclatent en elle des différences, voire des divergences.
Dès les premiers temps l’Église, c’était déjà sans doute le cas de la communauté dont Matthieu qui connut ce genre de tensions et de conflits.
Déjà au temps de Jésus il y a des tensions entre les apôtres, les proches de Jésus. Lorsque Jésus annonce sa passion et sa mort, Pierre tente de s’y opposer. ; « non Seigneur cela ne t’arrivera pas ». Jésus va appliquer ce qu’il dit dans l’Évangile, il le reprend seul à seul : « passe derrière moi Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes »
Les paroles de Jésus sont révélatrices de tensions déjà existantes dans la communauté des apôtres et les évangiles attestent la présence d’affrontements dans les communautés naissantes qui, pourtant, croyaient à la grande fraternité universelle du Royaume inauguré par sa Pâque.
« Si ton frère vient à pécher ». « SI » ! Mais qui sommes-nous pour oser affirmer d’un autre qu’il a péché ? Un proverbe arabe nous avertit : « lorsque je montre quelqu’un du doigt, je tourne trois doigts de mon poing contre moi-même ! »
Et si vraiment nous en sommes certains, Jésus invite à passer par trois étapes. Il faut d’abord rencontrer ce frère seul à seul.
Si l’accord ne peut se faire, il faut prendre deux ou trois témoins, non pas pour assommer le coupable mais pour vérifier si nous ne nous sommes pas trompés dans le jugement. Jésus rappelle ainsi le préalable permanent de toute vie communautaire : la mise en œuvre d’une capacité de rencontre au prix d’un dépassement de nos allergies mutuelles, de nos malentendus, de nos divergences et de nos conflits. Ensuite vient le recours éventuel à l’Église. Non pas le recours à une quelconque autorité mais à une communauté d’amour.
Il s’agit fondamentalement de « gagner son frère ». La règle de Saint Benoît considère ce « gagner » comme une des qualités les plus importantes de celui qui veut être un frère.
C’est pourquoi Matthieu souligne combien nos relations interpersonnelles avec Dieu sont très contraignantes, nous rendent responsables les uns des autres, car lorsque deux ou trois sont réunis au nom de Jésus, Il est au milieu d’eux. Comment la communauté chrétienne pourrait-elle être autre chose qu’un lieu de pardon et d’amour festif ?
La Bonne Nouvelle, en ce jour, met Jésus au cœur d’une Église fondée sur la miséricorde pour qu’elle en vive, quelles que soient les tensions et les contradictions qu’elle puisse connaître, heureuse de savoir que Jésus est avec elle jusqu’à la fin des temps.
Dans le Royaume, le pardon est sans limite, la réconciliation est centrale.
Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère pèchera contre moi, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu’à sept fois » Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois (12).
Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel dit Jésus.
Autrement dit c’et la responsabilité des disciples du Christ d’ouvrir ou de fermer les portes d’une communauté, de tisser des liens ou de les refuser.
Les relations que nous établissons ici-bas ne sont pas des anecdotes passagères, elles engagent notre éternité et celles que nous avons refusé il nous en sera demandé des comptes comme le dit Dieu à Ezéchiel. Nous ne pouvons pas rester indifférent vis à vis des autres, de ceux qui sont dans le besoin.
Ce que vous faites au plus petit c’est à moi que vous le faites ajoutera Jésus à la fin de l’Évangile. Nos actes de bonté, de miséricorde ont valeur d’éternité.
Voilà résumée l’œuvre du Christ, le don qu’il nous fait : il réconcilie le monde avec Dieu et les hommes entre eux : par lui la réconciliation entre les hommes est devenue possible mais devient pour nous chrétiens notre mission principale.
Dieu met sur nos lèvres la parole de réconciliation. Il nous reste à les prononcer, à les dire lorsqu’il en est besoin.
Être des hommes et des femmes de réconciliation, telle est notre vocation.
Dans le Royaume, la prière malgré tout ensemble rend Jésus présent.
Je vous le déclare encore, si deux d’entre vous sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.