Jérémie 1/4-5.17-19
(Suggestion : ajouter à la lecture « officielle », les versets 6 à 8
De cette manière l’ensemble de la lecture se présenterait comme composé de deux strophes se terminant l’une et l’autre par ce refrain : « Je suis avec toi ».)
4 La parole du SEIGNEUR s’adressa à moi :
5 «Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré ; je fais de toi un prophète pour les nations. »
6 [Je dis : «Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais parler, je suis trop jeune.»
7 Le SEIGNEUR me dit : «Ne dis pas : Je suis trop jeune. Partout où je t’envoie, tu y vas ; tout ce que je te commande, tu le dis ;
8 n’aie peur de personne : je suis avec toi pour te libérer–oracle du SEIGNEUR.»] […]
17 Mais toi, tu vas te ceindre les reins, te lever et leur annoncer tout ce que je te commande ; ne te laisse pas accabler par eux, sinon c’est moi qui t’accablerai devant eux.
18 Moi, aujourd’hui, je fais de toi une place forte, un pilier de fer, un rempart de bronze, face au pays tout entier, face aux rois de Juda, à ses ministres, à ses prêtres et à sa milice ;
19 ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi : je suis avec toi–oracle du SEIGNEUR–pour te libérer. »
A propos de cette lecture :
La carrière prophétique de Jérémie dont le nom signifie « Yahvé est élevé » ou « que Yahvé élève » a dû commencer vers les années 627 ; à ce moment- là il a une vingtaine d’ années. Notre texte raconte le récit de sa vocation, c’est pourquoi il est bon de ne pas omettre les versets 6-8 qui confirment son jeune âge lors de l’appel du Seigneur. C’est longtemps après que Jérémie racontant ses mémoires et son appel par le Seigneur, «situe sa vocation dans une série de trois antériorités : avant sa conception, avant sa naissance, avant la découverte (certitude) de sa vocation, dès avant cela Dieu l’avait déjà choisi, consacré, institué » (Soubigou) Pour lui l’appel fut si net et clair qu’il ne doute pas : ce qu’il exprime par : « la Parole de Dieu fut sur moi, me fut adressée ».
Jérémie appartient à une famille de la tribu de Benjamin , originaire du village d’Anatot, au nord est de Jérusalem, assez proche du Royaume du Nord. Au début de sa vie de prophète vers 627, il sera « préoccupé de l’avenir de l’Israël du Nord auquel il réserve sa première prédication dans laquelle on retrouve l’influence de la prédication d’Osée, le grand prophète de l’Israël du Nord. » (Briend)
Il semble certain qu’il n’était que jeune homme quand il entendit l’appel de Dieu pour être son prophète dans une situation de crise qui présage aussi la ruine du Royaume du Sud, il entre en scène à la fin de l’époque royale, à la mort de du roi Josias d’abord, Yayakin ensuite et enfin sous Sédécias. Cette époque se termine par la ruine de Jérusalem et du Temple et par l’exil d’une grande partie de la population.
J. Briend dans le Cahier Evangile consacré à Jérémie dit qu’un des principaux arguments pour cette chronologie réside dans l’appel au célibat (Jér 16,1-9) qui signifie l’irrévocabilité du jugement de Dieu sur son peuple et qui ne peut avoir lieu avant 604. Quel sens peut avoir le célibat alors qu’il est considéré en Israël comme un état inférieur. C’est du côté du sens prophétique qu’il faut chercher en relation avec l’infidélité d’Israël qui s’est montré infidèle comme une femme trahit son compagnon, « ainsi vous m’avez trahi, maison d’Israël » 3,20. Osty écrit : « il a abandonné son grand Allié qui s’était fait son époux ».
Le refus obstiné de répondre à l’amour de Dieu va s’incarner dans le célibat de Jérémie qui sera l’image du refus de prendre la femme comme une épouse.
Établi prophète des Nations (1, 5) sa mission sera une mission à risques : une mission redoutable car sa prise de position face aux événements va entraîner l’opposition , l’hostilité, la persécution et cependant avec l’assurance que Dieu sera avec lui : « je fais de toi une ville fortifiée, une colonne inébranlable, une tour de fer » en conséquence il peut s’en remettre totalement à Dieu et être fidèle à sa mission de prophète sans crainte aucune.
La personnalité de Jérémie, manifeste un tempérament timide. D’une nature extrêmement sensible, il n’est pas un battant. Plus d’une fois il voulut renoncer à sa mission, mais jamais finalement il ne l’a fait. C’était plus fort que lui ou plutôt le Seigneur fut plus fort que lui. Malgré toutes les oppositions qu’il rencontre, YHWH reste son roc, sa référence unique, la seule raison de continuer le combat. Dieu l’a appelé, sa Parole lui a été adressée, il doit poursuivre sa mission, stimulé du dedans par l’amour de Dieu au point de ne pouvoir renoncer à la Parole qu’il doit proclamer.
L’emprise du Seigneur sur Jérémie apparaît dès le récit de sa vocation. Avant d’être formé dans le sein de sa mère, il fut « connu » par YHWH, d’une connaissance qui l’enveloppe entièrement d’un amour créateur et plein d’attention. Le Seigneur l’a aussi «consacré » dès avant sa naissance. Les prophètes sont des amis de Dieu qui, sans crainte, parlent en son nom aux hommes de leur temps. Ils dénoncent les injustices, portent un regard lucide sur les événements pour en traduire la signification religieuse. C’est à cette Parole de vérité que Dieu consacre, appelle et envoie Jérémie.
La réaction spontanée du prophète est le doute et la peur. La plupart des appelés préféreraient ne pas être appelés. Lorsqu’ils se regardent eux-mêmes et le monde qui les entoure, ils sont tentés de reculer devant la mission qui les attend. Le Seigneur récuse ce doute et cette peur : « N’ai pas peur…je suis avec toi pour te libérer ». Dieu étend sa main sur Jérémie et lui touche les lèvres car le prophète doit devenir la « bouche » de YWHW. Sa mission sera d’annoncer catastrophes et ruines, mais également bénédiction et bonheur, car sur les ruines causées par la violence du cœur humain, Dieu veut bâtir un avenir.
Le texte peut se diviser en trois parties axées sur la Parole de Dieu qui lui est adressée.
« Les versets 4-10 s’ouvrent par la formule d’introduction qui annonce un événement de parole et, de fait, la forme du texte est celle d’un dialogue entre Dieu et Jérémie ; dans lequel Dieu parle le premier pour affirmer qu’il connaît Jérémie depuis longtemps. L’ expérience traduite ici est une expérience d’audition et non pas d’abord de vision malgré le v. 9. » Dans ce dialogue Dieu parle le premier pour affirmer qu’il connaît Jérémie depuis longtemps, avant même la conception dans le sein maternel. Cette connaissance fixe un choix. Dieu connaît déjà ce qu’il veut faire tandis que l’homme n’est pas encore capable de saisir l’appel.
C’est Dieu qui a l’initiative pour son existence, sa mission, sa consécration : « je t’avais consacré » : il est mis à part en vue d’une mission. Comme Marie il présente son incapacité , sa faiblesse à parler.
Au v 7 (pas retenu) dès le départ on perçoit l’intimité qui s’établit entre le prophète et son Dieu face à la lourde tâche que le Seigneur lui confie. Être prophète de YWHW est une tâche redoutable. C’est pourquoi Dieu l’invite au courage. « Ne te laisse pas accabler », dit-il (v.17), « ceins-toi les reins, c’est-à-dire sois prêt au combat, revêts ma force pour être au service du Royaume. Le prophète est par définition celui qui parle au nom de Dieu, il n’annonce pas son propre message mais celui que Dieu lui met sur ses lèvres. C’est pourquoi très souvent le message prophétique est diamétralement opposé aux idées, à la manière d’être et d’agir de ses auditeurs. Jérémie va connaître la contestation et l’opposition, mais dans la mesure où il reste fidèle à YWHW, Dieu ne l’abandonnera pas. Dieu fera du prophète « une ville fortifiée, un pilier de fer, un rempart de bronze » et cela contre tous ceux qui le combattront : rois, prêtres et citoyens. Son seul bagage au sein de la contradiction et de l’épreuve est la parole du Seigneur : « Je serai avec toi ».
La mission de Jérémie est délicate : il est prophète des nations c.à.d. non seulement pour Israël mais aussi pour les peuples qui lui sont associés et proches. Mission délicate parce qu’elle aura un aspect politique mais aussi et surtout car elle visera la conversion.
A. Vannel dans « Aujourd’hui la Bible » écrit : « le récit de la vocation de Jérémie se présente en deux parties, séparées par la vision de l’amandier (1, 11-12) qui rappelle la présence active du Seigneur à tout ce qui va se passer… Jérémie est d’abord appelé à être prophète des nations (1, 4-19) puis son rôle redoutable vis à vis de Jérusalem et du Royaume de Juda est précisé. Mais dans l’une comme dans l’autre partie, ordre est donné au prophète de dire tout ce qui lui est ordonné. En même temps se multiplient les formules rassurantes : « ne crains pas »…« je suis avec toi… je viendrai à ton secours ».
Comme baptisés, nous sommes aussi appelés à participer à la mission prophétique de l’Église. Instinctivement nous nous éclipsons disant que nous ne sommes pas capables, que nous sommes trop jeunes, que nous ne sommes pas formés pour cela. Nous cherchons des excuses pour ne rien faire ou, dans le meilleur des cas, nous cherchons le plus souvent appui et sécurité dans les livres, les méthodes catéchétiques et. alors que l’amour fort et fidèle du Seigneur est avec nous qui nous appelle sans préalable et nous offre comme seule certitude : « Je suis avec toi ».
Jérémie 1:1 – 2:1 TOB
1 Paroles de Jérémie, fils de Hilqiyahou, l’un des prêtres résidant à Anatoth, dans le territoire de Benjamin.
2 Où la parole du SEIGNEUR s’adresse à lui, au temps de Josias, fils d’Amôn, roi de Juda, la treizième année de son règne.
3 – Elle s’adressa encore à lui au temps de Yoyaqim, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la fin de la onzième année de Sédécias, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la déportation de Jérusalem, au cinquième mois.
4 La parole du SEIGNEUR s’adressa à moi:
5 «Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais; avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré; je fais de toi un prophète pour les nations.»
6 Je dis: «Ah! Seigneur DIEU, je ne saurais parler, je suis trop jeune.»
7 Le SEIGNEUR me dit: «Ne dis pas: Je suis trop jeune. Partout où je t’envoie, tu y vas; tout ce que je te commande, tu le dis;
8 n’aie peur de personne: je suis avec toi pour te libérer – oracle du SEIGNEUR.»
9 Le SEIGNEUR, avançant la main, toucha ma bouche, et le SEIGNEUR me dit: «Ainsi je mets mes paroles dans ta bouche.
10 Sache que je te donne aujourd’hui autorité sur les nations et sur les royaumes, pour déraciner et renverser, pour ruiner et démolir, pour bâtir et planter.»
11 La parole du SEIGNEUR s’adressa à moi: «Que vois-tu, Jérémie?» Je dis: «Ce que je vois, c’est un rameau d’amandier.»
12 Le SEIGNEUR me dit: «C’est bien vu! Je veille à l’accomplissement de ma parole.»
13 La parole du SEIGNEUR s’adressa à moi une seconde fois: «Que vois-tu?» Je dis: «Ce que je vois, c’est un chaudron sur un foyer attisé grâce à une ouverture sur le nord.»
14 Le SEIGNEUR me dit: «C’est du nord qu’est attisé le malheur, pour tous les habitants du pays.
15 Je vais convoquer tous les clans des royaumes du nord – oracle du SEIGNEUR. Ils arrivent, et chacun place son trône à l’entrée des portes de Jérusalem, face aux remparts qui l’entourent et face à toutes les villes de Juda.
16 Je leur annonce mes décisions au sujet de leurs méfaits: ils m’abandonnent, ils brûlent des offrandes à d’autres dieux, ils se prosternent devant l’œuvre de leurs mains.
17 Mais toi, tu vas te ceindre les reins, te lever et leur annoncer tout ce que je te commande; ne te laisse pas accabler par eux, sinon c’est moi qui t’accablerai devant eux.
18 Moi, aujourd’hui, je fais de toi une place forte, un pilier de fer, un rempart de bronze, face au pays tout entier, face aux rois de Juda, à ses ministres, à ses prêtres et à sa milice;
19 ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi: je suis avec toi – oracle du SEIGNEUR – pour te libérer.»