Assomption 2019

Apocalypse  11,19-12,1-6.10

8  1 Quand il ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure.
11 19   Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et il y eut des éclairs, des fracas, des coups de tonnerre, un tremblement de terre et une forte grêle.
12
1 Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
2 Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement.
3 Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème
4 Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
5 Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône,
6 et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place, et ses anges furent jetés avec lui.
10 Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères, lui qui les accusait, jour et nuit, devant notre Dieu.
11 Eux mêmes l’ont vaincu par le sang de l’Agneau, par la parole dont ils furent les témoins ; détachés de leur propre vie, ils sont allés jusqu’à mourir.
12 Cieux, soyez donc dans la joie, et vous qui avez aux cieux votre demeure !

Un texte qui peut paraître étrange et pourtant chargé de l’immense espérance des premières générations chrétiennes, affrontées aux persécutions. Ce texte est le début du quatrième septénaire qui fait défiler sept signes d’une tragédie qui évoque la lutte entre le Bien et le mal dans les destinées de l’Eglise. Nous sommes invités à découvrir par delà les apparences, la face cachée de l’histoire des hommes et de toute réalité. Les souffrances de l’Eglise d’hier et d’aujourd’hui sont en fait autant de douleurs d’un enfantement  du monde nouveau. Ce livre a été écrit à l’intention de chrétiens persécutés, il adopte le genre littéraire des temps difficiles, le genre « apocalyptique », est susceptible, malgré son style déroutant et ses images surprenantes de relever et de soutenir l’espérance des communautés chrétiennes de notre temps.

« Révélation » : le Ressuscité parle à son Eglise par l’intermédiaire du « voyant » qui lui révèle le sens de l’ histoire. Révélation qui est Bonne Nouvelle pour les chrétiens persécutés sous le règne de Domitien.

En 8,1 l’Agneau, « parce qu’il a été égorgé  a été trouvé digne d’ouvrir le volume des secrets de Dieu, scellé de Sept Sceaux » ap 5,12, c’est lui qui  ouvre grand ouvert le 7e Sceau  qui scellait le Volume des Secrets de Dieu.

 C’est à lui qu’appartient le Dynamisme, la Richesse, la Sagesse, la Force, l’Honneur, la Gloire  et la Louange.

Le 7e sceau – celui de la Croix- grand ouvert, il y eut un long silence de près d’une demi-heure. Il exprime la stupeur du calvaire et celle des communautés chrétiennes, tandis que continuent de se déchaîner les passions humaines sur la face de la terre : : Dieu aussi se tait.

En 11,19 : « Un grand signe…le ciel s’ouvre et apparaît le Sanctuaire de Dieu, celui du ciel, pas celui de Jérusalem avec l’Arche de son Alliance qui est au cœur du temple. Dieu se manifeste dans son désir le plus fort et qui a été de toujours : faire alliance avec l’homme, avec son peuple. L’Arche d’Alliance, de Dieu avec les hommes,  toujours menacée, est offerte à la contemplation de tous.

Dieu révèle son projet d’Alliance et l’auteur fait intervenir  trois protagonistes de sa vision : la femme, l’enfant et le dragon.

Désormais la vision de la destinée des baptisés et de l’Eglise n’est plus réservé au seul prophète.

En 12,1  « une femme dans le ciel ». Pas un homme, pas un ange, pas une bête, mais une femme. Jean ne lui donne pas de nom. Pour Jean, «femme » ne signifie pas un titre biologique. Le terme est un signal théologique. Sans la femme, il n’y a pas de genre humain, ni d’avenir. Elle est la garante de l’avenir.  Sans elle il n’y a pas de vie, pas d’espérance. Elle enfante dans la douleur.

La femme : il ne s’agit pas d’abord de la Vierge Marie mais c’ est à la fois l’Israël le peuple de Dieu, le peuple de Jésus et l’Eglise, l’Eglise des martyrs, qui donne au monde son sauveur,  de ceux qui viennent de la grande tribulation, qui ont lavé leur tunique  et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau : voilà pourquoi ils sont devant le Trône de Dieu dans son sanctuaire.

Elle est « revêtue du soleil » cad participant déjà à la gloire du ressuscité  premier né d’entre les morts.

En effet elle est couronnée de douze étoiles, autant que de tribus dans le peuple choisi. Elle est enceinte et torturée par les douleurs, telle la Fille de Sion en Isaïe 51,1,60,62 et 66,6-10. L’ enfantement  dont il est ici question n’est nullement celui de Bethléem, mais celui de la Croix.

Comme le peuple d’Israël, la femme s’enfuit au désert C’est dans le dépouillement total que l’on peut découvrir la présence de Dieu.

Israël a toujours su que Dieu se fait connaître dans l’abandon total. Sans désert, le peuple ne serait jamais devenu une communauté. La femme s’enfuit au désert, la communauté ecclésiale va naître. La victoire de la femme est celle de la communauté fidèle au Christ ; Marie en est la préfiguration.

C’est finalement la victoire  et l’histoire de l’humanité qui est dépeinte dans ce texte. C’est la lutte, le combat pour un monde nouveau quoique l’adversaire est toujours aussi menaçant.

Dans la destinée de Marie se révèle la vie de l’Eglise au long des siècles.

La victoire de la Femme est celle de la communauté humaine emmenée par le Christ. Marie en est la préfiguration.

L’Eglise d’Orient a vu depuis toujours dans ce texte une préfiguration de Marie, cette femme-peuple de Dieu, prototype achevé de la destinée finale à laquelle toute l’Eglise est appelée. L’arche d’alliance nouvelle, toujours menacée, est offerte à tout le peuple des croyants.

Pour respecter le texte il faut bien dire que la Femme de l’Apocalypse  n’est pas d’abord la Vierge Marie mais l’Eglise dans laquelle se révèle et s’accomplit la destinée de Marie.

La femme représente l’humanité coopérant aux plans de Dieu, mais aussi Marie qui donne naissance à Jésus : c’est aussi l’Eglise qui fuit au désert cad qui vit spirituellement retirée du monde et nourrie par la Parole de Dieu pendant les persécutions : mille deux cent soixante jours ou trois ans et demi.

Un dragon infernal ( Il s’agit de Satan, l’antique serpent de la Genèse 3,15.) est prêt à  dévorer l’enfant qu’elle va mettre au monde, il  veut rendre tout avenir impossible. Il  personnifie la  force qui s’oppose à Dieu et  tente de détruire son œuvre : on l’identifie au tentateur au début de la Genèse. Le dragon a sept têtes pour bien manifester son omni-présence, ses multiples inventions, les dix cornes( chiffre imparfait) indiquent que son pouvoir n’est pas invincible

Lors de la naissance de l’enfant, point d’anges qui chantent dans le ciel, mais un dragon. L’auteur le sait, la naissance du Messie porte déjà en germe le mystère de la croix. La grande confrontation entre la Femme et le Dragon, sa descendance et celle du serpent est engagée. La naissance de l’Emmanuel, sa vie au désert jusqu’à sa capacité  d’exercer le jugement est ici évoquée.

Il a été vaincu au ciel  mais dans sa chute il a entraîné un certain nombre d’anges ( le tiers des étoiles)

Il y a l’Enfant qu’elle met au monde. Il s’agit du Messie, du Christ. Le titre que lui donne ici l’auteur » berger de toutes les nations » emprunté au Ps 2, ne laisse aucun doute. Satan se préparait à l’anéantir sur la croix, mais en ressuscitant il a échappé à la haine du serpent.

Alors que le peuple de Dieu est prêt à enfanter le Messie, le Mal mobilise toutes ses forces afin de l’anéantir. Un instant Satan croit avoir remporté la victoire puisqu’il réussit à faire mourir le Christ sur la croix. Mais Dieu arrache son Messie à la puissance du Mauvais et l’ »enlève près de lui » ( par sa résurrection, vue ici comme une exaltation dans la gloire, Jésus est intronisé comme Seigneur)

L’Eglise peuple de Dieu en marche, vit au « désert » comme autrefois le peuple de l’Exode. C’est dans l’épreuve ,dans la douleur, que jusqu’à la fin des temps, elle doit enfanter le Christ.

Mais sa foi et son espérance demeurent inébranlables, car elle est certaine qu’à la fin son  Seigneur triomphera.

12,7  Le plan de Dieu pour le monde vient d’être révélé :le Fils de Dieu doit se faire homme et ressusciter comme sauveur  de toute l’humanité.

Ce mystère cause une double crise : dans le monde des esprits et dans l’humanité

« Les versets 10-12 sont une anamnèse dont une voix puissante – celle de Yahvé- proclame  à nouveau l’avènement d’une ère nouvelle et le prestige de l’Agneau-le renversement de l’accusateur de nos frères à la face du Dieu : allusion au livre de Job où Satan est nommé l’accusateur du juste – et la victoire , par le Sang de l’Agneau, de ces gens-là qui ont rendu témoignage à sa Parole, jusqu’au don de leur vie. Telle est la raison de l’émerveillement , non seulement des élus dans les cieux, mais de l’Eglise de la terre en train d’y planter déjà leur tente. Nos eucharisties nous associent à l’émerveillement de la Jérusalem céleste. » A. Ruelle dans Prions Ensemble.