Isaïe 9:1-6

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as fait abonder leur allégresse, tu as fait grandir leur joie. Ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit à la moisson, comme on jubile au partage du butin.
Car le joug qui pesait sur lui, le bâton à son épaule, le gourdin de son chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de Madiân.
Tout brodequin dont le piétinement ébranle le sol et tout manteau roulé dans le sang deviennent bons à brûler, proie du feu.
Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné. La souveraineté est sur ses épaules. On proclame son nom : « Merveilleux – Conseiller, Dieu – Fort, Père à jamais, Prince de la paix.»
Il y aura une souveraineté étendue et une paix sans fin pour le trône de David et pour sa royauté, qu’il établira et affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours – l’ardeur du SEIGNEUR, le tout-puissant, fera cela.

De la terreur à la paix.

Situons cet oracle : il y a deux Royaumes en Israël : au nord le Royaume d’Israël et au sud le Royaume de Juda. C’est Achaz qui règne en Juda, royaume du sud et Isaïe est son conseiller. Cet oracle a pu être prononcé pendant les années de la disparition du royaume du Nord après l’attaque par les Assyriens (734-721).

Le roi de Damas a fait alliance avec Pekat le roi de Samarie et le royaume du sud est menacé. Ce dernier voudrait qu’Achaz, roi de Jérusalem, se joigne à lui.

Achaz voudrait refuser mais il craint face à la puissance assyrienne, il est pris de panique. Dans sa détresse il va jusqu’à immoler aux divinités son propre fils appelé à régner à sa suite. Finalement il consent à « faire alliance avec le roi d’Assyrie en acceptant son hégémonie, donc en lui payant un lourd tribu et en faisant du royaume de Juda un royaume vassal. C’est ce qui s’est finalement produit (2R 16,7-9) malgré l’opposition du prophète Isaïe qui estime la résistance possible comptant sur la force de Dieu et la stratégie d’Achaz (canal de Siloé) » Feu Nouveau p. 67.
La paix universelle promise par le Seigneur par la bouche de son prophète dès le début du livre prend aujourd’hui un visage : celui d’un enfant qui est aussi un roi et sur qui repose le destin de tout le peuple. Isaïe est l’homme qui rend concrète l’espérance d’Israël : Dieu se manifeste dans l’histoire et non seulement au terme de l’histoire.
Dieu n’abandonne pas son peuple et ne renie pas sa promesse d’Alliance.
Le texte que nous lisons est l’exultation d’Isaïe à l’annonce de cette naissance. Ce que le peuple attend c’est quelqu’un qui sécurisera le pays et apportera la paix. Par la bouche d’Isaïe Dieu va lui annoncer la naissance d’un fils qui s’appellera Ezechias. Ce fils prometteur portera un nom : « Merveilleux – Conseiller, Dieu – Fort, Père à jamais, Prince de la paix. ». Sous un seul nom.

Plus tard Isaïe réalisera qu’Ezekias n’est pas le guide parfait voulu par Dieu. Ce guide viendra plus tard. Le peuple va donc attendre sa venue.

V1. « Dans les ténèbres » : le prophète voit déjà le peuple du nord partant en exil, victime de l’oppression assyrienne. Une belle antithèse : lumière-ténèbres. Mais voici qu’aux ténèbres succède la lumière : le prophète voit déjà la lumière brillant sur les opprimés du pays de l’obscurité.  Quelle est cette lumière ? Ponthot écrit dans Assemblée du Seigneur 10p 9 : « au sein des drames et des inquiétudes de la nation, Isaïe aurait proclamé sa foi en l’avènement d’un roi idéal, avènement lointain peut-être mais qu’il présente déjà comme actuel et assuré tant est grande sa confiance en la fidélité de Yahvé…en dépit des vicissitudes présentes, sa foi au Dieu de l’Alliance lui fait voir par anticipation l’heureux accomplissement de la destinée de la nation. »
V2 : « tu as fait abonder… » : c’est déjà la joie qui est annoncée, comparée à celle de la moisson ou lorsqu’on partage le butin : « deux images qui évoquent, l’une la prospérité, l’autre la sécurité dont jouit le pays victorieux » FN
V3 -4 : « tu as brisé le joug… » Le prophète voit déjà la déroute des ennemis, elle est totale : tous les instruments qui servaient à son asservissement sont définitivement détruits, brûlés, anéantis. Le prophète voit-il déjà l’abolition de la torture, de l’esclavage et les traités de paix plus lointains ? sans doute le Royaume que Jésus annoncera et la fin de toute guerre ?
V5 : c’est un faire-part de naissance qui vient tout bousculer et transformer. Isaïe pouvait sans doute penser à un futur roi pour Juda. « Le prince héritier reçoit une série de titres royaux qui sont énumérés à la manière d’un protocole d’intronisation royale, et qui ont une valeur de programme pour l’action du nouveau roi en tant que « Conseiller merveilleux » il aura lui-même l’intelligence nécessaire et n’aura pas besoin des conseils humains de courtisans faillibles, voire mauvais (comme ceux d’Achaz), comme « Dieu fort » ou « guerrier »,.. » Feu Nouveau S. Beaubeuf
V6 : Il ne s’agit pas d’un de ces chefs prestigieux que l’histoire a connu, qui rêvaient de transformer toute la terre et de l’asservir : nous sommes dans un tout autre ordre il aura une puissance toute divine, une sagesse surnaturelle comme celle de Salomon et son autorité de « Prince de la paix » s’affermira dans une œuvre de Paix.
L’annonce de la naissance d’un héritier royal annonce et inaugure le salut non seulement dans l’immédiat mais aussi celle d’un messianisme divin. J. Vermeylen dans « Les prophètes d’Isaïe » éclaire la lecture : « L’allusion à David est explicite…l’empire de David est reconstitué dans toute son étendue ; il ne sera plus divisé…Le prophète insistera jusqu’à la fin de son ministère sur l’exigence de YHWH, qui sauve celui qui ose se confier en lui, mais punit de mort celui qui met son espoir dans les intrigues humaines ».
Au cœur des drames qui touchent la nation Isaïe proclame sa foi en l’événement plus lointain d’un roi idéal tant est grande la confiance d’Isaïe en la fidélité de Dieu à son Alliance. Les alliances terrestres (comme Achaz voudrait faire) ne serviront à rien sans compter sur l’Alliance avec le Seigneur. C’est ce que proclame le prophète au V6 : « il ne s’agit pas d’un épisode transitoire mais une institution éternelle, ni d’un événement quelconque mais d’une œuvre divine due à la jalousie du Dieu des armées. Cette jalousie est un rappel des promesses et des exigences divines : Dieu est un Dieu jaloux » Auvray – Sources bibliques p 125
Il s’agit avant tout d’une œuvre de Dieu, une œuvre d’amour du Dieu d’amour : le Messie qui ne peut cependant nous sauver malgré nous de la violence, de la pollution et des conséquences de notre péché. Lorsque Jésus prendra la parole en s’inspirant de ce passage d’Isaïe il s’identifiera au Messager promis dépassant tout messianisme national.