1ère lecture   Actes 13,14-46

Quant à eux, quittant Pergé, ils poursuivirent leur route et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent dans la synagogue et s’assirent. Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur firent dire : « Frères, si vous avez quelques mots d’exhortation à adresser au peuple, prenez la parole !»

Paul alors se leva, fit signe de la main et dit : « Israélites, et vous qui craignez Dieu, écoutez-moi.

« Frères, que vous soyez des fils de la race d’Abraham ou de ceux, parmi vous, qui craignent Dieu, c’est à nous que cette parole de salut a été envoyée.

La population de Jérusalem et ses chefs ont méconnu Jésus ; et, en le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes qu’on lit chaque sabbat.  28 Sans avoir trouvé aucune raison de le mettre à mort, ils ont demandé à Pilate de le faire périr et, une fois qu’ils ont eu accompli tout ce qui était écrit à son sujet, ils l’ont descendu du bois et déposé dans un tombeau.

Mais Dieu l’a ressuscité des morts, et il est apparu pendant plusieurs jours à ceux qui étaient montés avec lui de la Galilée à Jérusalem, eux qui sont maintenant ses témoins devant le peuple.

« Nous aussi, nous vous annonçons cette bonne nouvelle : la promesse faite aux pères,

Dieu l’a pleinement accomplie à l’égard de nous, leurs enfants, quand il a ressuscité Jésus, comme il est écrit au psaume second : Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré.

Quand l’assemblée se fut dispersée, un bon nombre de Juifs et de prosélytes adorateurs accompagnèrent Paul et Barnabas qui, dans leurs entretiens avec eux, les engageaient à rester attachés à la grâce de Dieu.

Le sabbat venu, presque toute la ville s’était rassemblée pour écouter la parole du Seigneur.

À la vue de cette foule, les Juifs furent pris de fureur, et c’était des injures qu’ils opposaient aux paroles de Paul. 

Paul et Barnabas eurent alors la hardiesse de déclarer : « C’est à vous d’abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens.

Car tel est bien l’ordre que nous tenons du Seigneur : Je t’ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre. »

À ces mots, les païens, tout joyeux, glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui se trouvaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants.

La parole du Seigneur gagnait toute la contrée.

Mais les Juifs jetèrent l’agitation parmi les femmes de haut rang qui adoraient Dieu ainsi que parmi les notables de la ville ; ils provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas et les chassèrent de leur territoire.  51 Ceux-ci, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium ; quant aux disciples, ils restaient remplis de joie et d’Esprit Saint. 

 

A propos de cette lecture :

Bilan de la première évangélisation.

 

Il est sans aucun doute dommage que dans cette lecture nous n’entendions rien du discours de Paul dans la synagogue d’Antioche et que nous prenions seulement connaissance de la réaction des auditeurs.  On aurait pu au moins retenir les versets concernant la proclamation du « kérygme » qui déclenche le conflit. En regardant ces versets, on constate combien Paul ne voit aucune différence entre la façon dont Dieu agit avec son peuple et l’action de Jésus.

 

A Antioche, face au refus des juifs il se tournent vers les païens de manière accusatrice (v 46) « Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. ». La porte de la foi est ouverte aux païens 

L’annonce de l’Évangile aux croyants juifs rencontre une hostilité parfois farouche et cette tentative d’évangélisation semble être un fiasco mais c’est justement ce qui semble un « raté » qui va faire sauter les frontières du nationalisme religieux, des lois et des traditions sclérosées. Notre foi se fonde sur la grande histoire d’Israël dont Jésus est le fils par excellence.

Dans cette optique, soulignons la réponse de Paul et Barnabé à leurs détracteurs : « c’est à vous d’abord que devait être adressée la Parole de Dieu ». Les Juifs restent et resteront le peuple élu et les premiers bénéficiaires de la Parole de Dieu, mais « puisque vous rejetez la Parole, eh bien nous nous tournerons vers les païens ».  Nous assistons au grand tournant qu’a pris l’Eglise primitive, à savoir la brèche qu’elle ouvre dans le monde païen qui jusque là était resté totalement extérieur, étranger.

Cette entrée des païens dans la communauté n’a pas été sans problème tant du côté des juifs que du côté des apôtres. Jésus n’avait –il pas annoncé  qu’il fallait qu’il fallait  qu’ils annoncent la Bonne Nouvelle du Royaume aux en priorité. C’est à partir de Pentecôte, étape décisive, que l’Esprit envoie Barnabé et Paul à Antioche.

Quel chemin parcouru depuis Jérusalem où ils ne s’adressaient qu’aux juifs selon les consignes de Jésus : «  n’allez  pas chez les païens » Mc 6,8 Ce qui n’est pas sans poser  de problème dans la fidélité au Christ.

Ce n’est pas connaître les chemins de l’Esprit qui sans cesse va au delà des frontières et provoquent l’espérance.  C’est vrai qu’il fallait d’abord privilégier l’annonce aux juifs  (v46). Jacques Dupont écrit qu’on retrouve  ce « d’abord »  lorsque Jésus dit à la Syro-Phénicienne  « qu’il faut d’abord laisser les enfants se rassasier et ne pas jeter le pain aux petits chiens ». C’est un problème théologique de fidélité au Christ. Crise ?

Si l’Apôtre change l’orientation, il légitime sa manière de faire en se basant sur les Écritures. Paul a su se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu sans se laisser bloquer par la lettre mais toujours à la recherche du sens profond qui s’y trouve caché. Si la première Église se tourne vers les païens, c’est pour accomplir les Écritures et non pas en raison d’un refus de la part de certains juifs d’Antioche. Il ne s’agit pas d’un rejet des Juifs. Paul est resté juif. Le texte nous montre à quel point il est resté fidèle au shabbat. Jésus est né et est mort juif. L’Église ne sera jamais un nouvel Israël qui se substituerait à l’ancien. L’erreur juive est de craindre que le peuple élu ne subsisterait pas dans l’Église. L’erreur chrétienne consisterait à vouloir exclure Israël.

Rien n’est   définitivement acquis : des ghettos se forment, de nouvelles frontières s’établissent. Le souffle de l’Esprit se heurte aux murs de l’immobilisme et de la peur. La parole est manipulée par des idéologies, enfouies sous des définitions et réglementations. Elle n’est pas écoutée mais continue à faire grincer des dents des croyants qui la repoussent

V46 : « pleins d’assurance… » C’est dit Jacques Dupont, cette liberté de langage qui avait frappé le Sanhédrite dans l’attitude de Pierre et Jean (4,13), ce qui aussi caractérise la prédication de Paul.

V47 : S’inspire d’Isaïe 49,6 parlant du Christ pour appuyer leur démarche d’universalisme qui est dans le droit fil de la mission de Jésus. La communauté des croyants est appelée à la suite du Christ et dans la fidélité à être lumière pour les Nations.

V48 : C’est en référence à Jésus Christ ressuscité que les païens glorifient la parole de Dieu qui était arrivée jusqu’à eux, et qui est source de joie.

La joie est le trait distinctif des convertis qu’on retrouve tout au long des Actes. Le ministre éthiopien que Philippe avait baptisé sur la route « continue sa route plein de joie ». Quelle est cette joie ? La joie de l’Esprit. C’est au verset 51 que nous avons la réponse « ils étaient remplis de joie et d’Esprit Saint », l’Esprit de Jésus reçu au Jourdain et qu’il envoie sur le monde en remettant son esprit au Père.

 

A propos des versets 12 à 52 de ce chapitre 13, Daniel Marguerat parle d’un « modèle prophétique de rupture ». « Lors de la prédication à la synagogue d’Antioche de Pisidie, qui inaugure la mission de Paul avec Barnabé…il y a un premier temps : Paul prêche, relisant l’histoire du salut à partir de la lignée davidique, et termine sur un appel à accepter la ‘justification que vous n’avez pas pu trouver dans la loi de Moïse’ (13/38 : le vocabulaire sonne très paulinien !) Bon nombre de ‘juifs et de prosélytes adorateurs’ (13/43) sont intéressés ; ils prient les missionnaires de revenir. Second temps : le sabbat suivant, à la vue de ‘toute la ville’, rassemblée pour écouter la parole du Seigneur (13/44) les juifs contredisent Paul en blasphémant. Celui-ci déclare qu’il se tournera alors vers les païens, et fonde ce mandat sur la prophétie d’Esaïe 49/6 : ‘Je t’ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre.’ En réaction, les juifs fomentent une émeute dans la ville et parviennent à faire expulser Paul et Barnabé (13/50). Il vaut la peine d’observer de près cette rupture car elle établit…un lien de causalité entre le refus juif et l’extension de la prédication aux païens.

Quelles sont les causes de la rupture ? C’est à la vue de ‘toute la ville’ rassemblée autour des missionnaires et devant leur succès… Luc signale sur quel point précis éclate le conflit : c’est la diffusion de la ‘parole du Seigneur’ à la foule païenne qui paraît intolérable aux juifs d’Antioche.

Comment Paul interprète-t-il le refus des juifs d’Antioche ? La priorité d’Israël est respectée mais le maintient l’extension que contestent ses interlocuteurs. Paul affirme ensuite que repousser cette parole revient à se juger soi-même ‘indigne de la vie éternelle’ (13/46) ; donc, Israël se coupe d’une grâce qu’il pensait posséder. La citation d’Esaïe 49/6 signale enfin que l’offre universelle du salut, devant laquelle s’indignent les juifs, s’inscrit pourtant dans la ligne de l’Écriture.

Comment s’opère la rupture ? Le rite des pieds secoués n’est pas porteur de malédiction ; il impute aux juifs la culpabilité du rejet et absout Paul de toute responsabilité dans la rupture ».