1ère lecture : Amos 8, 4-7

8
1 Le Seigneur Dieu me donna cette vision : c’était une corbeille de fruits mûrs.
2 Il dit : « Que vois-tu, Amos ? » Je répondis : « Une corbeille de fruits mûrs. » Le Seigneur me dit : « Mon peuple Israël est mûr, sa fin est arrivée ; j’en ai fini de passer outre en sa faveur.
3  Ce jour-là, les chants du palais hurleront,
– oracle du Seigneur Dieu. Nombreux seront les cadavres, en tout lieu on les jettera. Silence !
4 Écoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays,
5 car vous dites : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances.
6 Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! »
7 Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits.

A propos de cette lecture :

Amos, est prophète originaire de Tequoa, une petite cité au sud de Bethléem, dans le Royaume du sud , aux confins du désert de  Juda. Il est le premier prophète à nous laisser des traces écrites de ses oracles. Il qualifie son message de «rugissement de lion », car il entend réveiller Israël de sa torpeur et lui crier quelques vérités. Dieudonné Dufrasne dit qu’il n’a pas fallu de longues années de paix pour que s’installent en Israël le luxe et la corruption. Dès que le monde vit dans la paix, les institutions font surgir  une classe de gens aisés, de fonctionnaires qui usent du pouvoir que leur donne le roi, celui qui a pris le pouvoir »

De par ses fonctions, tout en veillant sur les troupeaux du roi Jéroboam, en exerçant les fonctions de scribe à la cour royale à une époque de grande prospérité, (8ième siècle avant J.C.).Amos est proche de ce milieu corrompu et constate la misère, la faim, les injustices criantes. Même la fête de la Nouvelle Lune et le Sabbat perdent tout leur sens : le repos est mis à profit pour chercher de nouveaux moyens de fraude et d’oppressions des pauvres.  Aujourd’hui, les chantiers archéologiques mettent au jour les vestiges de vastes maisons, de résidences d’été et d’hiver, de sépultures somptueuses contenant des lits d’ivoire témoins de la grande prospérité et du luxe des milieux privilégiés. En contrepartie et parallèlement aux nouveaux riches, on découvre des vestiges de « bidonvilles de l’époque», témoins de l’accroissement de la classe des pauvres, les anawim, où s’entassent les victimes de l’exploitation de l’homme par l’homme. Les petits se sont vus réduits en esclavage en raison de leurs dettes. La race des commerçants s’accroît avec le seul objectif : amasser au maximum. Ils apparaissent comme les puissants qui ont barre sur les anawim, les humiliés sans défense, qui constituent une collectivité sans cesse croissante.

Les richesses sont mal réparties : les riches vivent dans un luxe qui crie vengeance et les pauvres en sont les victimes, la situation semble normale et personne n’ose dénoncer l’injustice. Sinon Amos, qui par ses fonctions, est devenu proche de ces laissés-pour-compte . « A jets continus Amos exprime les rugissement de Yahvé contre les transactions frauduleuses de Jérusalem et de Samarie dont il annonce le châtiment » Armilde

Le Seigneur lui fait entrevoir que la saison de haute prospérité, au prix de l’exploitation des pauvres, touche à sa fin. Il entend les rugissements, la voix du Seigneur qui tonne contre les forfaits de l’exploitation des pauvres par les riches.

Israël s’est endormi, reposé sur une « fausse sécurité et se laisse emporter par un délire de jouissance, Amos lui crie qu’un temps mauvais est arrivé et que les pires catastrophes la menacent… ; prépare-toi à rencontrer ton Dieu Israël » Osty. Il ne cite pas de nom mais l’action et les auteurs : «  vous qui cherchez le pauvre pour anéantir les humbles » : voilà ce qui est reproché.

Amos a plusieurs visions dans lesquelles il voit les châtiments que le Seigneur va envoyer à son peuple. Après la vision des sauterelles qui envahissent et dévorent toutes les récoltes, vient celle de la sécheresse qui anéantit  aussi tout ce qui reste de verdure , puis arrive la vision du « fil a plomb- qui semble suggérer que le mur symbolique, en se bombant, a perdu son équilibre et menace de s’écrouler ». Osty. La quatrième vision, une corbeille de fruits murs se relie à la troisième : Israël est mur pour la fin, prête à s’écrouler par manque de rigueur.

Amos annonce que la fin est venue, l’ère de prospérité et d’exploitation est terminée. « En hébreu il y a ici un  jeu de mots d’une ironie grinçante : les mots fin et fruits quaïc et queç sonnent de la même manière. C’est la fin des fruits pour les piétineurs des pauvres. (v.4) » A.Ruelle

v.5.6.  L’impatience des riches trouve beaucoup trop longs les sabbats, les néoménies, ces temps où le commerce est interdit et trépignent d’impatience attendant de pouvoir reprendre leurs tractations malhonnêtes. Déjà ils cogitent et supputent de nouveaux moyens d’exploiter les pauvres.  Le Shabbat, oui, mais qu’il soit vite passé pour pouvoir à nouveau faire du commerce et exploiter le pauvre.

Elena di Pede dans Feu Nouveau note chez Amos la dénonciation de trois attitudes dégradantes : la fraude commerciale dans le trucage des balances. Ce mensonge devient instrument d’injustice dans la mesure où la richesse accumulée devient moyen d’oppression sur les pauvres qui ne pourront jamais s’en remettre et même obligés de se vendre. Et finalement il «  dénonce l’apparente légalité de ces pratiques commerciales, ce qui rend le crime encore plus odieux »

Le prophète leur fait comprendre combien ils ont réduit à néant les mots de l’alliance. C’est le Seigneur et non le riche qui reste le garant du droit et de la justice dans les relations entre frères ; l’argent, telle une idole de remplacement, ne peut pas venir tout pourrir !

Amos, après s’être déclaré vrai prophète, lui qui ne l’avait pas recherché car c’est le Seigneur qui était venu le prendre « de derrière le troupeau et lui avait dit : « Va prophétiser à mon peuple », avait obéi. Parce qu’il a osé annoncer ces catastrophes auxquelles se sont ajoutées la mort par le glaive de Jéroboam et la déportation du peuple,  il fut expulsé de Béthel.

Il suffirait de remplacer les noms bibliques par ceux des Etats de notre temps et le texte d’Amos retrouverait toute sa force et sa signification. Chaque image correspond toujours à une situation concrète et dénonce des crimes perpétrés aujourd’hui encore.

« La parole d’Amos est sans doute la première revendication de justice sociale qui ait jamais retenti, même si elle demeure 2725 ans après, tout aussi actuelle », écrit Chouraqui dans son introduction à la traduction de livre d’Amos.

C’est plus qu’à une révision de vie qu’est appelé le peuple et nous aussi. Quel usage faisons-nous de l’argent ? Quel est notre rapport à l’argent ? Quelle place prend-il dans nos vies et nos choix, face aux pauvres d’aujourd’hui ?