Siracide 3,17-18.20 28-29

17 Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
18 Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
19 Beaucoup sont haut placés et glorieux, mais c’est aux humbles que le Seigneur révèle ses secrets.
20 Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire.
21 Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi, ne scrute pas ce qui est au-dessus de tes forces.
22  Médite ce qu’on t’a prescrit : tu n’as pas à t’occuper des choses cachées.
23 Ne sois pas curieux de ce qui te dépasse : déjà ce qu’on t’a enseigné est au-delà de l’esprit humain.
24 Leur présomption a égaré bien des gens, leur manque de jugement a fait dévier leurs pensées.
25 Si tes yeux n’avaient pas de prunelles, tu serais privé de lumière ; alors, si tu es dénué de science, ne te vante pas !
26 Un cœur endurci finira dans le malheur, celui qui aime le danger s’y perdra.
27 Un cœur endurci sera écrasé de peines, le pécheur entasse péché sur péché.
28 La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui.
29 Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

A propos de cette lecture :

L’Eglise nous met aujourd’hui à l’école d’un sage : Jésus, fils de Sirac. D’où le nom de son œuvre : « Livre de Ben (= fils) Sirac le Sage », appelé aussi Siracide.
Jésus ben Sirac tenait une école de philosophie à Jérusalem au début du 2e siècle avant Jésus-Christ. L’auteur s’appelait Jésus et selon la coutume on disait de qui il était le fils : en hébreu fils se traduit par ben, donc ici Jésus ben Sirac  cad Jésus fils de Sirac.

C’est plus tard que les milieux chrétiens ont pris comme titre « Ecclésiastique » sans doute pour signifier que cet ouvrage très vite a été lu dans l’assemblée liturgique chrétienne et dans les vieilles synagogues du Caire.

C’est vers 190 avant Jésus Christ que Jésus Ben Sira rédige en hébreu une instruction  de sagesse dans le but d’éclairer le discernement des hommes de sont temps infleucncés par la culture grecque ambiante. Il s’agit pour lui avant tout de réaffirmer le patrimoine spirituel d’Israël  et affermir la foi face à l’envahissement de l’hellénisme.Ses référence sont essentiellement les Proverbes, Job, l’Ecclésiaste. La traduction grecque, faite en Egypte, fut commencée en 132 avant Jésus-Christ . Ce n’est qu’en 1896 que fut découvert une bonne partie du texte original en hébreu puis une partie encore  vers les années 60 et à Massada en 64.

Le Père Sandevoir écrit dans « la Bible et son message » « alors que les manuscrits du Caire datent de Moyen-Age, entre le 9e et 12e siècle, ceux que Qumram et Massada datent au plus tard du 1er siècle de notre ère.

La Palestine est sous la domination des Séleucides dès 198 avant notre ère et l’influence se fait sentir sur les mentalités et les comportements. La tentation est d’imiter la mode du temps qui est alors celle du commerce, des affaires au détriment de la sagesse traditionnelle. Nous nous trouvons au sein d’un conflit entre deux sagesses : la course à la fortune , aux premières places et la sagesse de la folie de Dieu.

Le sage est soucieux de mettre son disciple qu’il considère comme son fils, à l’école du réel. Il n’avance pas des idées, des définitions théoriques de l’humilité ou de l’orgueil. Le savoir du sage, c’est un savoir-vivre qui prend des formes multiples : savoir regarder, savoir parler, savoir faire. Le fondateur de la JOC , Cardijn proposait aux jeunes le voir, juger, agir, qui introduisent dans la sagesse évangélique.

Docilité au réel telle est la le chemin du Sage : «  Pour lui tout est parabole, tout a un sens, tut nous parle, tout nous  interroge. Les sage est toujours à l’école ; il se laisse toujours instruire. N’est-ce pas là une forme d’humilité ? » Lacan dans Assemb. du Seigneur 53.70

« Mon fils » ! dès le début, le Siracide invite à prendre une attitude d’attention et docilité, une attitude de disciple devant celui qui parle en père : oui on peut s’intéresser à ces philosophies étrangères à condition de garder sauve la tradition religieuse des ancêtres et de la vivre.

La liturgie de ce dimanche retient cinq maximes sur l’humilité que le maître propose à ses élèves : sois doux, sois modeste, prends modèle sur les humbles, l’orgueil enracine tous les péchés, sois homme d’écoute Pourquoi insister sur l’humilité ? Elle permet d’entrer dans une relation juste avec le Seigneur alors que l’orgueil nous laisse à l’extérieur.

Son premier conseil consiste à se comporter avec douceur et humilité. Sophonie (2/1-3) proclame que l’humble douceur sera la note caractéristique d’Israël lorsque le peuple se sera converti, devenu tel que Dieu le veut. « Douceur – humilité », les deux faces de cette attitude fondamentale que Christ fera sienne : « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Mt. 11/29). L’auteur biblique n’en donne pas une définition mais il en souligne la fécondité. Son expérience lui apprend que la douceur d’un homme d’action exerce un mystérieux attrait sur son entourage. Agir avec douceur, c’est tenir compte des personnes, les traiter avec respect, se comporter avec mesure et patience. Celui qui agit ainsi ne sera pas seulement quelqu’un de valeur dont l’action attire l’estime, mais il également un homme de cœur dont la personne attire l’amitié.

Le second conseil : L’humilité n’empêche nullement l’homme  d’être grand et de le savoir, mais elle le situe devant Dieu dont il sait la grandeur et le garde dans la modestie. Devant Dieu, l’humble reconnaît ce qui est, la vérité de son être, il accepte de se sentir petit devant le «Très-Haut », si grand puisse-t-il être. Il glorifie Dieu en reconnaissant qu’il lui doit d’être ce qu’il est. Il lui doit tout d’autant plus qu’il se découvre plus grand. Heureux l’humble qui s’ouvre à l’amour gratuit de Dieu et qui par sa douceur manifeste cet amour qui le comble et le transforme.

Si trois versets sont nécessaires pour démontrer que l’humilité mène au bonheur, un seul suffira pour manifester où conduit l’orgueil. Maladie incurable, dit le sage. L’orgueilleux ne peut rien faire de bon, son orgueil vicie toutes ses œuvres.

Le texte :

V17 : la traduction d’Osty du texte grec dit: « enfant accomplis tes œuvres avec modestie et tu seras aimé de l’homme, agréé de Dieu », la traduction de l’hébreux : «  mon fils, si tu es riche, marche avec humilité et tu seras aimé plus que celui qui fait des présents ».

Elles nous disent l’importance de l’humilité en relation directe avec l’amour de Dieu et des hommes : l’humilité ouvre à l’amour. Sans elle on ne peut aimer ni être aimé, l’homme reste dans la suffisance qui le coupe de tout même de Dieu.

V20 : « grande est la puissance du Seigneur ». « il y a un secret rapport entre la gloire du Créateur et l’humilité de la créature, qui est la vérité de l’homme en face de son Dieu » Parole et vie. Nous retrouvons ici l’inspiration du magnificat : les humbles seuls peuvent comprendre la grandeur de Dieu et y être introduit car elle s’est déjà manifestée à eux ils en ont goûté les fruits et elle ne peut que les affermir encore davantage dans l’humilité. Elle n’est pas pure théorie.

V28 : « la condition de l’orgueilleux est sans remède ». L’orgueil est une maladie incurable et bien plus ses racines sont tellement profondes qu’il est la source de tous tes maux !

Ben Sirac n’est pas un pessimiste invétéré mais il donne un conseil pour sortir, éviter ce mal : l’idéal du sage c’est une oreille qui écoute. C’est le résumé du dernier verset de cette péricope qui nous livre le portrait du sage. Ce qui le caractérise c’est sa docilité au réel. S’il est toujours en train de scruter une parabole, c’est que tout pour lui est parabole, tout a un sens, tout lui parle et le questionne. Le sage se laisse instruire sans cesse : il sait qu’il ne sait pas tout. Il ne cherche pas une oreille qui l’écoute, lui même se fait écoute. Il désire que tous, comme lui, aient une oreille ouverte sur le réel. « Scruter les signes du temps », disait Jean XXIII. Ces simples phrases disent combien des sages tels qu’un  Cardijn ou un Jean XXIII ont compris ce que Jésus souhaite à la fin de ses paraboles : « Qu’il entende celui qui a des oreilles pour entendre ».

Telle est la pointe du texte qui nous prépare à mieux comprendre le texte évangélique et vivre l’humilité.