1ère lecture : Deutéronome 26/4-10 + 11
.4 Le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu.
5 Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu :
« Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse.
6 Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage.
7 Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions dans la misère, la peine et l’oppression.
8 Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte à main forte et à bras étendu, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges.
9 Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel.
10 Et maintenant voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur. » Ensuite tu les déposeras devant le Seigneur ton Dieu et tu te prosterneras devant lui.
11 Alors tu te réjouiras pour tous les biens que le Seigneur ton Dieu t’a donnés, à toi et à ta maison. Avec toi se réjouiront le lévite, et l’immigré qui réside chez toi.
A propos de cette lecture :
Les textes du Premier Testament que nous propose la liturgie des 5 dimanches de la Sainte Quarantaine, dessinent le visage du Dieu d’Israël dont Jésus sera l’Envoyé et le révélateur. Ils nous feront découvrir que Dieu est la fois le Dieu de l’histoire, le Dieu de la promesse et le Dieu de l’Alliance.
Les premières lectures des cinq dimanches de carême reprennent des étapes significatives de l’histoire du salut et leur contenu. Ces cinq étapes de l’histoire du salut semblent bien indiquées pour un parcours quadragésimal mais il sera souvent difficile de faire le lien entre la première lecture et l’évangile.
1er dimanche, les origines : les Araméens nomades.
2e dimanche, les Patriarches : la vocation de Moïse.
3e dimanche, le désert : la mission chez Pharaon.
4e dimanche, la Terre Promise : la Pâque en Terre Promise.
5e dimanche, l’Alliance Nouvelle : le commencement d’un monde nouveau.
Riaud dans Feu Nouveau écrit : « l’homme de la bible n’affirme pas sa foi en proclamant son adhésion à une liste de vérités, mais en rappelant une histoire, une suite de faits dans lesquels Dieu a révélé son être et sa volonté envers les hommes. Sa profession de foi est unique la célébration de l’événement du salut. »
La 4e section du Code deutéronomique contient des prescriptions sur les prémices, (offrandes de ce qui revient au Seigneur, source de tous les biens) de la dîme. Les v 1-11 : présentent « le seul rituel de l’Ancien Testament pour l’offrande des prémices (le geste, v 2-4 ; la prière, v 5-10 ; le repas sacré, v11). Osty. Quels sont ces prémices ?
Ce sont les premiers fruits des récoltes, on vient les apporter à Dieu non seulement pour rendre grâce pour ses dons mais pour « refaire la démarche des ancêtres entrant en Canaan et se rendre contemporain du don passé de la terre en confessant que Yahvé en était l’auteur ». Comme si, par ce rite, on voulait rendre présent le don du passé et s’en remettre une nouvelle fois au Seigneur renouvelant l’Alliance conclue au moment de l’entrée en Canaan.
L’offrande de la dîme est réponse à cette bonté de Dieu c’est l’acte de foi du peuple à son Dieu. Le Dieu de l’histoire n’est plus le Dieu du passé mais par ce rite, il devient le Dieu du présent et preuve est donnée que les dons du Seigneur sont sans fin, qu’il ne met pas de limites à sa bonté.
On note le parallélisme entre les versets 9 et 10, entre l’histoire passée : « Dieu nous fait venir et nous donna ce pays » et le présent (v 10) « maintenant voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Yahvé »
Notre texte est une action de grâce célébrant le Seigneur source de tout don : le salut d’Egypte, le don de la Terre de Canaan et l’offrande de ses fruits. Le nom Yahvé et Dieu est prononcé pas moins de 13 fois. Véritable profession de foi qui se double d’un mémorial, le croyant est invité à la reconnaissance devant Dieu sans cesse à l’œuvre, qui les a libérés de l’esclavage et de la servitude d’Egypte.
Étonnant acte de foi.
Qu’est-ce qu’une confession de foi ?
« L’homme de la bible n’affirme pas sa foi en proclamant son adhésion à une liste de vérités mais en rappelant une histoire, une suite de faits dans lesquels Dieu a révélé son être et sa volonté envers les hommes. Sa profession de foi est uniquement la célébration de l’événement du salut » Riaud dans Feu Nouveau Il reconnaît la présence de Dieu qui marche avec son peuple et l’amour de Dieu, la tendresse de Dieu qui veille sur son peuple.
Il ne suffit pas de se remémorer le privilège de la libération : celle-ci appelle à un engagement dans un geste d’offrande concret et personnel : non seulement en raison de l’abondance des biens dont nous disposons (la terre et ses fruits) mais dans le privilège de la liberté que nous tenons du Seigneur : ils sont les fruits d’une conquête jamais achevée » Ruelle
Gounelle dans ‘Evangile et liberté’, distingue trois sortes de confession de foi :
a) Celle qu’on trouve dans les textes liturgiques : elle est la réponse du peuple à la Parole de Dieu dans un acte de louange et de consécration.
b) Celle des textes polémiques qui sont accompagnés d’anathème.
c) Celle des textes ecclésiastiques qui définissent les croyances fondamentales.
Cette lecture va bien au delà de la description d’une offrande rituelle dans laquelle le peuple apporte les meilleurs produits de ses récoltes. Nous nous trouvons ici dans le cas d’une procession d’offrande où l’on présente au prêtre les produits-objets qui sont offerts et qu’il dépose ensuite devant l’autel.
Dans ce geste d’offrande des biens de la terre, la profession de foi ne pourra énumérer des vérités mais exprimera, confirmera, célébrera de Dieu de bonté, source de tout don, selon l’appellation « le Seigneur ton Dieu ».
Cette profession de foi se double d’un mémorial : le souvenir de la libération d’Egypte, mémorial qui s’achève par l’offrande des prémices des produits du sol donnés par Dieu : « geste symbolique qui engage toute une histoire à vivre l’offrande de bouche non seulement sur la réciprocité de la reconnaissance pour la libération que lui a valu son Seigneur mais elle aboutit à la joie du partage ».
Nous avons ici une des plus anciennes, sinon la plus ancienne profession de foi du peuple hébreu. : « Mon Père était un araméen vagabond ». Profession de foi, non à la manière de notre Credo, réduit souvent à une énumération de vérités à croire, d’affirmations dogmatiques abstraites.
« La foi d’Israël se fonde sur les interventions de Dieu dans l’histoire. Le culte est l’expression de cette foi et commémore l’histoire du salut. En Dt 26 on conserve l’une des pages les plus brillantes de cette foi et de culte de l’antique peuple de Dieu. Les v. 1-15 gardent le souvenir de deux cérémonies liturgiques, liées aux prémices des fruits de la terre (v.1-11) et à la dîme des récoltes (v.12-15). Chacune d’elles comporte une confession de l’israélite au Seigneur […] La première (notre texte) met l’accent sur ce que le Seigneur a fait en faveur d’Israël… La formule « Yahvé a fait sortir Israël d’Egypte » renferme l’article premier et fondamental de la foi d’Israël… Si Yahvé a fait sortir Israël d’Egypte, c’est pour le conduire dans un pays riche et spacieux, dans une terre où coulent le lait et le miel… La sortie d’Egypte et l’entrée en Canaan, constituent les pôles autour desquels gravite le bref sommaire de l’histoire du salut de Dt 26,5b-9… Le Seigneur passe pour sauveur par son intervention dans l’histoire. Une histoire bien concrète où il s’intéresse aux nécessiteux, où il défend les opprimés, où il se porte garant du pauvre traité injustement ». Félix GARCIA LOPEZ, cahiers Evangile, n° 63, p.47-48.
En commençant notre montée vers Pâques, cette lecture nous invite à nous souvenir que ce que nous sommes, nous l’avons reçu. C’est bien dans la mémoire de ce que le Seigneur a été et a fait tout au long de notre route, que nous trouverons la force et la source de notre foi en un Dieu qui marche avec nous. Cette lecture nous invite dès lors à entreprendre une marche dont celle d’Israël demeure le modèle. Nous nous mettons en chemin vers le Seigneur de Pâque en suivant les jalons posés par nos pères dans la foi : « Mon Père était un araméen vagabond ». Nous commençons ce temps du salut en faisant mémoire de Celui dont nous descendons : un araméen vagabond. Si nous acceptons cette descendance, il nous reste plus qu’à être des femmes et des hommes en route et jamais arrivés.