1ère lecture : I Rois 19/16b.19-21
3 Devant cette menace, Élie se hâta de partir pour sauver sa vie. Arrivé à Bershéba, au royaume de Juda, il y laissa son serviteur. 4 Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. »
5 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit.
Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! »
6 Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit.
7 Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! Autrement le chemin serait trop long pour toi. »
8 Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
9 Là, il entra dans une caverne et y passa la nuit. Et voici que la parole du Seigneur lui fut adressée. Il lui dit : « Que fais-tu là, Élie ? »
10 Il répondit : « J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur, Dieu de l’univers. Les fils d’Israël ont abandonné ton Alliance, renversé tes autels, et tué tes prophètes par l’épée ; moi, je suis le seul à être resté et ils cherchent à prendre ma vie. »
11 Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. »
À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ;
12 et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.
13 Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Alors il entendit une voix qui disait : « Que fais-tu là, Élie ? »
15 Le Seigneur lui dit : « Repars vers Damas, par le chemin du désert. Arrivé là, tu consacreras par l’onction Hazaël comme roi de Syrie ;
16 puis tu consacreras Jéhu, fils de Namsi, comme roi d’Israël ; et tu consacreras Élisée, fils de Shafath, comme prophète pour te succéder.»
19 Élie s’en alla. Il trouva Élisée, fils de Shafath, en train de labourer. Il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Élie passa près de lui et jeta vers lui son manteau.
20 Alors Élisée quitta ses bœufs, courut derrière Élie, et lui dit : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai. »
Élie répondit : « Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait. »
21 Alors Élisée s’en retourna ; mais il prit la paire de bœufs pour les immoler, les fit cuire avec le bois de l’attelage, et les donna à manger aux gens. Puis il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service.
A propos de cette lecture :
Il est sans doute bon de situer la péricope de ce dimanche dans son contexte, aussi j’ai repris l’ensemble du passage.
La vie d’Elie connut des persécutions : il s’est enfui pour échapper à la menace de mort que Jézabel faisait peser sur lui et il s’est enfui et, ce faisant, il fuit le Seigneur. Mais l’ange du Seigneur l’accompagne tout au long de la route qui va le conduire à l’Horeb ; là, Elie va faire l’expérience de la rencontre avec Dieu, ou plutôt de la manifestation du Seigneur ; bien autre chose que ce qui est proposé et vécu dans les cultes païens.
A la montagne de Dieu, l’Eternel se manifeste : il n’est ni dans le vent, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu mais un murmure doux et léger. L’hébreu l’exprime de façon pittoresque : « le son d’une douceur tranquille ; ou même « un doux silence. » Nouveau commentaire biblique p. 356.
L’apparition de Dieu est une réponse à la « critique indirecte d’Elie », 19, 4.5 Il a préféré mourir que de continuer à marcher, au milieu des périls, dans la foi en Dieu. Il se voit maintenant renvoyé par le Seigneur sur le chemin de sa défection en vue de reprendre les responsabilités qu’il fuyait. Après sa fuite sous la menace de Jézabel , il fallait bien à Elie cette expérience de Dieu à l’Horeb, avant la double mission qui lui serait confiée
Maintenant que Dieu est passé, la rencontre avec lui s’achève par une double mission : sacrer un nouveau roi et pour lui-même un successeur. Le fugitif est chargé d’autant plus lourdement et l’expérience de l’Horeb va peser de tout son poids tant dans l’onction de Jéhu que dans l’appel d’Elisée. Une mission qui va entraîner et « soutenir divers mouvements insurrectionnels capables de mettre un terme à l’injuste et païenne domination d’Achab et de Jézabel. Le roi araméen de Damas sera au moins encouragé, et Jéhu militaire entreprenant, sera poussé à la révolte. Par eux s’accomplira le jugement sévère de Yahvé qui s’achèvera dans l’exécution capitale de tous ceux qui ont pactisé avec l’impiété syrophénicienne de Jézabel » Monloubou- L’évangile de Luc p. 176.
Dans le récit qui nous intéresse aujourd’hui, Elie a pour mission, au retour de la rencontre avec le Seigneur, de marquer de l’onction prophétique un homme en train de labourer. Très belle façon de montrer que le Seigneur n’appelle pas des êtres extraordinaires pour annoncer sa Parole. Il choisit un terrien. Dans la Genèse, Adam fut placé sur le Adama qui, en hébreu, signifie le champ, la terre. C’est sur le lieu des tâches journalières que l’homme entend l’appel de Dieu.
La vocation d’Elisée nous met sur le chemin de l’évangile de ce jour et de notre vocation baptismale : « l’appel à prendre la relève de son maître le surprend au cœur même de ses taches quotidiennes sans lui laisser le loisir d’achever le douzième arpent qu’il est en train de labourer » Ruelle –Prions ensemble.
Le récit nous dit encore une chose à propos de cet appel. La terre à labourer était de Douze arpents comme les douze tribus d’Israël, ce peuple impossible, auquel Dieu veut faire entendre sa voix. Israël est dans une crise religieuse et il va falloir aller à contre courant, labourer, travailler le cœur du peuple pour qu’il se convertisse et que la parole du Seigneur puisse les toucher. La mission d’Elisée devra aller à contre courant des mœurs bien établies.
N’est-ce pas une raison suffisante pour ne pas tergiverser ? La réponse immédiate d’Elisée qui immole un couple de bœufs et le donne à manger à ses proches, nous interpelle. Comme Abraham, le successeur d’Elie va tout quitter mais dans un geste de partage et de communion. Toute vocation personnelle appelle au partage de ce que le Seigneur nous donne (terre, biens, dons personnels) dans un esprit de fête : tel est le but de la création et de toute vie humaine. Cette merveilleuse perspective s’exprimera au travers de l’action d’Elisée comme ce fut le cas d’Elie et pour tous ceux qui, aujourd’hui encore, sont touchés par la Parole de Dieu.
Nous devons encore noter comment le passage se fait d’Elie à Elisée : le charisme d’Elie est transmis dans le manteau qu’il lui jette sur le dos.
« Le manteau est la caractéristique de la mission dont le prophète est investi », il est chargé de sa force prophétique. Ce n’est que plus tard, au départ d’Elie, qu’Elisée ramassera son manteau et qu’il assumera toute sa tâche.
Une phrase d’Elie est difficile à comprendre : « Va-t-en, retourne là bas ! Je n’ai rien fait ». La TOB dans sa traduction écrit : « Va et reviens, car tu sais ce que je t’ai fait ».
« Cette traduction suggère qu’Elie, interprétant la demande d’Elisée comme une hésitation, voudrait annuler le geste symbolique d’appel. Devant ce qui apparaît comme une rétractation, Elisée au lieu de prendre congé de ses parents, rompt définitivement avec sa vie antérieure. La destruction de son attelage et l’abattage des bœufs rendent tout retour en arrière impossible » Feu Nouveau p. 70.
Elie a lancé son manteau et ne l’a pas repris. Elisée est libre mais l’appel qu’il reçoit est radical et il ne peut y répondre sans une rupture radicale. C’est ce qu’il accomplit d’ailleurs avant de rejoindre le prophète en immolant et sacrifiant ce qui faisait son quotidien Elie.
Quel sens peut avoir ce manteau pour nous ? C’est le Christ que nous avons revêtu au baptême et qui nous a libérés afin que nous soyons vraiment libres. (2e lecture)