JEAN-PAUL II

AU PIED DE LA CROIX

La bénédiction prononcée par Élisabeth à la Visitation : “Bienheureuse celle qui a cru”, atteint la plénitude de son sens lorsque Marie se tient au pied de la Croix de son Fils. Le Concile déclare que cela se produisit non sans un dessein divin : “Souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime née de sa chair le consentement de son amour, Marie garda fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix”. Union par la foi, par la même foi avec laquelle elle avait accueilli la révélation de l’Ange au moment de l’Annonciation.

Elle s’était alors entendu dire : “Il sera grand : Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles des siècles, et son règne n’aura pas de fin”.

Et maintenant, debout au pied de la Croix, Marie est témoin, humainement parlant, d’un total démenti de ces paroles. Son Fils agonise sur ce bois comme un condamné. “Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, méprisé, nous n’en faisons aucun cas”, il était comme détruit. Comme elle est grande, comme elle est alors héroïque l’obéissance de la foi dont Marie fait preuve, face aux “décrets insondables de Dieu” ! Comme elle se livre à Dieu sans réserve, dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à celui dont les voies sont incompréhensibles ! Et aussi comme elle est puissante l’action de la grâce dans son âme, comme elle est pénétrante l’influence de l’Esprit Saint, de sa lumière et de sa puissance !

Par une telle foi, Marie est unie parfaitement au Christ dans son dépouillement. En effet, “le Christ Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes”. Et justement, sur le Golgotha “il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et la mort sur une croix !”. Au pied de la Croix, Marie participe par la foi au mystère bouleversant de ce dépouillement. C’est là sans doute la kénose de la foi la plus profonde dans l’histoire de l’humanité. Par la foi, la Mère participe à la mort de son Fils, à sa mort rédemptrice ; mais à la différence de la foi des disciples qui s’enfuyaient, la sienne était beaucoup plus éclairée.

Oui, vraiment, “bienheureuse celle qui a cru” ! Ici, au pied de la Croix, ces paroles qu’Élisabeth avait prononcées après l’Annonciation semblent retentir avec une éloquence suprême et leur force devient profondément pénétrante. Depuis la Croix, pour ainsi dire du cœur même du mystère de la Rédemption, le rayonnement de cette bénédiction de la foi s’étend et sa perspective s’élargit. Elle rejaillit jusqu’au commencement et comme participation au sacrifice de son Fils, nouvel Adam, elle devient, en un sens, la contrepartie de la désobéissance et de l’incrédulité comprises dans le péché des premiers parents. C’est ce qu’enseignent les Pères de l’Église et en particulier saint Irénée : « Le nœud de la désobéissance d’Ève a été dénoué par l’obéissance de Marie, car ce que la vierge Ève a lié par son incrédulité, la Vierge Marie l’a délié par sa foi ».

Encyclique “Redemptoris Mater”, n° 19.